Logements abordables: les minimaisons comme solution

Les minimaisons pourraient bien pousser prochainement sur les terrains résidentiels de Prescott-Russell. En plus de leurs vertus écologiques, ces petits logis occupent considérablement moins d’espace qu’une maison traditionnelle, ce qui permettrait de loger de nouveaux travailleurs pour la région.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Après cinq ans dans la construction de grandes maisons à Tremblant, Sylvain St-Maurice et Audrey Simard ont voulu rapetisser leur empreinte écologique en se lançant dans le monde des minimaisons. Main-d’œuvre plus flexible, plus environnementale, terrain moins imposant; cette avenue se voyait comme une solution au manque de logement pour les propriétaires de Structure Héritage.

«On veut être capable de produire un fort volume de maisons abordables, de pallier une crise de logement, d’être une solution, pas la seule, mais d’en être une», dit M. St-Maurice.

«Un fort volume» signifie construire une minimaison en une semaine. C’est l’objectif de rapidité que l’entreprise veut atteindre.

Si le client assemble lui-même sa maison, il peut s’en sortir en bas de 100 000$, mentionne Audrey Simard. En ajoutant la main-d’œuvre de construction et le revêtement, le prix moyen d’une minimaison revient à 250 000$.

Main-d’œuvre polyvalente

Mme Simard et M. St-Maurice ont fondé Structure Héritage il y a un an à Hawkesbury, rue Tessier. Étant donné que les minimaisons sont plus simples à fabriquer que des maisons conventionnelles, ils ont eu plus de facilité à dénicher une vingtaine d’employés, tous résidents de la région. Seulement deux menuisiers de formation se retrouvent dans l’équipe. «Il manque tellement de main-d’œuvre en construction, c’est pour ça qu’on s’est lancé là-dedans. On sauve des étapes. Il reste juste à assembler les murs comme un jeu de lego.», explique Mme Simard.

Une fois les murs construits, un groupe de travailleurs se rend chez le client avec les morceaux de la maison. Ceux-ci peuvent l’assembler sur place ou le client peut l’assembler lui-même, avec des instructions fournies par le fabricant.

Plus compactes

Une minimaison peut comprendre deux chambres à coucher et deux salles de bain. En y ajoutant des murs, elle peut s’agrandir comme la clientèle le souhaite.

Le duo a testé un «village» de six minimaisons dans la cour de son usine. Deux lampadaires éclairent et un chemin sépare les deux côtés du «village». Pas de cour arrière ni de stationnement privé. «On regroupe les maisons, on installe des services communs et le stationnement est installé en périphérie des maisons», image Audrey Simard.

Ces minimaisons déjà toutes vendues occupent 4000 pieds carrés au total, alors qu’une maison conventionnelle couvre 9000 pieds carrés en moyenne incluant le terrain, indiquent les entrepreneurs. Étant donné le manque de terrains, ils voient les minimaisons comme un moyen de maximiser l’espace dédié au logement.

De plus, la nouvelle Loi 23 de l’Ontario facilite leur construction. Jusqu’à trois unités sont autorisées sur toute parcelle de terrain résidentiel et les municipalités ne peuvent plus exiger une superficie minimale pour les maisons.

La fabrication de ces maisons est plus écologique, autant au niveau des matériaux que du transport. «Nous sommes une usine pratiquement zéro déchet», indique Sylvain St-Maurice. Leur surplus de laine minérale est emballé en petite quantité et revendu dans les quincailleries, idem pour le bois d’allumage. Sa compagne Audrey met l’accent sur l’économie de transport. 

«En construction, il y a tellement de gaspillage, au niveau des matériaux et du transport. Quand on est à Tremblant, les matériaux ni les employés ne viennent pas de là, vu qu’on ne trouve pas de main-d’œuvre locale, alors ça fait beaucoup de transport.»

Grande demande

Le couple est débordé par les requêtes d’un peu partout au Québec et en Ontario pour leurs petites maisons. Les promoteurs immobiliers veulent autant qu’elles soient dédiées à l’achat qu’à la location. «On y va doucement, on n’est pas capable de combler toutes les demandes», concède Simard.

L’entreprise n’a pas encore entrepris de construction dans Prescott-Russell. Les propriétaires de Structure Héritage ont présenté leur projet à certaines municipalités, dont le Canton de Champlain, et ont senti un bel accueil de leur part. «Ils sont agressifs, ils veulent qu’il y ait des minimaisons dans Prescott-Russell», dit Sylvain St-Maurice.

