L’œuvre de perlage d'une artiste locale est présentée dans le magazine Vogue

Isabel Mosseler

IJL – Réseau.Presse - Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

Farrah Lewis, artiste de perlage locale, peut dire que son travail fait le tour du monde. L’une de ses œuvres, une cravate bolo perlée, est mise en vedette dans une photo accompagnant un article publié le 28 février dans le magazine international de mode Vogue. L’artiste de 25 ans travaille dans son studio de Sturgeon Falls. Elle y a conçu le bolo en perles, qu’elle a présenté à son cousin Christian Allaire, correspondant principal chez Vogue. Tous deux sont membres de la Première nation Nipissing (PNN).

M. Allaire, qui vit actuellement à New York, couvre le style des célébrités, la mode des tapis rouges, les tendances et les créateurs émergents, avec un penchant particulier pour l'art autochtone et son influence sur le monde de la mode. Son article de février portait sur la nouvelle popularité de la cravate bolo parmi les célébrités et, pour illustrer la beauté de l’objet, il mettait en photo le bolo conçu et créé par Farrah Lewis. C’était une belle reconnaissance de l'art de sa cousine, et un beau coup de pouce pour la carrière de l'artiste locale. Elle en a été surprise, flattée et ravie. «C'est sorti de nulle part et j'en suis très heureuse,» dit-elle.

Mme Lewis vend ses œuvres sur Instagram, où elle compte 11 500 adeptes. La majorité de ces followers étaient déjà là bien avant la parution de l'article, mais elle confirme qu'il y a bien eu une vague de nouvelles visites à la suite de la publication.

L'artiste a découvert sa passion pour le perlage en 2016, en dernière année à l'école secondaire Nbisiing. Même si elle a l’air très jeune pour son âge, elle pratique une forme d'art traditionnel très ancienne, tout en y ajoutant sa touche moderne. «J'ai suivi un cours d'art à l'école secondaire de Nbisiing et j'en suis tombée amoureuse, je me suis passionnée et je n'ai pas pu m'arrêter (...) J'avais 17 ans,» raconte-t-elle. Elle a vécu toute sa vie dans les environs de la Première nation Nipissing, et toute sa famille est dans la région. Diplômée en 2016, «maintenant je fais de la broderie perlée à plein temps,» dit-elle fièrement.

Peut-on vivre de l’art du perlage ? «Absolument,» assure Mme Lewis. Malgré le refrain familier selon lequel les artistes crèvent de faim, la jeune femme trouve son métier très gratifiant. Elle est entrepreneure en ligne. «Actuellement, je ne vends que par le biais d'Instagram, donc j’affiche généralement deux à trois collections par mois. Et puis je prends aussi des commandes personnalisées. Et je fais des ateliers de temps en temps.» Elle propose ses ateliers par l'intermédiaire de la PNN, certains en personne à Garden Village et d'autres sur Zoom pour ceux qui ne peuvent pas assister en personne.

On pourrait s’attendre à ce qu'une grande partie de son travail soit d'inspiration traditionnelle, mais lorsqu'on parcourt sa collection, on y voit de nombreuses œuvres inspirées de sources diverses non liées à son identité autochtone. «J'aime ma culture et c'est ma principale source d'inspiration pour tout ce que je fais, mais je pense qu'il est important, en tant qu'artiste autochtone, de se diversifier et de faire savoir au public que nous pouvons faire toutes sortes d'œuvres d'art, et que cela reste de l'art autochtone parce que ce sont des Autochtones qui le créent (...) Je suis vraiment inspirée par la musique, la culture pop et tout simplement par la beauté du monde naturel qui nous entoure,» dit-elle.

Cela donne une palette d’œuvres très intéressante qui évoque tout un éventail de réactions. «Oui, certaines d'entre elles sortent un peu de l'ordinaire,» reconnaît-elle. Certains motifs semblent sombres, comme les crânes, et reprennent des thèmes indigènes d'autres régions, un peu comme l'art précolombien méso-américain, le genre de choses que l'on trouve chez les peuples indigènes qui célèbrent le Jour des Morts, par exemple. Mme Lewis mentionne qu'elle est parfois confrontée à des problèmes de santé mentale et que cela transparaît en partie dans ses œuvres, mais elle ajoute que son art apporte de la lumière à ces problèmes. Elle exprime toutes les facettes de l'âme artistique.

