Lutter contre le gaspillage alimentaire, des applications mobiles émergent

Le constat est effarant : chaque année, 58% de tous les aliments produits au Canada sont perdus ou gaspillés. L’étude menée en 2019 par deux organismes luttant contre le gaspillage alimentaire, Value Chain Management International et Deuxième Récolte, ne s’arrête pas là. Ce chiffre représenterait 35,5 millions de tonnes de nourriture. Afin d’éviter ce désastre écologique, les applications mobiles annoncent et accélèrent le changement.
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Chloé Liberge

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Il y a quelques semaines, Too Good To Go a fait son apparition à Edmonton. Le principe de cette application mobile danoise, aujourd’hui disponible dans le monde entier, est simple : acheter les invendus des commerces à bas prix.

Le consommateur obtient des produits moins chers et le vendeur ne jette pas sa nourriture à la poubelle. Un concept gagnant-gagnant pour tout le monde!

Présente dans la province, et depuis mars dernier à Calgary, elle compte déjà plus de 200 boutiques locales qui jouent le jeu de l’anti-gaspi. Épiceries, boulangeries, restaurants, produits biologiques, végétaliens, avec ou sans gluten, il y en a pour tous les goûts.

Une diversité d'offres qu’Erica Harper, responsable du marketing, des médias sociaux et de la gestion de la relation client de l’application, aime célébrer. «Depuis qu’on s’est installés en Alberta, on a sauvé plus de 11 000 repas. On est content de ces résultats, et on est aussi très fier d’avoir des partenaires francophones et francophiles», ajoute cette Ontarienne.

Et elle n’est pas la seule! Aujourd’hui, d’autres entreprises agissent contre le fléau du gaspillage alimentaire.

Une lutte à laquelle tout le monde peut participer

Sur le même principe que Too Good To Go, il existe Flashfood. Celle-ci est réservée à l’achat en supermarché et permet de faire des économies sur les produits dont la date de péremption approche. Fruits, légumes, produits laitiers, viande, tout peut être sauvé en un clic.

Marie Wahl, maman de quatre enfants, l’utilise régulièrement. «J’achète toujours de la viande bio locale, alors quand je suis à court, j’essaie de la trouver par ce biais-là.» Pour cette Française installée en Alberta depuis sept ans, il est primordial de faire attention à sa surconsommation.

«J’ai travaillé dans un supermarché plus jeune en France et quand j’ai vu tout ce qu’ils jetaient, c’était vraiment incroyable», s’indigne-t-elle.

Depuis, le gouvernement français a pris conscience de ce gâchis et la Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) a été adoptée en février 2020. Celle-ci vise notamment à réduire les déchets et à éliminer tous les emballages plastiques à usage unique. Ainsi, elle oblige les magasins alimentaires de plus de 400 m2 à donner leurs invendus alimentaires à des associations.

Bien que cette loi n’existe pas en Alberta, l’organisme Leftovers Foundation fonctionne sur le même principe. Chaque fin de journée, de nombreux établissements tels que les cafés, les restaurants ou les boulangeries ont des invendus. Au lieu de les jeter, les propriétaires de ces commerces les remettent à un organisme caritatif qu’ils choisissent sur l’application.

C’est alors au tour des bénévoles d’entrer en scène! Ces derniers se connectent sur l’interface mobile et de nombreux itinéraires entre le point de collecte et de distribution leur sont proposés. Il suffit ensuite d’opter pour le chemin qu’ils veulent emprunter et en route pour la cueillette! Avec un peu moins de 500 bénévoles en 2021, tout le monde peut prendre part à cette aventure de proximité.

Cory Rianson, directeur général de Leftovers Foundation depuis février dernier, voit cette action de redistribution comme «un double impact communautaire». Il explique «d'une part, vous aidez les gens de votre communauté et, deuxièmement, vous aidez aussi l'environnement en détournant cette nourriture des décharges».

Économiser de l’argent en achetant, c’est possible!

Pour Marie et sa grande famille, les courses peuvent s’avérer compliquées et souvent coûteuses. C’est pourquoi Flashfood comporte une rubrique avec la somme d’économies réalisées. Lorsque cette maman a vu le montant affiché, elle a été très surprise. «Je suis à 1 500 dollars d’économies sur un an», se réjouit-elle.

C’est également le côté financier qui plaît aux commerçants. Cela fait maintenant six mois qu’Anthony Cucchiara a ouvert La French Taste avec son partenaire de vie et de travail, Julien Dallaine. Alors quand Too Good To Go est arrivé à Edmonton, ce pâtissier s’est immédiatement inscrit. «J’aime pas du tout jeter la nourriture, donc c’est vraiment agréable de pouvoir continuer à vendre nos produits», se réjouit ce Français installé en Alberta depuis quatre ans.

Brioches, quatre-quarts, madeleines, les viennoiseries que propose Anthony dans son panier d’invendus fait des heureux. Grâce à cette initiative, l’entrepreneur a pu élargir sa clientèle en voyant de nouveaux clients passer le pas de la porte. «Cela permet aux gens de pouvoir nous connaître, car ils reviennent même en dehors de l’application», assure-t-il.

Malgré ces nouvelles technologies, les banques alimentaires sont toujours présentes 

Pourtant, l’idée derrière ces nouvelles applications n’est pas seulement de prendre soin de notre planète. Elles sont aussi là pour répondre à une précarité alimentaire omniprésente qui devrait s’accentuer avec l’inflation que l’on connait au pays. Un objectif commun avec les banques alimentaires de la province.

Grâce au soutien de l’industrie alimentaire, la banque alimentaire de Calgary reçoit de la nourriture qu’elle redistribue aux plus démunis. Madison Beblow, bénévole, explique que la provenance des denrées est multiple. «Cela peut être des magasins, des épiceries, n’importe qui peut faire un don à la banque alimentaire».

Grâce aux dons financiers et d’aliments, le centre caritatif a récolté près de 7 000 tonnes de nourriture l’année dernière et ne compte pas s’arrêter là. En effet, l’organisme développe de nombreux partenariats avec des organismes locaux, dont Leftovers Foundation. Pour Cory Rianson, il est important de «tout faire pour aider les individus à s’assurer qu’ils ont accès à la nourriture dont ils ont besoin».

Réaliste, le directeur général de Leftovers Foundation sait qu’il s’agit uniquement d’un petit pas dans la lutte contre la faim. «Le travail que nous faisons est important, mais nous savons qu'il y a plus à faire pour sortir les gens de la pauvreté et pour s'assurer qu'ils n'auront plus besoin de compter sur des programmes comme celui-ci», se désole-t-il.

Les créateurs de ces applications n'oublient pas néanmoins le rôle important que jouent les banques alimentaires. Erica Harper souhaite d’ailleurs rappeler «leur travail indispensable de donner en grande quantité». Elle poursuit, «Too Good To Go, c’est trois croissants et des jus de fruits à la fin de la journée, alors c’est vraiment différent».

Ainsi, chacun, à sa petite échelle, peut participer à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Erica invite d’ailleurs les individus à rejoindre ce combat. «On a besoin que tout le monde agisse, les consommateurs, mais aussi les commerçants qui ont du surplus alimentaire», revendique-t-elle.

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  • Date de création 16 juin, 2022
  • Dernière mise à jour 16 juin, 2022
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