Les héros de la construction de l’Ontario méritent des toilettes»

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Toronto — Comment encourager les femmes à se joindre au domaine de la construction? La réponse réside dans les toilettes, selon le gouvernement Ford.

Le simple geste d’améliorer l’accès aux toilettes sur les chantiers de construction en Ontario peut aider à régler «l’une des plus grandes injustices» que subissent les «héros de la construction», estime le ministre du Travail, Monte McNaughton.

Lorsque son équipe a mené une campagne pour connaître l’état des toilettes sur les chantiers de construction, Monte McNaughton a été étonné de ce qu’il a appris.

«Je n’étais pas surpris du nombre de cas existants, parce que je passe beaucoup de temps sur les chantiers. J’ai vu l’état dégoûtant et méprisable des situations que vivent les travailleurs. La grande surprise pour moi a été d’apprendre que le plus gros problème, c’était l’absence complète de toilettes sur les chantiers.»

En février, son ministère a lancé un «blitz» d’inspection des chantiers de construction. Les fonctionnaires ont visité plus de 1800 sites, et ont conclu que 13% d’entre eux violaient les règles liées à l’accès aux toilettes.

Le ministre a aussi reçu de nombreux témoignages d’hommes et de femmes disant qu’il s’agit d’un fléau qui persiste depuis plusieurs générations.

«Une femme m’a raconté qu’elle ne boit pas de liquides pendant plusieurs heures précédant son quart de travail pour ne pas avoir à utiliser les toilettes disponibles.»

Le gouvernement a appris que sur les chantiers, il n’y pas suffisamment de toilettes disponibles pour le nombre de travailleurs, que plusieurs d’entre elles n’ont pas de toit et que l’absence d’eau courante représente un réel problème pour les travailleurs.

Cette réalité affecte l’ensemble des travailleurs de la construction, mais elle a un impact particulièrement négatif sur les travailleuses.

«Quand je devais me rendre sur un chantier, j’étais terrifiée de devoir utiliser la toilette, et je ne peux pas compter le nombre de fois où j’ai dû quitter un chantier pour me rendre au Tim Horton’s ou au Starbucks», raconte la directrice de l’Association canadienne des femmes en construction (CAWIC), Emma Donnelly.

La gérante de projet affirme que puisque la majorité des travailleurs sont des hommes, les toilettes ne sont pas «pensées pour les femmes».

«Les hommes n’utilisent pas les toilettes de la même façon que les femmes. Lorsqu’il n’y a pas de poubelles pour les produits menstruels et pas d’eau pour se laver les mains, ça a un impact sur le quotidien des travailleuses.»

Changements à venir

C’est la première fois de l’histoire de l’Ontario qu’un gouvernement s’intéresse à ce problème, affirme le ministre McNaughton.

Cette semaine, il a annoncé qu’il a l’intention de modifier la Loi de 2022 visant à œuvrer pour les travailleurs pour assurer un meilleur accès aux toilettes sur les chantiers de construction.

Le gouvernement exigera qu’elles soient privées et complètement fermées et qu’elles disposent d’un éclairage adéquat et de désinfectant pour les mains lorsqu’il n’est pas raisonnablement possible d’avoir accès à de l’eau courante.

La province a aussi l’intention de doubler le nombre de toilettes sur la plupart des chantiers.

Les modifications au Règlement sur les chantiers de construction, si elles sont approuvées, exigeront également que les équipements de protection individuelle (EPI) et les vêtements soient «correctement ajustés aux femmes et aux travailleuses et travailleurs de différents types corporels».

Selon Monte McNaughton, ces simples changements devraient améliorer radicalement le quotidien de beaucoup de travailleurs. «Ce sont des femmes et des hommes, pas du bétail», s’indigne-t-il.

Initiatives

En Ontario, il y a près de 600 000 personnes qui œuvrent dans le domaine de la construction - 10% sont des femmes.

Depuis 2020, la province a investi près d’un milliard pour «faciliter l’apprentissage d’un métier, briser la stigmatisation, attirer les jeunes, simplifier le système et encourager la participation des employeurs».

Récemment, le gouvernement a rendu obligatoire l’exposition des élèves du secondaire à l’éducation technologique et aux métiers spécialisés pour obtenir leur diplôme.

Selon le ministre du Travail, «l’exposition à ces cheminements de carrière en tant qu’exigence obligatoire du programme d’études fera en sorte qu’un plus grand nombre de jeunes femmes choisissent de poursuivre une carrière dans les métiers spécialisés».

D’année en année, les inscriptions aux programmes d’apprentissage ont augmenté de 23%, se réjouit M. McNaughton.

«Mais ce qui est encore plus encourageant, c’est que nous sommes aussi en hausse de 28% avec les inscriptions chez les femmes.»

Emma Donnelley est d’accord qu’en obligeant un meilleur accès à des toilettes propres et privées, les femmes seront davantage encouragées à se joindre à ces professions. «Ça peut permettre d’attirer les travailleuses, mais aussi de mieux les retenir, parce qu’on leur montre qu’elles sont les bienvenues dans l’industrie. Dans le passé, c’est vrai que nous ne nous sommes pas toujours senties ainsi.»

C’est une question «de dignité humaine» et de «gros bon sens», juge le ministre McNaughton.

Si les modifications réglementaires proposées sont approuvées, elles entreront en vigueur le 1er juillet 2023.

«Ce ne sont pas tous les héros qui portent une cape. Certains portent un chapeau de construction. Et les héros de la construction de l’Ontario méritent des toilettes», conclut-il.

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  • Date de création 20 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 20 mars, 2023
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