L’histoire ferroviaire : un voyage dans le temps à l’accent francophone

Pour les ferrovipathes, les jeunes ou les plus nostalgiques, l’Alberta Railway Museum, niché en pleine campagne à une trentaine de minutes du centre-ville d'Edmonton, se révèle comme une escapade idéale à laquelle prendre part cet été. Les quatre-vingts locomotives et wagons qui sont exposées en plein air, tout comme la multitude d'artefacts qui jalonnent le parcours, nous transportent instantanément dans une époque révolue.

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Une fois engagé sur la 34e rue Nord-Ouest, là où la route asphaltée est accueillie par une profusion de champs verdoyants et de petits marais, il suffit de franchir quelques kilomètres avant d’aboutir devant une large pancarte qui indique les heures d’ouverture du musée. À proximité, une locomotive chasse-neige orange monumentale confirme aux visiteurs qu’ils n’ont pas fait fausse route.

Il faut cependant parcourir encore quelques centaines de mètres sur un chemin de terre avant d’arriver devant l’ancienne gare de Saint-Albert qui accueille le musée ferroviaire. Il va sans dire que les Franco-Albertains apprécieront. Construite en 1909, elle a été rénovée puis déplacée en 1973 sur le site du musée. Aux alentours, le réservoir d’eau, la caserne et d’autres bâtiments rustiques sont disposés de sorte à recréer avec le plus d’exactitude possible l’apparence d’une station de train du début du 20e siècle.

Il y a même un jardin potager, une caractéristique emblématique des gares du Canadien Pacifique. Un «vestige» d’un temps où voyager en train avait encore du lustre, précise Ella Baxter, qui travaille comme guide au musée. «On l’appelle le jardin de “Jack”, car c’est le nom de notre jardinier», explique-t-elle avec enthousiasme.

«À l’époque, les stations avaient toutes leur propre jardin personnalisé. Ça permettait aux voyageurs d’avoir quelque chose à observer si le train avait du retard. Les stations organisaient même des compétitions pour déterminer qui avait le plus beau jardin», ajoute-t-elle.

Des locomotives et encore des locomotives!

Plus loin, sa collègue Mary Ohianwusi s’immobilise à proximité de la locomotive 73 qui est la première dont les visiteurs croisent le chemin lorsqu’ils entament le parcours labyrinthique du musée. Cette machine à vapeur était en service à Edmonton et sur le Northern Alberta Railways de 1927 à 1960 avant d’être rachetée à l’Association historique du chemin de fer canadien (AHCR) en 2017 «pour la modique somme de 1$», précise Mary dans un français quelque peu rouillé. Elle est en phase de «réapprentissage» de la langue, précise-t-elle, mais espère pouvoir offrir des tours guidés aux visiteurs dans la langue de Molière «d’ici la fin de l’été».

De nombreuses autres locomotives peuvent être explorées à loisir par les touristes, certaines fonctionnant au bois, mais plus souvent au diesel, mentionne la jeune femme. La 1392 à vapeur d’origine montréalaise, aujourd’hui en rénovation, la CNR 9000, la NAR 302 et bien d’autres sont présentes sur le site. Leur taille en impose et il est bien rare de pouvoir les approcher de si près.

Les deux guides indiquent toutefois que certaines locomotives se démarquent par leur popularité, que le public soit francophone ou anglophone. La CNR 9000, par exemple, attire toujours le regard des visiteurs puisqu’elle a été une des premières à être construite au Canada pour le transport de marchandises. «Elle a cumulé plus de 2,5 millions de miles (plus de 4 millions de kilomètres) pendant qu’elle était en fonction. On a fait le calcul et ça équivaut, en distance, à environ cinq aller-retour jusqu’à la lune», s’exclame Ella.

La Mail Express 7815 attire aussi l’attention des visiteurs et représente, quant à elle, le dernier vestige du service de courrier par train qui a eu cours au Canada jusqu’en 1970. Avant que les lettres et colis ne soient transportés par avion et par camion, ils étaient acheminés dans les wagons du Canadien National (CN), où une équipe de Postes Canada en assurait le triage 24 heures sur 24. Le transport des missives de Montréal à Vancouver prenait alors quatre jours. «Les commis triaient le courrier et le déposaient dans les sacs postaux en toile appropriés», indique Mary Ohianwusi.

Si les motrices sont à l’honneur, le musée détient aussi quelques spécimens de wagons qui ont fait l’histoire. Le public peut d’ailleurs les visiter et y découvrir une foule de panneaux d’information et d’objets de collectionneurs qui ont été offerts au musée à travers les années. Les passionnés s’y éternisent souvent, cherchant à absorber chaque parcelle d’information disponible et à ressentir chaque roulement chaotique des voitures de l’époque.

Et cette passion n’a pas d’âge. «Il y a un jeune de sept ans qui s’est déplacé quatre fois depuis l’ouverture du musée en mai et il en connaît plus sur les trains que moi», analyse Mary, un peu gênée. «Normalement, les visiteurs passent une heure trente à faire le tour, mais certaines personnes prennent cinq ou même six heures», renchérit Ella.

Alors que l’ensemble des panneaux d’information du Musée sont rédigés en anglais, les deux guides indiquent qu’une de leur «mission pour l’été» sera de trouver un traducteur capable de fournir des versions en français.

«On a quand même un bon nombre de visiteurs qui viennent du Québec et de la France et on veut essayer de rendre le musée plus accessible à ces touristes», expliquent-elles. Des panneaux informatifs pour les francophones devraient donc être installés prochainement pour répondre à cette demande.

Un travail d’équipe, une communauté solide

Tout au long de la visite, Ella et Mary ont salué des bénévoles présents sur le site, affairés à peindre un bogie, un cadre de porte ou à faire des réparations sur les boiseries de certains wagons. Après plus de 50 ans d’existence, c’est le dévouement des bénévoles et du personnel temporaire du musée qui en demeure son principal moteur, confient les deux guides.

«On se fie énormément sur la présence et l’expertise des bénévoles. La majorité d’entre eux sont d’anciens travailleurs sur les chemins de fer», mentionne Ella. D’autres bénévoles sont pourtant beaucoup plus jeunes, mais c’est leur passion pour les trains qui les motive à offrir leur temps au musée. «On a un bénévole qui a commencé ici à l’âge de 12 ou 13 ans et qui est encore ici dix ans plus tard», avance Mary.

Pour Mike, qui se rend sur place depuis 2018 jusqu’à trois fois par semaine, le musée est devenu «une deuxième maison». «J’ai toujours voulu avoir ma propre locomotive, alors quand j’ai pris ma retraite, je me suis dit que je pouvais travailler ici», témoigne-t-il. Même son de cloche pour Jamie, un ancien ingénieur forestier, qui occupe sa retraite à «rénover les boiseries sur les wagons». Au total, ce sont 45 bénévoles qui offrent régulièrement leur temps, chaque année, à ce joyau de l’histoire ferroviaire. Que vous soyez ferrovipathes, anciens cheminots ou simples curieux, ce musée est fait pour vous.

  • Nombre de fichiers 13
  • Date de création 11 juillet, 2023
  • Dernière mise à jour 17 juillet, 2023
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