L’humour francophone à Halifax, une scène artistique au stade embryonnaire

Le 1er avril est la Journée internationale de la blague. Non, ce n’est pas un poisson d’avril! Cette journée existe vraiment. Pour célébrer, Le Courrier s’est entretenu avec deux humoristes locaux, Moussa Sangaré-Ponce et Vivien Herbreteau, afin de discuter du stand-up francophone. 

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Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Les opportunités d’open mics (scènes libres) à Halifax sont nombreuses, explique Sangaré-Ponce, ce qui veut dire qu’un humoriste a en masse d’occasions pour tester du matériel et prendre note de la réaction de la foule avant une prestation.

Mais le stand-up francophone en Nouvelle-Écosse, beaucoup plus limité, ne permet pas aux humoristes de faire du rodage, tel est le cas à Montréal. Souvent, les blagues sont présentées pour la première fois le jour même.

Ce fut le cas lors du Spectacle de comédie du 21 septembre dernier, une soirée que Sangaré-Ponce a organisée pour le Conseil communautaire du Grand-Havre.

«Beaucoup de gens disent que je dis du wild stuff parfois. Honnêtement, c’est même pas du stuff que je crois, informe l’humoriste. C’est juste que je test out la réaction des gens sur des blagues parce que tu peux pas vraiment testé out. T’as pas vraiment un marché. Basically, quand tu fais un spectacle francophone, t’as pas le temps de pratiquer avant.»

Les humoristes se fient alors aux avis de leurs proches. On envoie par exemple des enregistrements vocaux à ses pairs pour voir si la blague est réussie et si elle est présentée de la bonne manière.

Or, faire de l’humour en français a ses avantages. «C’est pas mal cool parce que quand je fais du stand-up en français, je me fais payer. Quand je fais du stand-up en anglais, je fais encore des opens mics», mentionne Sangaré-Ponce.

Il faut souvent se créer des opportunités. Sangaré-Ponce raconte la fois où il a organisé une mini-tournée d’humour avec Ryan Doucette, qui vit maintenant à l’Île-du-Prince-Édouard, et Hughie Batherson. C’est Sangaré-Ponce qui a lui-même trouvé le financement et ciblé des organismes dans les régions.

«Dans le stand-up francophone, c’est pas mal tout propulsé par les groupes communautaires, explique Herbreteau. Il y a seulement deux professionnels, à ce que je sache, Ryan et Hughie [...] c’est les deux seuls qui font du business avec [l’humour]. Donc, du coup, quand on me demande, c’est à travers les organismes communautaires.»

Herbreteau a aussi participé l’année dernière au concours national des Rendez-vous de la Francophonie, Les As du rire. Il a terminé en 4e place.

Choisir ses blagues

Vivien Herbreteau raconte qu’il a toujours été à l’aise pour prendre la parole en public. Son parcours en humour a commencé par un atelier d’écriture, par l’entremise du programme Stella de la Fédération culturelle acadienne de la Nouvelle-Écosse, qui jumelle un artiste avec un mentor.

Depuis lors, il a eu quelques occasions de faire de l’humour. En octobre dernier, il a préparé un monologue humoristique de 15 minutes pour le banquet de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse. Il s’est inspiré, entre autres, de ses connaissances du milieu communautaire pour faire rire, sans franchir la ligne.

«Si t’es capable de trouver des blagues qui rejoignent le plus de personnes possible, t'auras plus de chance de faire rigoler, dit-il. Comme je connaissais le communautaire, j’ai fait des blagues par et pour le communautaire.»

En tant que professeur, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, Herbreteau est conscient qu’il a un standing à respecter dans sa communauté. «Pour l’instant et tant que je serai enseignant, mon show devra être clean», ce qui ne le dérange pas, car il fait de l’humour dans son temps libre, pour le plaisir.

De son côté, Moussa Sangaré-Ponce a appris à s’ajuster aux réactions du public. Mais il insiste sur le fait qu’il est impossible de contrôler les opinions et la perception d’autrui. «Tu fais ton show pis t’espères que ça rejoint les gens. Si ça rejoint pas, t’adaptes sur scène ou tu finis ta routine until you’re out parce que tu vas pas plaire à tout le monde. Les sensibilités sont différentes.»

Il dit qu’il ne fait pas toujours les mêmes blagues en français qu’en anglais, car les auditoires et leurs référents culturels sont différents. Il se sent comme deux comédiens complètement différents, d’une langue à l’autre.

C’est la raison pour laquelle Herbreteau ne participe pas à des scènes libres, n’ayant pas le même rapport culturel avec la langue anglaise pour écrire des blagues de la même manière qu’il le fait en français.

Plus d’humoristes 

La Nouvelle-Écosse a plusieurs musiciens qui ont rencontré du succès à l’intérieur et en dehors des frontières de la province. Est-ce que les humoristes peuvent faire pareil?

«Ça prend juste quelqu’un à prendre le flambeau pis montrer aux autres que c’est possible, répond Moussa Sangaré-Ponce. Ça prend tout le temps une personne. Une fois qu’une personne l’a fait, tu vas voir d’autres personnes qui vont commencer.»

L’humoriste, qui est également musicien et rappeur (Denzel Subban), a eu la piqûre musicale jeune, lorsque le groupe Radio Radio est venu à son école pour faire un atelier de rap. L’expérience l’a inspiré à faire de la musique et à monter sur scène.

Il est convaincu que, si lui et d’autres humoristes comme Vivien Herbreteau faisaient aussi des ateliers d’écriture avec les élèves, le résultat pourrait être semblable.

Questionnée sur la possibilité de réaliser un spectacle de comédie hebdomadaire ou mensuelle, Sangaré-Ponce est d’avis qu’il serait bien d’encourager d’autres personnes d’origines différentes, notamment des femmes et des membres de la communauté LGBTQIA+, à se joindre à la communauté d’humoristes et à contribuer à la construction de cette scène artistique, avant de passer à l’étape suivante.

Selon lui, avec plus d’artistes, il y aurait plus de personnes pour tenir le flambeau, le passer aux prochains et faire grandir la communauté.

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 2 avril, 2024
  • Dernière mise à jour 2 avril, 2024
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