Les médias communautaires s'adaptent au blocage de Meta

Le 1er août, le groupe Meta, propriétaire de Facebook et Instagram, a bloqué l’accès aux actualités sur ses plateformes, en réponse à la loi fédérale C-18. Depuis lors, tous les médias ont été touchés, y compris les radios communautaires de la Nouvelle-Écosse, qui doivent s'adapter à leur nouvelle réalité. 

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Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

La population canadienne a été touchée par ce blocage pour la première fois en juin, lorsque Meta a coupé temporairement l’accès aux nouvelles à des centaines de milliers d’utilisateurs, question d’effectuer un « test » sur ses plateformes.

Le projet de loi, nommé Loi sur les nouvelles en ligne, a été déposé en avril 2022 et adopté en juin de cette année. Il a pour objectif de réglementer les « intermédiaires de nouvelles numériques », dont Meta, en établissant un cadre qui incite ces intermédiaires à conclure des accords concernant le contenu de nouvelles sur ses plateformes.

La loi s'applique notamment lorsqu’il y a « un déséquilibre important entre le pouvoir de négociation de l’exploitant et celui des entreprises de nouvelles ». Il s’agit d'une façon de rétablir l’équilibre en demandant aux grandes entreprises de payer pour les nouvelles diffusées sur leurs plateformes. 

Il est important de noter qu'au cours des deux dernières décennies, une part significative des gains des médias traditionnels a été transférée vers les géants du Web. On parle d’une perte de plus de 230 millions de dollars, selon le gouvernement fédéral, ce qui équivaut à environ 80 % de tous les revenus publicitaires numériques au pays.

Le texte en question précise également que C-18 ne touche pas les entreprises de radiodiffusion en ce qui concerne la radiodiffusion ni les fournisseurs de services de télécommunications.

Malgré cette distinction, les radios communautaires comme CKJM ont été durement touchées par le blocage de nouvelles sur les plateformes de Meta, confirme Valerie Kendall, directrice générale de cette station, basée à Chéticamp. « On sait même pas quoi-ce qui va arriver, dit-elle. C’est vraiment pas drôle. »

Les radios communautaires se tournent régulièrement vers les réseaux sociaux afin de diffuser des informations sur par exemple l’état des routes ou d’autres actualités régionales, fait remarquer Laurent de Lavenne, directeur général de la radio C98. « Toute la vie quotidienne de la communauté se trouve impactée parce que nous, on ne peut plus partager de choses. »

Durant la première semaine, Radio CKJM se demandait si elle allait avoir accès à sa propre page ou si cette dernière allait être supprimée définitivement. Cette radio publiait régulièrement sur Facebook des nouvelles communautaires par l’entremise du programme Canada info.

Maintenant, le fil d’actualité est vide. « Le monde de Chéticamp a vraiment eu l’habitude de toujours voir ces articles-là de publier à chaque semaine », affirme Mme Kendall.

Depuis, certains lecteurs ont même contacté la station pour avoir accès aux articles autrement. « C’est du tout nouveau pis tout le monde est dans le même bateau, alors on s’énerve pas tout de suite, mais il faut définitivement, dans les mois ou semaines à venir, se mettre dans la tête qu’il va falloir une nouvelle stratégie pour faire sûr que ces nouvelles-là soient transmises d’autres façons. »

Afin de maintenir l'intérêt de son public et promouvoir les événements communautaires, Radio CKJM s’est tourné vers X, anciennement Twitter. Cependant, la directrice générale a constaté que l’engagement n’y est pas aussi fort, puisque la plupart de leurs abonnées, soit plus de 2 000, ont l’habitude de consulter Facebook pour savoir ce qui se passe dans la région.

C’est aussi une période d’adaptation pour les travailleurs dans le secteur. Le bannissement des nouvelles touche tout le corps des employés des radios de C médias, affirme de Lavenne, notamment les animateurs qui avaient l’habitude, dans leur culture quotidienne, de trouver leurs informations sur Instagram et Facebook. « Ça retarde énormément nos activités. »

Mis à part le réseau social X, Radio CJKM se fie à la diffusion en ondes pour discuter de la situation. Entretemps, elle envisage de s’abonner à Threads, une nouvelle plateforme numérique qui fait partie du groupe Meta. Mme Kendall publie aussi sur Facebook les nouvelles de Canada info en utilisant son compte personnel. Aux grands maux, les grands remèdes.

Laurent de Lavenne déplore que les petits médias canadiens soient punis d’une situation qui dérive d’une discussion entre un gouvernement et une entreprise privée. « Le dommage collatéral, c’est pas le gouvernement canadien pis Facebook qui va l’avoir parce que nous, on a pas l’argent à mettre dans les médias sociaux. On a pas le budget pour pouvoir faire ça. Donc, ça nous impacte directement. »

Le Courrier a tenté de joindre divers journaux anglophones de la Nouvelle-Écosse pour prendre le pouls de ces médias, sans retour avant la date de tombée de l’article.

Le Bureau de la concurrence du Canada a lancé ce mois-ci un examen préliminaire pour enquêter sur les activités de Meta, sous la pression de diverses associations, dont l’Association canadienne des radiodiffuseurs et Médias d’Info Canada. Le but serait d’utiliser les pouvoirs du Bureau afin d’obliger le géant du Web de faire marche arrière.

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  • Date de création 25 août, 2023
  • Dernière mise à jour 25 août, 2023
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