L’Ontario annonce 1,3 milliard pour «stabiliser» le secteur postsecondaire

Le secteur postsecondaire de l’Ontario est aux prises avec d’importantes inquiétudes financières. La ministre des Collèges et Universités, Jill Dunlop, a annoncé lundi un investissement de plus d’un milliard de dollars, mais plusieurs doutent que ce sera suffisant.

 

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Émilie Gougeon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

La ministre Dunlop a annoncé l’octroi de plus de 900 millions de dollars sur trois ans qui seront déposés dans un nouveau fonds visant à assurer la viabilité financière du secteur postsecondaire.

Une enveloppe de 203 millions de dollars, provenant de ce fonds, sera destinée à certains établissements, notamment ruraux et nordiques, qui se trouvent en plus grande difficulté financière qu’ailleurs en province.

Il inclut aussi 167,4 millions de dollars, encore sur trois ans, pour les réparations majeures et l’équipement, nécessaire dans plusieurs institutions.

Le gouvernement Ford avait chargé un groupe d’experts surnommé «blue-ribbon panel», en mars dernier, de se pencher sur les finances des institutions collégiales et universitaires de la province.

Attendue depuis novembre dernier, lorsque le groupe d’experts a remis son rapport, l’annonce de lundi visait à répondre aux conclusions de ce groupe.

Le comité composé de huit spécialistes, dont un francophone, a conclu que la viabilité du secteur était sérieusement menacée et a entre autres recommandé au gouvernement Ford d’augmenter les droits de scolarité de 5 % pour l’année scolaire en cours, et de continuer à le faire pour les années suivantes, en fonction de l’inflation.

Dans son document législatif déposé lundi, Jill Dunlop maintient aussi pendant «au moins» trois ans le gel des frais de scolarité, instauré par son gouvernement après les avoir réduits de 10 %, en 2019.

«Je ne vais pas m’excuser de ne pas avoir augmenté les droits de scolarité dans cette province, comme le recommandait le comité d’experts», a soutenu la ministre des Collèges et Universités.

«Ce n’est pas le moment d’augmenter les droits de scolarité quand il y a une crise d’abordabilité dans la province», a-t-elle lancé.

Le ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy, en avait déjà fait l’annonce, à la mi-février.

Visas étudiants

Pour répondre à l’entièreté des recommandations du groupe d’experts, il aurait fallu que la ministre Dunlop annonce 2,5 milliards de dollars, selon une analyse interne du Conseil des universités de l’Ontario.

Parmi les 23 universités de l’Ontario, dix prévoient un déficit cette année, selon cet organisme.

Les collèges et universités de la province ont appris en janvier qu’ils allaient devoir faire face à un nombre réduit d’étudiants étrangers durant les deux prochaines années.

Ces visas étudiants représentent, pour plusieurs institutions, une énorme part de leurs revenus – un problème dénoncé dans plusieurs rapports de chiens de garde au cours de la dernière décennie en Ontario.

Lors de son arrivée au pouvoir, le gouvernement Ford avait mis fin au moratoire visant à limiter le nombre de partenariats entre les collèges publics et le domaine privé.

La province a récemment rétabli ce moratoire, disant que de telles mesures étaient maintenant nécessaires pour mieux encadrer le secteur.

Certains collèges ont profité de l’essor du nombre d’étudiants internationaux pour stabiliser leurs finances.

Changements

Le projet de loi de Mme Dunlop comprend aussi des changements liés à la santé mentale des étudiants, à la sécurité sur les campus et à la transparence face aux frais de scolarité, notamment.

La ministre n’a toutefois pas précisé comment les nouvelles mesures permettront de répondre à la baisse de revenus causée par le cap des étudiants étrangers.

Cette décision du gouvernement fédéral était «unilatérale» et «perturbatrice», selon la ministre des Collèges et Universités, qui a déploré ne pas avoir été consultée préalablement.

Jill Dunlop affirme que le ministère fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a refusé les demandes de rencontre envoyées par son bureau et celui du ministre du Travail de l’Ontario, David Picini.

Une source haut placée au sein du gouvernement fédéral a toutefois indiqué au Droit que ces affirmations étaient fausses, et que les communications sont demeurées constantes entre les deux gouvernements depuis les balbutiements de mesures potentielles pour le secteur postsecondaire.

Pas assez

L’annonce de la province ne compensera que 15 % des pertes anticipées face à la limite des visas étudiants du gouvernement fédéral, selon le président de Higher Education Strategies Associates, Alex Usher.

Selon cette firme, près de 76 % des droits de scolarité des collèges ontariens proviennent des étudiants internationaux.

La porte-parole néo-démocrate en matière d’éducation postsecondaire Peggy Sattler a fait part de son accord face au gel des droits de scolarité, mais elle estime que la province aurait dû augmenter son financement pour compenser.

Elle n’a pas répondu clairement si son parti appuie la décision du gouvernement fédéral face au cap du nombre de visas étudiants.

Selon son homologue libéral, Adil Shamji, octroyer 1,3 milliard de dollars au secteur postsecondaire, c’est «comme donner du Gatorade à quelqu’un qui meurt de déshydratation».

Le chef du Parti Vert, Mike Schreiner, a répliqué à la ministre Dunlop concernant sa plainte de ne pas avoir été consultée par Ottawa. Il existait, selon lui, «plusieurs indices» laissant présager d’éventuelles mesures, et ce, depuis plusieurs mois, a-t-il insisté.

«Ce gouvernement devrait retourner au collège ou à l’université et étudier les mathématiques», a-t-il lancé, jugeant que le financement annoncé par la province lundi est insuffisant.

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Photos 

 

  • La ministre des Collèges et Universités de l'Ontario, Jill Dunlop. (Patrick Woodbury/Archives Le Droit)

 

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  • Date de création 27 février, 2024
  • Dernière mise à jour 27 février, 2024
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