Les motoneigistes et les entreprises déplorent l’absence de neige

Christian Gammon-Roy

IJL – Réseau.Presse - Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

Cette année, les amateurs de motoneige et les entreprises locales qui dépendent de cette activité saisonnière prennent un dur coup, car l’absence de neige a empêché l’ouverture des sentiers de la région. À ce temps-ci de l'année, normalement, des centaines de personnes devraient affluer dans les restaurants et les hôtels locaux, ainsi que dans toute la municipalité, du fait de la présence de motoneigistes venus profiter de notre climat nordique. Toutefois, comme cette saison a été inhabituellement douce, rien de tout cela ne s'est concrétisé.

Pour les amateurs de motoneige de Nipissing Ouest, la saison est très décevante, et le problème est répandu. «Dans tout le nord de l'Ontario, il y a deux petites sections de pistes ouvertes, nous ne sommes donc pas les seuls,» explique Scott Liverance, président du Club de motoneigistes de Nipissing Ouest. Un coup d'œil au guide interactif des sentiers de la Fédération des clubs de motoneigistes de l'Ontario (FCMO) le révèle bien. À l'exception de quelques pistes dans la région de Kapuskasing à Cochrane, et dans la région entourant Hearst, toutes les autres pistes de la fédération sont fermées.

Des motoneigistes déçus

Reg Piquette, résident de Verner et propriétaire de Quality Contracting, en a eu assez d’attendre. Début février, il a remorqué sa motoneige jusqu’à Kapuskasing et Hearst pour trouver de la neige. «Ce n'était pas idéal là non plus. À Kapuskasing, les conditions n’étaient pas vraiment bonnes. À Hearst, c'était bien dans les bois, mais quand l’on sortait au grand soleil ou en ville pour faire le plein d'essence, on était sur le pavé,» décrit-il. Il souligne également la quantité de préparation et les coûts supplémentaires qu’implique le fait de sortir de la ville. M. Piquette a dû utiliser une remorque fermée, «pour que la machine ne soit pas recouverte de sel de déneigement avant d'arriver à destination,» payer l'essence et l'hébergement - tout cela s'additionne.

Sabrina Bradley, de Sturgeon Falls, dit que toute sa famille avait très hâte de faire de la motoneige. «Ils attendent cela avec impatience toute l'année. C'est le seul et unique passe-temps de mon mari. Il vit pour ça, et puis la saison est gâchée, et il est découragé parce qu'il n'est pas prêt à faire 5 ou 6 heures de route [pour aller faire de la motoneige ailleurs],» dit-elle. Mme Bradley dit que l'achat de leurs cartes d'accès aux sentiers de la FCMO lui a semblé être une dépense inutile cette saison. «Nous avons acheté nos cartes d'accès aux pistes en janvier, lors de la première tempête de neige, et depuis, plus rien. Nous avons donc deux cartes d'accès aux pistes, et l’une de nos machines a passé peut-être une heure ou une heure-et-demie sur les pistes, tandis que l'autre n'est même pas encore sortie du garage,» déplore-t-elle.

Les laissez-passer de la FCMO permettent aux motoneigistes d'accéder à tout le réseau de sentiers de l’Ontario, au prix de plus de 300$ pour les modèles de motoneige plus récents que 2000, et de plus de 200$ pour les modèles de 1999 ou plus anciens. Pour Mme Bradley, les frais de cette année se résument à un «don au club de motoneige». Toutefois, certains membres sont moins compréhensifs et ont exprimé leur mécontentement envers le club, qui n’y est pour rien, selon le président. «Nous ne pouvons pas contrôler la météo, nous ne pouvons pas contrôler Mère Nature. En quoi est-ce différent du ski alpin ? Si vous achetez un abonnement et qu'ils ne parviennent pas à produire de la neige à 9 ou 7 degrés, comme la semaine dernière, vous ne pouvez pas demander à être remboursé,» souligne M. Liverance. Il dit pourtant compatir, car il est lui aussi à la merci des conditions météorologiques et n'utilise pas ses propres cartes d'accès aux pistes. «Nous avons deux cartes d'accès aux pistes, et j'ai payé le prix fort, je n'achète pas en avance. Ma copine vient d'acheter une motoneige de 11 000$ et nous sommes allés la chercher à Sarnia, puis elle a fait deux tours autour de la maison!»

Les entreprises subissent de lourdes conséquences

«Une saison comme celle-ci, honnêtement, je n'en ai jamais vue de pareille,» déclare Robin Brouillette, propriétaire et directeur général de RL Equipment à Verner, vendeur de motoneiges entre autre. Il reconnaît que la fermeture des sentiers affecte les ventes, car les gens sont évidemment moins enclins à acheter des motoneiges. «De plus en plus, les fabricants de motoneiges s'efforcent d'obtenir des dépôts à l'automne pour des machines qui seront livrées à l’hiver. Cela représente donc un bon pourcentage de nos ventes, mais il y a tout de même un impact sur les autres machines qui se trouvent dans notre inventaire. Si vous ne pouvez pas les vendre, il y a certainement des coûts supplémentaires associés au fait de conserver des stocks [...] Nous avons de la chance ici, nous n'en avons que quelques-unes, mais je connais des concessionnaires qui en ont plusieurs centaines en stock, et cela va leur coûter beaucoup d'argent en intérêts pour les garder jusqu'à l'année prochaine.»

