Les manifestants ont soif de réponses

Le mégaprojet du développement d'énergie éolienne est l'histoire à la table des résidents sur la péninsule de Port-au-Port depuis l’été dernier. L'évaluation environnementale du projet étant en cours, plusieurs questions sont au cœur des manifestants qui bravent chaque jour les intempéries, notamment la qualité d'une source secondaire d'eau douce du ruisseau LeCointre.

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Liz Fagan et Cody Broderick
IJL - Réseau.Presse - Le Gaboteur

L'évaluation environnementale du mégaprojet de World Energy GH2 (WEGH2) étant en cours, des résidents de la péninsule de Port-au-Port s'inquiètent des conséquences environnementales de la construction des infrastructures nécessaires pour analyser la viabilité écologique du mégaprojet.

Chaque jour, on voit de plus en plus de manifestants sur la péninsule. Les manifestants estiment que le projet, bien que non encore approuvé, a déjà commencé à détruire leurs terres et une deuxième source d’eau douce qui se trouve au ruisseau LeCointre.

Le groupe de manifestants se relaie, pour assurer une représentation 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. «Tous les jours, on nous offre des encas, du café ou jus, des plats entiers et même du bois pour notre feu. Leur compassion se ressent», explique Zita Hinks, une des principales organisatrices des manifestations.

«Il y a un nouveau groupe de manifestants à Piccadilly maintenant», affirme-t-elle. «Nous avons commencé ici à La Grand’Terre le 17 janvier».

Si le projet est approuvé, ce projet de 16 milliards de dollars verrait la construction de 164 éoliennes sur la péninsule de Port-au-Port.

Selon la militante, lorsque les gens ont vu l'ampleur du projet, cela a ouvert les yeux de beaucoup de personnes dans la région et a amené beaucoup plus de gens à bord. Maintenant, ils se rassemblent pour protéger leurs eaux. «Les manifestants sont de tous les horizons, partout de la péninsule,» rayonne-t-elle.

Une deuxième source d'eau

Le ruisseau LeCointre, qui se trouve à La Grand'Terre, est situé sur les terres de la Couronne selon l'Atlas de l'utilisation des terres («Land Use Atlas») du gouvernement provincial, disponible en ligne. Sur la carte, les terres de la Couronne occupent une grande partie de l'intérieur de la péninsule. À La Grand’Terre notamment, les terres de la Couronne s'étendent du ruisseau jusqu'à la route principale sur la côte pour inclure la totalité du chemin menant au ruisseau («local road»).

Servant comme source supplémentaire d’eau potable pour La Grand’Terre, le ruisseau est crucial pendant les mois les plus froids selon les manifestants. Certes, un plan de sauvegarde est indispensable, mais l'eau est devenue de plus en plus trouble au fil du temps. «C'est notre combat, ils sont dans notre bassin versant,» résonne Zita Hinks.

Même si c’est une source supplémentaire d’eau, elle n’est pas considérée par le gouvernement comme source d’eau publique protégée. Dans un post Facebook visant à clarifier certaines désinformations, le District de services locaux de La Grand'Terre a déclaré le 11 février qu'une demande avait déjà été soumise pour protéger le ruisseau. Cependant, selon une déclaration du ministère de l’Environnement et du Changement climatique et du ministère des Pêches, des Forêts et de l'Agriculture provincial envoyée au Gaboteur le 25 janvier, la zone n'est pas désignée comme zone protégée et aucun permis n'a été nécessaire pour les travaux actuels en cours.

«Le fait que le gouvernement de TNL ne reconnaît pas le ruisseau LeCointre comme faisant partie de notre système d'eau potable, est une preuve de négligence de leur part. Ce même gouvernement a subventionné du travail en 1999, à un taux de 100 000 environ, pour que le ruisseau LeCointre alimente notre réservoir principal durant les périodes de sécheresse - hiver et été. Le gouvernement de TNL n'a donc pas exercé sa due diligence à cet égard», réagit Dwight Cornect, résident de La Grand’Terre et membre des manifestants.

Face aux nombreuses inquiétudes, les opposants au projet tentent de bloquer l’accès de la route de WEGH2, qui, selon le gouvernement provincial, dispose de deux permis autorisant les activités de surveillance du vent, y compris un permis pour «la construction d'une section de 490 mètres de long d'une nouvelle route d'accès au site» à partir de la route actuelle.

«Afin de creuser le rocher, ils font des petites explosions», dit Dwight Cornect. «En ce faisant, tu déranges l'eau souterraine, l’aquifère, et plus», explique-t-il.