Manque de logement critique

La liste d’attente pour un logement dans la région compte plus de 1300 applications, selon les Services de logement des CUPR.

La balle est maintenant dans le camp des municipalités d’adopter un changement de zonage pour permettre la construction de plus petites maisons. Le sujet sera discuté au conseil de la Cité de Clarence-Rockland prochainement. «Je pense qu’on n’a pas le choix, mentionne le maire Mario Zanth. Il faut un peu plus d’innovation là-dedans. Il y a plusieurs familles qui m’ont approché pour pouvoir installer des minimaisons sur leur terrain.»

Du côté de la municipalité de Champlain, le conseil est en attente d’un plan de l’administration pour décider si les minimaisons sont une bonne avenue pour la municipalité. La superficie minimale qu’une maison doit avoir sur ce territoire actuellement est de 915 pieds carrés, tandis qu’une minimaison oscille autour de 400 pieds carrés.

«Ça fait quatre ans que je prône qu’on devrait s’adapter et adopter un changement de zonage pour donner l’occasion d’avoir des minimaisons dans certains secteurs de la municipalité, témoigne le maire de Champlain et président des CUPR, Normand Riopel. Ça va aider à loger les gens qui veulent venir travailler dans notre région.»

La municipalité peut encourager le développement de ces logements dans certains secteurs en adoptant des changements de zonage et en approuvant des villages de minimaisons, mais la construction revient aux promoteurs.

Toujours dans l’Est ontarien, le Comté de Lanark analyse cette avenue avec un projet pilote de deux minimaisons dans une cour arrière.

Pas si abordable

Pour que les minimaisons soient une solution au logement abordable, elles doivent être aménagées en «grappe» ou dans la cour d’un terrain existant, déclare le professeur invité de l’Université de Montréal dans la Faculté de l’aménagement, Guillaume Lessard. «Dans l’aménagement en grappe, les maisons sont orientées vers des services communs au lieu que chacun ait son propre terrain et stationnement. On économise sur les coûts d’acquisition de terrain. Par contre, si on construit des logements conventionnels avec de gros terrains rectangulaires alignés, ça n’aide pas vraiment. Ça revient pas mal au même prix qu’une maison conventionnelle.»

L’installation d’une minimaison dans la cour d’une maison conventionnelle serait la meilleure solution et permet aussi l’aide intergénérationnel, présente celui qui détient un doctorat en études urbaines. «Il y a déjà l’aqueduc, l’égout, la fosse septique, etc. [...] Le ménage vieillissant peut se faire une petite unité dans le fond de la cour et louer la maison principale. Ça engendre un revenu et il y a d’autres gens sur le terrain. C’est déjà développé, alors pourquoi raser des terres agricoles quand il y a un terrain existant?»

L’achat d’une minimaison construite par l’entreprise revient à peu près au même prix qu’une maison classique, souligne-t-il, alors l’acheteur n’avance pas en termes d’abordabilité. À Sherbrooke, un village de 73 petites maisons va naître grâce à la Fédération des coopératives d’habitation de l’Estrie. Étant donné que le village est géré par une coopérative de propriétaires, le prix à l’achat est moins cher que la valeur marchande et le prochain propriétaire bénéficiera de cet avantage également. C’est d’ailleurs Structure Héritage qui se charge de la fabrication des composantes de ces minimaisons.

«C’est de l’abordabilité à long terme, explique M. Lessard. Je suis un peu critique du discours des promoteurs qui disent que ça va tout régler parce que c’est plus petit. Ça dépend de la manière dont tu les mets sur ton lot. Si tu les vends très cher, ça n’aide pas vraiment à la crise du logement.»

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Photos

Sylvain St-Maurice et Audrey Simard, propriétaire de Structure Héritage (Charles Fontaine, Le Droit)

Sylvain St-Maurice et Audrey Simard a testé un «village» de six minimaisons dans la cour de son usine. (Charles Fontaine, Le Droit)

Les travailleurs de Structure Héritage sont résidents de la région. (Charles Fontaine, Le Droit)

La construction du quartier de 73 petites maisons à Sherbrooke devrait débuter en mai. (Courtoisie)

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  • Date de création 13 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 13 mars, 2023
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