Les nouveaux arrivants plus à risque d’insécurité alimentaire
Alors que l’Île-du-Prince-Édouard attire de plus en plus de monde sur ses rives, un chiffre récemment publié soulève des questionnements. Les nouveaux arrivants constitueraient désormais 13 % de la clientèle de la banque alimentaire Upper Room à Charlottetown. Un chiffre en hausse depuis cinq ans d’après Mike MacDonald, le directeur général de l’établissement caritatif.
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Marine Ernoult
Initiative de journalisme local - APF - Atlantique
L’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) accueille chaque année des milliers de nouveaux arrivants et travailleurs temporaires. Entre mi-2018 et mi-2019, plus de 2000 immigrants internationaux sont arrivés, des nouveaux résidents qui ne mangent pas toujours à leur faim.
Mike MacDonald évoque notamment «des réfugiés, principalement originaires de Syrie, qui ont déménagé à l’Île il y a quelques années». Cette nouvelle population constitue un «défi» pour la banque alimentaire. «Ils n’ont pas le même régime alimentaire, ils sont à la recherche de légumes frais, pas de boîtes de dîners préparés. Et parfois ils ne parlent pas anglais», raconte le directeur de l’Upper Room.
Les visages changent, mais les enjeux restent les mêmes. Travail précaire ou saisonnier mal payé, chômage, explosion des coûts du logement et de l’alimentation, une conjonction de facteurs qui conduit souvent aux portes de l’Upper Room.
«Ce sont des êtres humains confrontés aux mêmes problématiques que tous les autres Canadiens», rappelle avec force Craig Mackie. Le directeur général de la PEI Association for Newcomers to Canada se refuse à montrer du doigt une communauté en particulier.
Les travailleurs agricoles ont faim
«Chaque immigrant s’installe dans la province en raison de circonstances différentes. Ils ne sont pas tous riches et en bonne santé, enchaîne-t-il. En plus, en venant ici, ils doivent faire face à des barrières sociales et éducatives.» Aux yeux de Craig Mackie, le nombre croissant de nouveaux arrivants fréquentant les banques alimentaires reflète avant tout la hausse globale des immigrants à l’Île.
Il y a cependant une autre clientèle de la banque alimentaire qui cumule les difficultés : les travailleurs temporaires dans les secteurs de la pêche et de l’agriculture. Ils sont environ un millier à faire l’aller-retour chaque année entre leur pays et l’Î.-P.-É..
Ces personnes viennent majoritairement de Chine, des Philippines et du Mexique. Des hommes et des femmes en bas de l’échelle des travailleurs légaux qui se nourrissent mal ou pas du tout à cause du manque d’argent. «C’est ironique, ils souffrent d’insécurité alimentaire alors qu’ils contribuent à nourrir l’île», observe Ann Wheatley, de l’Institut Cooper qui promeut la justice sociale.
Payés au salaire minimum, ils représentent une main-d’œuvre bon marché pour travailler dans les champs ou mettre en conserve le poisson. «Les Insulaires ne peuvent pas se permettre de prendre des emplois si peu rémunérés, commente Ann Wheatley. Mais les travailleurs temporaires vivent une partie de l’année en Asie ou au Mexique, où ils ne sont pas confrontés au coût de la vie canadienne, alors pour eux, c’est une bonne paie.»
Zones reculées sans transport
Le peu d’argent qu’ils gagnent, les travailleurs temporaires l’économisent pour leurs familles restées au pays natal. S’acheter à manger n’est pas leur priorité, surtout quand ils sont obligés de payer des recruteurs pour obtenir leur emploi. «Ils doivent rembourser leur dette alors que c’est totalement illégal», déplore Ann Wheatley.
L’autre problème selon l’Institut Cooper, c’est le logement. Les travailleurs temporaires sont souvent hébergés par leur employeur dans des zones reculées de l’île, sans accès aux transports publics. Résultat : ils dépendent toujours d’un tiers pour aller faire des courses. «Quand ils partagent une maison avec beaucoup de monde, avec seulement un four et un frigo, c’est encore plus compliqué de cuisiner», rapporte Ann Wheatley.
Comment permettre à ces travailleurs temporaires de sortir de la précarité? «En leur accordant la résidence permanente, répond Ann Wheatley. En particulier s’ils viennent depuis des décennies.» La proposition rejoint les revendications du monde agricole, qui a du mal à faire revenir les mêmes employés année après année en raison de la complexité des démarches d’immigration.
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- Date de création 13 février, 2020
- Dernière mise à jour 13 février, 2020