Dans sa déclaration, le gouvernement provincial dit que deux échantillons du ruisseau ont été examinés suite à plusieurs plaintes dans la région. «Les résultats [du 24 novembre 2022] ont indiqué que la turbidité et la couleur étaient élevées, mais aucun autre problème de qualité de l'eau n'a été identifié», peut-on lire dans le courriel.

Le district de services locaux a déclaré qu'il avait été recommandé en novembre de ne pas pomper l'eau du ruisseau vers le réservoir du barrage en raison du niveau de turbidité. Depuis, l'eau est devenue encore plus trouble.

Selon John Risely, l'homme d'affaires derrière le projet de WEGH2, qui a parlé de la question sur les ondes radio de VOCM le 6 février, le problème d'eau est antérieur à leur arrivée. Cependant, un autre test a été effectué le 25 janvier, le jour même où les ministres ont envoyé leur déclaration au Gaboteur. Les résultats indiquent un niveau de turbidité de 2,9, contre 1,7 lors de la mesure de novembre. L'indice de turbidité en août dernier était quant à elle de 0,58 selon le district de services locaux.

Solutions?

Le gouvernement provincial précise que «des mesures de contrôle du limon ont été installées là où les ponceaux ont été remplacés». Cependant, selon les manifestants, ces mesures ne sont rien d'autre que des balles de foin placées dans le ponceau comme système de filtration, et sont tout simplement inefficaces.

John Risley a également informé les journalistes de VOCM que l’entreprise a proposé de faire venir des consultants pour déterminer la cause du problème.

Le district de services locaux de La Grand'Terre a également réfuté cette déclaration, indiquant qu'aucune solution à la question de l'eau n'a été encore fournie. «Une réunion a été organisée le 5 janvier 2023 à La Grand’Terre dans le seul but que WEGH2 nous présente des solutions aux travaux qu'ils ont menés. WEGH2, ni les experts qu'ils ont invités, n'ont fourni de solution pendant cette période. Aucun de leurs représentants n'a même pu confirmer qui était responsable des plans initiaux pour les améliorations de la route locale.»

Une goutte dans l'océan

Bien que la destruction de l'eau soit au premier plan des préoccupations de Port-au-Port ces dernières semaines, ce n'est qu'une goutte dans l'océan.

«C'est tout notre mode de vie qui est menacé, en tant que personnes autochtones,» implore la militante. «La forêt est notre deuxième source de viande, là où on chasse et récolte,» ajoute-t-elle.

Si le projet est accepté, les éoliennes produiraient environ trois gigawatts d'électricité - soit plus de trois fois la capacité du barrage hydroélectrique de Muskrat Falls. Cette énergie serait ensuite envoyée en Allemagne.

Une fois la collecte de données de l’évaluation environnementale terminée, le site sera remis dans un état jugé acceptable par le ministre des Pêches, des Forêts et de l'Agriculture.

«Le sentiment des gens c’est que la province est vendue, que nos ressources naturelles seront exploitées et il n'y a
rien qu’on puisse faire», plaide-t-elle.

Les résidents de Port-au-Port se sentent laissés dans le noir. Les manifestants cherchent des preuves plus concrètes, car ils ne sont pas encore convaincus que tout est comme il semble.

Toutes les inquiétudes des manifestants les ont poussés à écrire une lettre au gouvernement pour souligner l’importance de cette source d’eau secondaire.

«Parce que nous sommes peu nombreux, c'est comme si tout le monde s'en fichait. On est l’agneau du sacrifice,» résume Zita Hinks.

En attente des réponses, les manifestants se rassemblent quotidiennement pour protéger leur nature.

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PHOTOS

Photo: Manifestants - Tara Manuel
Crédit: Tara Manuel (courtoisie)

Photo: landmapatlas
Crédit: Capture d'écran
Légende: Une carte de la région montrant les terres de la couronne en vert. Une petite bosse de vert perce sur la gauche pour
inclure le chemin menant au ruisseau LeCointre.

Photo: foine-cointresbrook-amandacornect
Crédit: Amanda Cornect (courtoisie)
Légende: Les manifestants sont mécontents des mesures de contrôle actuelles mises en place pour maintenir la qualité de l'eau
du ruisseau LeCointre. Composées de meules de foin, ces mesures sont jugées insuffisantes par les militants.

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  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 17 février, 2023
  • Dernière mise à jour 17 mars, 2023
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