«Ce que je préfère, ce sont les boucles d'oreilles,» dit-elle, déclarant son ambition de décorer tout son univers. «J'adore voir des boucles d'oreilles sur les gens, surtout si elles sont un peu funky et folles. Mais à long terme, j'aimerais me lancer dans le monde de la mode et de l’habillement. C'est quelque chose que j'ai toujours eu à l'esprit.»

Le fait que son travail ait été présenté dans Vogue a certainement attisé sa passion. Les plus grands designers du monde aspirent à cela. Christian Allaire lui a ouvert cette porte, et elle en est reconnaissante. «Chris est mon cousin. Ma grand-mère et sa mère sont sœurs. [Il] m'a toujours soutenue dans mon travail depuis le tout début, quand j'ai commencé, il m'a toujours encouragée, il m'a toujours motivée. Je ne le remercierai jamais assez d'avoir fait ce qu'il a fait,» dit-elle.

Bien entendu, l'attention de Christian Allaire ne se porte pas uniquement sur sa cousine. Il couvre régulièrement des événements tels que le marché d’art autochtone de Santa Fe et les semaines de la mode autochtone. Farrah Lewis pense que son cousin est un être débordant d’amour et de fierté qui donne une voix et une plateforme à de nombreux artistes.

Elle reçoit également le soutien des autres membres de sa famille, ici au Nipissing Ouest. «Une partie de ma famille est originaire de Wikwemikong, sur l'île Manitoulin, et la plupart d'entre nous sommes revenus à Nipissing. La famille de ma mère (Lisa Faubert) est de Sturgeon et je suis très proche de ma famille, qui me soutient beaucoup. Sans eux, je n'y arriverais pas.» Tout ce soutien familial a permis à Farrah Lewis de se rapprocher du monde de la mode, de devenir une influenceuse dans son domaine d'expertise. Elle constate un regain d'intérêt pour le perlage et le design autochtone. «Je pense qu'en ce moment, dans le monde de la mode, en général, les artistes autochtones sont en train de prendre leur place et monter en puissance, et c'est sûr qu'il y a un engouement pour cela. J'aimerais donc vraiment faire partie de ce mouvement.»

Si vous voulez voir son travail de perles, c'est sur Instagram qu'il faut aller (farrahxbeadwork). «C'est une plateforme que j'apprécie vraiment, qui m'aide à entrer en contact avec des gens du monde entier et qui me permet de partager ma culture avec d'autres. Je pense qu'il est très important de faire ça aujourd'hui,» commente-t-elle. Pour l’instant, ses produits ne se vendent dans aucun établissement local, mais elle a participé à divers salons d'artisanat, rassemblements d'artistes, puis le pow-wow traditionnel de la PNN, entre autres. Selon elle, les personnes qui achètent ses oeuvres apprécient leur aspect unique et la valeur intrinsèque d'un article fait à la main.

Farrah Lewis fait tout elle-même, de la conception à la confection et même le marketing; du début à la fin, elle met la main à la pâte. C’est un travail titanesque, mais «cela en vaut vraiment la peine. J'ai dû faire beaucoup de sacrifices (...) Les gens ne voient pas ce qui se cache derrière, ils ne voient que le produit final. Il est certain que cela prend du temps. Mais je ne veux pas me plaindre, j'adore ça,» dit-elle. Elle ajoute que les amitiés et les relations en souffrent parfois, «mais les personnes qui me sont le plus chères savent à quel point ce dévouement est important.»

L’artiste se réjouit de pouvoir servir d’exemple. «Ce que j'espère avant tout, c'est d’inspirer d'autres personnes, jeunes ou moins jeunes, à devenir artistes elles aussi, parce que le monde peut être assez sombre (...) et l'art apporte vraiment de la lumière. Il est possible de gagner sa vie en tant qu'artiste. Je pense que beaucoup de gens ne le comprennent pas, mais il suffit d'être prêt à se battre un peu et à y consacrer du temps,» conseille-t-elle.

Farrah Lewis est surtout très reconnaissante du récent coup de pouce de son cousin. «C'est vraiment un rêve d'enfant qui se réalise, de figurer dans un magazine aussi influent qui m'a toujours obsédée. Je me rends compte que mes rêves les plus fous ne sont peut-être pas si fous que ça!»

-30-

Photo : Farrah Lewis dans son studio d’artiste à Sturgeon Falls. C’est ici qu’elle a conçu la cravate bolo qui est parue dans le magazine de mode Vogue.

Crédit photo : Courtoisie

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 1 avril, 2024
  • Dernière mise à jour 1 avril, 2024
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article