M. Brouillette souligne un autre problème qui les guette. «C'est aussi un cercle vicieux, car si vous ne vendez pas votre stock, l'année suivante, les clients voudront le produit le plus récent, donc il n'est pas bon d'avoir un stock qui date déjà d'un an.»

Les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration sont également très touchés par ces conditions. Dan Bouffard, propriétaire de Lavigne Tavern, affirme qu'il n'a vu qu'une quarantaine de motoneigistes dans son établissement pendant toute la saison. C'est très loin de l'achalandage hivernal habituel de la taverne. «Je suis le nouveau propriétaire, j'ai pris possession des lieux le 4 avril, mais on m'a dit que chaque jour, un vendredi, un samedi ou même un dimanche après-midi, il y avait entre 50 et 75 motoneiges dans le stationnement,» explique-t-il.

La taverne étant située juste à côté du lac Nipissing, une grande partie des clients qui venaient en temps normal provenaient de sentiers qui traversent les cours d'eau. Cependant, la glace a été précaire cette année. «Les gens ont peur d'aller sur le lac, il y a eu de la gadoue, la glace n'a pas été solide pendant la majeure partie de l'année,» décrit M. Bouffard, ajoutant qu'il a déjà eu des clients de North Bay dans le passé, mais «je n'ai pas vu cela cette année parce que le lac n'est pas solide.»

Puis il est maintenant trop tard pour sauver la saison, croit-il, car certaines parties du lac sont déjà dégelées, en particulier dans les zones de courant fort. Entre-temps, M. Bouffard dit qu'il a dû «faire preuve de créativité» pour générer un peu d'activité, sans toutefois pouvoir égaler le trafic saisonnier habituel. «J'ai lancé une soirée micro-ouvert et j'ai commencé à faire d'autres choses pour attirer les gens, car je suis dans un petit village. Nous dépendons des motoneigistes, nous sommes une destination où les gens vont faire un tour en motoneige, puis ils s’arrêtent ici pour manger des ailes, boire un verre, et repartent. Nous n’avons rien vu de cela cette année,» regrette-t-il.

Son restaurant n'est pas le seul à avoir perdu des clients. Tammy Cayen, directrice générale de l’hôtel Comfort Inn à Sturgeon Falls, mentionne qu'à la même période l'an dernier, elle voyait des commandes de nourriture de plusieurs centaines de dollars franchir la porte de l'hôtel pour être livrées aux motoneigistes qui y séjournaient. Ce n'est pas le cas cette année. Selon Mme Cayen, l'hôtel Comfort Inn est normalement complet entre la mi-janvier et le congé de mars, période forte pour la motoneige. En jetant un coup d'œil à ses livres de comptes, la directrice indique que cette année, elle a perdu environ 64 000 dollars de recettes par rapport à la même période de l'année précédente. En conséquence, l'hôtel a été contraint de procéder à des licenciements pour la saison.

Bien que son activité ne soit pas directement liée à la motoneige, Reg Piquette est parfaitement conscient des conséquences que peut avoir une mauvaise saison touristique comme celle-ci. «Je me sens mal pour les entreprises locales, et cela affecte l'économie locale dans son ensemble. Par exemple, j'ai une entreprise de portes et fenêtres, et si le propriétaire d'un restaurant n'a pas de bons résultats cette année, devinez la suite. Il ne m'achètera pas de fenêtres. Il y a un effet domino,» souligne-t-il.

Une petite lueur d'espoir est apparue mardi sous la forme d’une chute de neige fraîche. Il n'est pas encore certain qu'il s'agisse d'un signe avant-coureur d'un temps plus propice à la motoneige, mais les gens s'y préparent, au cas où. «La piste de ski-doo qui descend de Verner et traverse St-Charles, je sais [d'après] le club de motoneige qu'avec cette neige, ils vont essayer de la damer, de sortir les dameuses et d'essayer de créer quelque chose pour le reste de la saison,» déclare Dan Bouffard, espérant que cela lui apportera un peu d’achalandage de fin de saison. Entre-temps, M. Liverance conseille aux gens d’implorer la faveur de Dame Nature: «Il suffit de penser très fort à la neige et d’invoquer le froid!»

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Photo : Reg Piquette en a eu assez d'attendre ; il a fait le voyage jusqu'à Kapuskasing et Hearst au début du mois de février pour enfin trouver des sentiers de motoneige ouverts.

Crédit photo : Courtoisie

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  • Date de création 16 février, 2024
  • Dernière mise à jour 16 février, 2024
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