L’état des lieux sur la dénomination de l’Université de Moncton encourage le Comité citoyen

Le rapport intitulé Dénomination de l’Université de Moncton : un état des lieux, réalisé par Stéphanie Chouinard et Maurice Basque, a été rendu public vendredi dernier. Le document, qui ne prend aucunement position dans l’affaire du changement de nom, a été favorablement reçu par le Comité citoyen qui milite pour que l’Université revoie son identité.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

  

En juin dernier, l’universitaire Stéphanie Chouinard et l’historien Maurice Basque avaient reçu le mandat de produire un état des lieux indépendant et objectif, de nature informative et technique. Leur rapport devait notamment examiner les aspects sociohistorique, politique, social, réputationnel, juridique et économique d’un changement de dénomination d’une université et son impact sur l’Université de Moncton.

«L’une des raisons principales pour lesquelles les institutions post-secondaires décident de modifier leur nom est (…) pour clarifier aux yeux du public l’individualité ou la raison d’être de l’institution, ou pour refléter que sa mission a changé avec le temps», écrivent-ils.

La question du changement de nom de l’Université de Moncton est presque aussi ancienne que l’institution elle-même. Alors que toutes les précédentes tentatives s’étaient heurtées à un mur réprobateur, l’initiative relancée en février dernier dans Le Moniteur Acadien par le chroniqueur patriote Jean-Marie Nadeau a rencontré un succès foudroyant. Les auteurs du rapport ont relevé par moins de 92 textes d’opinion sur le sujet entre février et octobre. De ce nombre, les deux tiers sont favorables au changement de nom.

«Rares sont les sujets qui suscitent un aussi grand nombre de publications dans un aussi court laps de temps dans nos médias. Il est clair que l’Université de Moncton et son avenir importent énormément à la communauté acadienne et francophone», mentionnent Mme Chouinard et M. Basque dans leur rapport.

Des précédents en Amérique du Nord

Les auteurs du rapport ont fait état de précédents sur le continent nord-américain, en particulier dans la foulée du mouvement «Black Lives Matter» aux États-Unis et de la douloureuse question des pensionnats autochtones au Canada. Ils ont également listé de bonnes pratiques à suivre, et ont formulé des recommandations pour inclure les étudiants dans le processus consultatif subséquent.

La population étudiante a cependant d’autres chats à fouetter. Étienne Bélanger, président de la Fédération étudiante du campus universitaire de Moncton (FÉCUM), a déclaré qu’entre leurs études, l’augmentation des droits de scolarité et celle du coût de la vie, les étudiants avaient d’autres priorités.

Lise Ouellette, co-présidente du Comité citoyen sur le changement de nom, affirme que les étudiants n’auraient pas à en supporter les frais si le projet allait de l’avant. Elle a dit avoir entamé une série de rencontres avec les conseils étudiants et avec la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB).

« On s’est déjà engagés dans une campagne de financement communautaire pour couvrir les coûts du changement [de nom], dit-elle. Ce ne sera pas aux frais des étudiants, ça, c’est extrêmement clair ».

Des coûts connexes surévalués ?

S’agissant des coûts que la démarche pourrait engendrer, M. Basque et Mme Chouinard les ont estimés à hauteur de 4,6 millions de dollars. Il s’agit, peu ou prou, d’une somme équivalente à celle dépensée au sud de la frontière par la Dixie State University qui est devenue l’Utah Tech University. Lise Ouellette considère que le chiffre n’est pas raisonnable en ce qui concerne le cas de l’Université de Moncton.

« Il y a probablement des dépenses qui sont trop élevées là-dedans et qui ne sont pas nécessairement pertinentes, a-t-elle affirmé. Quels que soient les coûts révisés découlant d’une analyse plus poussée, ils ne doivent pas être utilisés comme prétexte pour maintenir le statu quo. Nous trouverons le moyen de bien faire les choses, sans faire payer les étudiants et étudiantes. »

Jean-Marie Nadeau, sans qui toute cette affaire n’aurait jamais vu le jour, a loué le travail qu’ont réalisé en seulement quelques mois les deux universitaires. «Les auteurs ont fait un travail rigoureux d’analyse historique et des études de cas pertinentes. Ils ont identifié de bonnes pratiques et des moyens concrets pour bien gérer le processus de changement».

Dans un communiqué émis lundi dernier, le Comité a livré son analyse exhaustive (voir page 5 du journal) et a demandé au Conseil de l’Université de mettre sur pied un comité « université – communauté » pour appuyer le processus de changement du nom et établir les coûts réels du changement. Le conseil des gouverneurs se réunira samedi 9 décembre. Un suivi sur le rapport Chouinard-Basque est à l’ordre du jour de la réunion.

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Cas pratique : la Dixie State University

Stéphanie Chouinard et Maurice Basque ont présenté plusieurs études de cas dont celui de la Dixie State University (DSU), à St. George (Utah), devenue depuis Utah Tech University. Dernièrement, le nom souffrait d’une connotation raciste en raison d’une confusion avec l’héritage confédéré dans le contexte de la Guerre de Sécession. Or l’Utah, qui fut formé une trentaine d’années après la guerre civile américaine, n’a jamais fait partie des États confédérés (Dixieland).

«L’exemple de DSU, bien que ne provenant pas du cadre canadien, nous semble particulièrement utile pour fins de comparaison avec le cas de l’Université de Moncton, pour au moins trois raisons. C’est un campus de taille moyenne dans une ville de taille moyenne (…), une institution généraliste avec un accent particulier sur les études de premier cycle (…), et une institution jouissant d’un fort sentiment d’appartenance locale et où la population était profondément divisée par rapport à l’idée de changer le nom de l’institution», écrivent les auteurs.

Ils estiment donc que le processus utilisé par DSU / Utah Tech cadre bien avec le contexte de l’Université de Moncton et contient des leçons importantes afin de tâter le pouls de la communauté, d’assurer l’adhésion de la communauté à la décision de procéder à cette modification, ainsi qu’au nouveau nom sur lequel l’institution s’est arrêtée.

Une étude d’impact a été conduite. Il est intéressant de noter que des donateurs locaux avaient émis la possibilité de réduire ou de retirer leur financement à l’institution si celle-ci décidait de se renommer, mais que finalement cela n’a eu aucune incidence financière. Puis la législature a passé une loi, avant une étude exploratoire sur les thèmes d’un nouveau nom. Enfin, dans une tentative d’honorer le passé et de calmer les remous provenant d’une partie de la communauté qui était très attachée à l’ancienne dénomination de l’institution, le campus principal de Utah Tech a été au même moment renommé «Dixie Campus». - DD

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 Photo (Courtoisie)

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  • Date de création 6 décembre, 2023
  • Dernière mise à jour 6 décembre, 2023
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