L’interdiction du keffieh à Queen’s Park est maintenue

Quelques instants après que le premier ministre ontarien Doug Ford eût déclaré qu’il n’appuyait pas l’interdiction du keffieh à Queen’s Park, son gouvernement a rejeté une motion visant à autoriser le port de ce vêtement à l’Assemblée législative, jeudi.

_______________________ 

Émilie Gougeon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

Le président de l’Assemblée législative de l’Ontario Ted Arnott a récemment banni le port du keffieh, ce vêtement qui est devenu l’emblème des défenseurs de la Palestine.

«Les vêtements ou autres tenues destinés à faire une déclaration politique explicite» ont auparavant été restreints à Queen’s Park, estime le président Ted Arnott, un député du Parti progressiste-conservateur.

Mercredi, Doug Ford et les leaders de tous les partis politiques à Queen’s Park lui ont demandé d’annuler cette décision.

«Nous voyons la division qui se produit actuellement. Ce n’est pas sain et cela ne fera que diviser encore plus la communauté», a réitéré le premier ministre, jeudi, lors d’un point de presse à Oakville.

Quelques instants plus tard, avant la période de question, Ted Arnott a déclaré qu’il serait ouvert à renverser cette mesure si tel était le souhait de l’ensemble de la chambre.

Consentement unanime

En ce sens, la cheffe du NPD ontarien, Marit Stiles, a demandé le consentement unanime «pour que cette Chambre reconnaisse que le keffieh est un vêtement culturellement important pour de nombreux membres des communautés palestiniennes, musulmanes et arabes de l’Ontario et ne devrait pas être considéré comme l’expression d’un message politique ni comme un accessoire susceptible de semer le désordre et devrait donc être autorisé à être porté en chambre».

Or, elle n’a pas obtenu l’unanimité, puisqu’au moins un «non» a été entendu du côté du gouvernement.

La députée progressiste-conservatrice Robin Martin, qui a prononcé le «non» le plus audible, a expliqué en mêlée de presse qu’elle a voté en fonction de ses convictions.

«En tant que membre, j’ai un vote, et j’ai voté pour ne pas modifier cette décision parce que je pense que c’est la bonne décision», a-t-elle dit.

La députée progressiste-conservatrice Robin Martin s'oppose au retour du keffiah à Queen's Park. (Émilie Gougeon-Pelletier)

Est-ce que son vote est un signe de dissension au sein du caucus progressiste-conservateur?

«J’ai fait la bonne chose», s’est-elle contenté de répondre.

La députée de Nepean, Lisa MacLeod, a fait part de son appui envers sa collègue sur le réseau X (anciennement Twitter), après le vote.

«C’était la bonne [décision]», a-t-elle agréé.

Le président Ted Arnott a expliqué, lui aussi en mêlée de presse, qu’il a pris sa décision «conformément à la procédure» du parlement ontarien.

Il a indiqué qu’un député - qu’il refuse de nommer -  lui avait rapporté, il y a quelques semaines, que la députée indépendante Sarah Jama, d’origine palestinienne, avait porté le keffieh en chambre.

Sarah Jama a d’ailleurs évoqué sa forte opposition à la mesure du président Arnott concernant ce vêtement.

«L’histoire montre et continuera de montrer que les tentatives d’interdiction de l’identité culturelle et des symboles culturels ne font que renforcer les mouvements de résistance», a-t-elle écrit dans une déclaration publiée mercredi.

Échanges de lettres

Dans une lettre adressée au président Arnott, envoyée le 12 avril, la cheffe néo-démocrate Marit Stiles lui demandait de «reconsidérer l’interprétation» qu’il se fait de ce vêtement traditionnel.

«Les députés provinciaux ont porté des kilts, des kirpans, des vyshyvankas et des chubas à l’Assemblée législative de l’Ontario.»

—  Marit Stiles

La cheffe du NPD ontarien disait avoir constaté que des membres de son personnel et des visiteurs de l’immeuble législatif s’étaient fait demander de retirer leur keffieh, une pièce de tissu en coton.

«Chacun de ces vêtements appartient à des associations nationales et culturelles et chacun a parfois été interdit ou considéré comme des symboles politiques à supprimer. Les députés autochtones et non autochtones ont également revêtu des insignes et des symboles traditionnels à l’Assemblée, et la signification culturelle de ces objets ne peut être séparée de leur signification historique et politique», a écrit Marit Stiles.

Le président de la chambre Ted Arnott lui a répondu, mardi, que c’est justement parce qu’il croit que l’Assemblée législative doit être «un endroit accueillant pour tous les résidents de l’Ontario» qu’il a décidé d’interdire le keffieh.

«Ce corps législatif est un forum de débat, et l’on s’attend à ce que les déclarations politiques soient faites au cours du débat plutôt qu’au moyen d’accessoires ou de symboles.»

—  Ted Arnott

Devant les journalistes, Ted Arnott a noté que les élus doivent demander le consentement unanime de la chambre pour porter tout symbole ou vêtement qui pourrait être considéré comme «politique», et «cela inclut même les jonquilles, que l’on porte en appui aux survivants du cancer».

Or, il n’a pas expliqué clairement pourquoi il a décidé d’interdire le port du keffieh à travers l’immeuble, plutôt qu’uniquement en chambre.

Opposition des chefs de partis

Dans sa déclaration publiée mercredi soir, Doug Ford écrivait que «la décision d’interdire le keffieh a été prise par le président de la Chambre et par lui seul».

«Je ne soutiens pas sa décision, car elle divise inutilement les habitants de notre province. Je demande au président de revenir immédiatement sur sa décision», soutenait-il.

La cheffe du Parti libéral de l’Ontario, Bonnie Crombie, a elle aussi fait part de son désaccord avec la décision du président de la chambre. «Ici, en Ontario, nous sommes le foyer d’un groupe diversifié de personnes d’origines très variées», a-t-elle mentionné.

«C’est le moment où les dirigeants devraient chercher des moyens de rassembler les gens, et non pas de nous diviser davantage. J’exhorte le président Arnott à reconsidérer immédiatement sa décision d’interdire le keffieh», a conclu Mme Crombie.

Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, a envoyé une lettre au bureau du président, mercredi soir, lui demandant de renverser sa décision.

«Ces types de vêtements traditionnels ont toujours été et devraient continuer d’être les bienvenus dans l’enceinte», a-t-il indiqué.

-30- 

 

Photos 

 

  • La députée progressiste-conservatrice Robin Martin s'oppose au retour du keffiah à Queen's Park. (Émilie Gougeon-Pelletier)
  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 18 avril, 2024
  • Dernière mise à jour 18 avril, 2024
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article