Les histoires du journal Le Rempart conservées à jamais

Dans son sous-sol, il conservait, à l’abri des dommages, un véritable trésor d’informations. Depuis quelques années, elle cherchait à dénicher des pépites de connaissances sur sa culture et sur l’histoire de sa communauté. Chacun de leur côté, Denis Poirier et Denise Leboeuf faisaient avancer à leur façon la cause franco-ontarienne. Quand ils ont réalisé qu’ils avaient la même ambition, un partenariat en or est né.

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Émilie Gougeon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

Denis Poirier est l’éditeur et le propriétaire du journal hebdomadaire Le Rempart, un média francophone local du sud-ouest de l’Ontario dont l’histoire s’échelonne sur près de 60 ans.

La montagne de journaux qu’il conservait chez lui, dans la chambre froide au sous-sol, cachait un trésor qui n’a pas de prix : l’information.

Il les avait apportés à son domicile lorsque Le Rempart avait dû déménager dans des locaux trop à l’étroit.

La première équipe du journal Le Rempart (Archives/Le Rempart, Bibliothèque Leddy)

«Je les gardais, parce que j’avais espoir que l’on trouve une solution pour ne pas qu’ils soient perdus», a raconté au Droit M. Poirier.

Il avait fait un appel à tous, en 2016, lorsque Le Rempart célébrait son 50e anniversaire, espérant pouvoir trouver une institution ayant à cœur la communauté franco-ontarienne de la région qui voudrait bien accueillir toutes ces archives et les numériser.

Ce n’est qu’environ sept ans plus tard que cet appel est enfin arrivé.

Contre vents et marées

L’auteure-compositrice Denise Leboeuf, originaire du comté d’Essex, à l’est de la frontière américaine longeant la ville de Détroit, travaillait alors sur la révision de Contre vents et marées, la chanson-thème qu’elle avait écrite en 2001 pour célébrer les Fêtes du tricentenaire à Windsor.

Elle a alors décidé de poursuivre ses recherches, souhaitant éventuellement écrire suffisamment de chansons et de textes pour en faire un spectacle portant sur l’histoire des bâtisseurs francophones de la région.

Denise Leboeuf avait déjà déniché quelques pépites d’or à la bibliothèque Leddy, de l’Université de Windsor, mais il lui manquait des éléments essentiels concernant l’histoire culturelle des francophones du coin.

Ce dont elle avait besoin se trouvait dans le sous-sol de Denis Poirier : les archives du journal Le Rempart.

Un partenariat est né

C’est ainsi qu’un partenariat avec l’Université de Windsor est né.

L’institution postsecondaire anglophone a rapidement, et avec beaucoup d’enthousiasme, accepté d’accueillir et de numériser les archives du journal dans ses locaux, selon les personnes au cœur de cette histoire.

Les anciens numéros du Rempart de 1966 à 2003 ont été apportés à la bibliothèque Leddy, en décembre dernier.

Le 38e numéro du journal Le Rempart, publié en février 1974. Au fil des ans, le journal a changé de mains à quelques reprises. Il a été fondé en 1966 par la Société Saint-Jean-Baptiste de l’ouest de l’Ontario (ASJBOO). Le 15 février 1972, le journal est repris par une nouvelle maison d’édition, Les Publications des Grands Lacs. Ursule Leboeuf est l'une des créatrices. Jean Mongenais est ensuite devenu éditeur de la publication. En 2002, Denis Poirier a racheté Les Publications des Grands Lacs, devenant le nouvel éditeur du Rempart. (Archives/Le Rempart, Bibliothèque Leddy)

Depuis, le travail de numérisation a été entamé, et il va bon train, note la professeure de science politique de l’Université de Windsor, Emmanuelle Richez.

Elle explique qu’en ordre chronologique, les numéros seront mis en ligne sur le site Web de la bibliothèque Leddy.

Les membres du public peuvent déjà consulter les numéros ayant été publiés de 1966 à 1974. Et le travail, qui peut prendre jusqu’à un an, se poursuit.

«Les journaux sont extrêmement précieux en tant que sources primaires car ils offrent des fenêtres uniques sur les communautés qu’ils desservent», selon l’archiviste de la Bibliothèque Leddy, Sarah Glassford.

«Aucune autre source primaire n’offre un aussi large éventail d’informations sur une communauté. La durée de la publication du Rempart le rend particulièrement important, car il retrace le déroulement de l’histoire de la communauté qu’il sert au cours de décennies de changements sociaux et culturels majeurs», a-t-elle indiqué.

Mot du président

La première édition du journal, publiée en novembre 1966, ne comptait que huit pages. La seconde, publiée le mois suivant, en comptait 12.

Chaque numéro portait, sur sa première page, un mot du président, William Saint-Pierre.

«Ce petit journal n’est pas tombé du ciel et il faudrait bien la coopération de tout le monde si on veut qu’il continue. C’est le seul moyen que nous avons pour vous mettre au courant des nouvelles», écrivait le président dans la première édition de l’année 1967.

Il invitait alors les francophones à s’abonner à son journal, au coût de… un dollar et demi par année.

«Mettez-le dans les mains de vos jeunes. Ceci leur donnera un peu de lecture française autre que leurs livres d’écoliers», ajoutait M. Saint-Pierre.

Dans les pages du premier numéro du journal Le Rempart. (Archives/Le Rempart, Bibliothèque Leddy)

La transmission d’informations

La première fois que Denise Leboeuf a demandé à Denis Poirier où étaient les archives du journal, c’était le 21 mars 2023, lors de la cérémonie d’investiture de l’Ordre de la Pléiade, dit-il.

Ce jour-là, la mère de Denise Leboeuf, Ursule Leboeuf, recevait, à titre posthume, cette médaille qui vise à reconnaître les contributions exceptionnelles des lauréats envers la francophonie ontarienne.

Celle que l’on surnommait «ma tante Ursule» est décédée en 2022. Elle était une figure de proue de la communauté dans la région.

Elle est notamment à l’origine du Centre culturel communautaire St-Cyr, et elle a été au cœur du combat pour l’obtention de la première école secondaire de langue française à Windsor.

«J’aurais tant voulu tout lui demander», souligne sa fille.

Mais c’est en lisant les archives du Rempart que Denise Leboeuf a réalisé que sa mère faisait partie des membres fondateurs du journal.

«Toute petite, je savais qu’il y avait des réunions à la maison, mais je n’étais pas tellement au courant de tout ce qu’elle faisait», se souvient Mme Leboeuf.

Même après son départ, «c’est comme si c’est elle qui me faisait encore découvrir des choses», conclut-elle.

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  • La première équipe du journal Le Rempart (Archives/Le Rempart, Bibliothèque Leddy)
  • Le 38e numéro du journal Le Rempart, publié en février 1974. Au fil des ans, le journal a changé de mains à quelques reprises. Il a été fondé en 1966 par la Société Saint-Jean-Baptiste de l’ouest de l’Ontario (ASJBOO). Le 15 février 1972, le journal est repris par une nouvelle maison d’édition, Les Publications des Grands Lacs. Ursule Leboeuf est l'une des créatrices. Jean Mongenais est ensuite devenu éditeur de la publication. En 2002, Denis Poirier a racheté Les Publications des Grands Lacs, devenant le nouvel éditeur du Rempart. (Archives/Le Rempart, Bibliothèque Leddy)
  • Dans les pages du premier numéro du journal Le Rempart. (Archives/Le Rempart, Bibliothèque Leddy)
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  • Date de création 9 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 9 mars, 2024
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