L’immigration francophone en Acadie entre défis et opportunités

Il n’est pas toujours facile d’être un immigrant francophone hors Québec. Le chemin est difficile, mais il ne comporte pas que des défis. Tout au long du chemin, c’est un monde d’opportunités qui se présentent aux communautés acadiennes. Encore faut-il qu’elles les saisissent.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

   Pourquoi la communauté immigrante représente-t-elle une opportunité pour la Francophonie ? Telle est la question que posait le Réseau en immigration francophone du Nouveau-Brunswick (RIFNB) pour conclure le mois de la Francophonie. Une table ronde était organisée sur ce thème vendredi 31 mars dans la salle du conseil municipal de la Ville de Dieppe.

   L’interrogation mérite particulièrement d’être étudiée dans le contexte de la francophonie en milieu minoritaire. Une francophonie désormais diverse, plurielle et multiraciale qui va de l’Europe à l’Asie, en passant par le continent africain.

   Professeur agrégé au Département de sociologie et de criminologie de l’UdeM, Leyla Sall fut le premier des trois panélistes à prendre la parole. Son axe d’intervention était la contribution des immigrants francophones au développement économique et social.

   L’universitaire a notamment salué l’ouverture de la succursale de la Banque Nationale rue Main à Moncton, où près d’une dizaine de langues étrangères sont parlées par des employés issus de l’immigration.

   «Beaucoup d’immigrants sont des entrepreneurs qui créent de la richesse, constate-t-il. Ils peuvent aussi embaucher d’autres immigrants.»

   Le Pr. Sall observe également qu’une «frontière» vient d’être franchie par le Réseau de santé Vitalité pour contrer la pénurie de main d’œuvre, notamment en ce qui a trait au recrutement des personnels en soins infirmiers.

   «Vitalité part maintenant recruter des infirmiers et infirmières au Sénégal et au Maroc. Avant, on n’en parlait même pas, c’était hors de question.»

Au-delà du déficit en termes de main d’œuvre, cela peut se révéler une question de vie ou de mort.

   «Dans le cadre de mes recherches, j’ai découvert une famille africaine qui veillait sa grand-mère 24 heures sur 24 à l’hôpital Georges-Dumont parce qu’elle ne parlait ni le français ni l’anglais. Imaginez ce qui pourrait changer avec des infirmières et infirmiers qui parlent plusieurs langues.»

La diversité appelle la diversité

   Doctorant en études littéraires, le Malien Daouda Diarra a relevé les difficultés rencontrées ces dernières années par les Africains d’origine subsaharienne pour immigrer au Canada. Il ne s’explique pas que le gouvernement fédéral rechigne à accorder des visas aux Africains alors qu’il semble dérouler le tapis rouge aux immigrants en provenance de l’Inde.

   «Le Canada doit faire un effort. On ne comprend pas la raison des refus. L’immigration francophone a une valeur morale. Nous partageons des valeurs de cœur», plaide Daouda.

   Faisant écho à ce constat, l’activiste Olivier Hussein a lui-même observé de près les problèmes vécus par les immigrants pour intégrer la fonction publique. Ayant travaillé à Ottawa, il déplore une certaine discrimination et le manque de représentation au niveau politique, à l’exception des grandes métropoles québécoises et ontariennes, où la diversité culturelle canadienne est mieux représentée. Pour lui, le Nouveau-Brunswick peut doit mieux faire.

   «Le Nouveau-Brunswick commence à se faire un nom sur la scène internationale. La province doit s’appuyer sur ses immigrants pour saisir des opportunités, comme les prochains Jeux de la Francophonie l’été prochain à Kinshasa (République démocratique du Congo). Et si ce sont des immigrants francophones qui représentent la province quand elle organise des missions de recrutement à l’étranger, c’est plus crédible», affirme-t-il.

   Pour M. Hussein, le Nouveau-Brunswick devrait suivre l’exemple du Québec et ouvrir des représentations diplomatiques à l’étranger, notamment en Afrique francophone. Les trois panélistes ont plaidé pour plus de diversité. Celle-ci apporte une autre perspective dans tous les domaines. Les grandes compagnies représentent la mondialisation par le haut, mais c’est le peuple qui irrigue la société. L’immigration francophone est une manière d’introduire la Francophonie dans la mondialisation, mais par le bas.

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Titre : Panélistes

Légende : De g. à d. : Olivier Hussein, activiste francophone; Arianne Melara, animatrice du panel; Leyla Sall, professeur agrégé au Département de sociologie et de criminologie de l’UdeM, et Daouda Diarra, doctorant en études littéraires.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

La pédagogie doit commencer à l’école (D.D.)

   Le professeur Leyla Sall voit la démographie comme «une capacité d’agir pour peser sur le cours des événements politiques, tant au niveau fédéral que provincial». Il aspire à un vote francophone qui transcende les origines. «Pour ce faire, il faut transformer le vote de tous les francophones, les immigrants comme les Acadiens, et en faire un vote francophone en fonction de nos intérêts.»

   Camerounais d’origine, arrivé au Canada en 2003, Paulin Blaise Ngweth s’est investi en politique. Plus de quatre ans après la campagne provinciale de 2018, il pense qu’il a peut-être servi de faire-valoir international dans une circonscription impossible à gagner. Il avait été investi par le parti progressiste-conservateur dans Baie-de-Shediac-Dieppe, alors détenue par le premier ministre libéral sortant, Brian Gallant. La suite est connue et appartient à l’histoire. L’entrepreneur et écrivain dieppois préfère cependant regarder le verre à moitié plein, tout en faisant preuve de lucidité.

   «Il y a une petite ouverture maintenant, concède-t-il, mais il faut beaucoup de pédagogie parce que les gens ne sont pas prêts. Les gens ont peur des immigrants, mais le Canada, c’est le pays des immigrants. Seule la date d’arrivée diffère.»

   Père de trois enfants, il est d’avis qu’il faut travailler ces questions dans les écoles afin de sensibiliser les élèves à l’immigration. Selon son opinion, des cours devraient être offerts aux élèves pour leur expliquer les enjeux et leur apprendre à bien accueillir les enfants qui viennent d’ailleurs. Il croit toutefois que cela pourrait prendre une vingtaine d’années avant de produire de bons résultats.

   «Actuellement, il y a un cours sur la diversité mais qui est beaucoup basé sur l’homosexualité et les questions de genre. Il faut qu’on ait le même cours mais du côté immigration. Qu’on explique aux enfants pourquoi les gens viennent d’ailleurs pour s’établir ici. Je pense que c’est à partir de l’école qu’on bâtit une mentalité nouvelle qui amène les gens à penser autrement.»

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Titre : Paulin

Légende : Paulin Blaise Ngweth fut candidat aux élections provinciales de 2018 et aux dernières élections municipales à Dieppe.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

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  • Date de création 28 avril, 2023
  • Dernière mise à jour 28 avril, 2023
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