Les friperies dans les écoles, une idée à la mode

La vente d’articles de seconde main est de plus en plus populaire et certaines écoles du Nouveau-Brunswick ont décidé de suivre cette tendance en lançant leurs propres friperies.

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Bobby Therrien

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle

 L’économie de seconde main connaît une croissance fulgurante depuis quelques années.

Le cinquième Indice Kijiji de l’économie de seconde main, publié en 2019, montre que 82% des Canadiens ont, en 2018, participé à l’économie de seconde main. Ce sont 2,4 milliards d’objets qui ont eu une seconde chance en 2018.

Les provinces de l’Atlantique ont vu leur indice d’intensité – le nombre moyen d’objets de seconde main qui ont changé de propriétaire par personne par année – grimper à 85 en 2018, comparativement à 60 en 2017 et à 54 en 2016.

La compagnie de revente en ligne ThredUP, estime, dans son rapport 2023, que le marché mondial d’articles de seconde main pourrait atteindre 350 milliards $ d’ici 2027.

La présence de friperies en milieu scolaire suit donc cette tendance. Mais qu’en est-il des raisons pour lesquelles on a décidé d’implanter ce type de service dans les écoles?

L’école primaire Mgr-Matthieu-Mazerolle de Rivière-Verte est en plein processus de création d’une friperie qui devrait ouvrir ses portes au cours de la prochaine année scolaire.

Son objectif est d’amasser des vêtements afin de les revendre et ainsi amasser des fonds pour la création d’un nouveau parc pour les élèves.

Renée Rioux-Marquis et Louise Lapalme supervisent le projet. En plus d’une activité de collecte de fonds, l’objectif est d’offrir des articles à bas prix aux gens de la communauté qui n’ont pas le luxe de pouvoir se payer des vêtements de marque.

«Avec les dons, on va sûrement avoir des vêtements de marque et toute sorte d’autres vêtements à bas prix. On voulait aider la communauté, mais ça nous permet aussi d’amasser des sous pour notre parc», a expliqué Renée Rioux-Marquis.

D’autres écoles ont emprunté cette voie il y a déjà quelques années. C’est le cas dans la Péninsule acadienne, alors que l’idée s’est notamment propagée à Shippagan, à Caraquet et à Tracadie.

À l’école Marie-Esther de Shippagan, la friperie a vu le jour en 2017, à la suite de la tempête de verglas qui a frappé la Péninsule acadienne (et certaines régions de l’est de la province).

«On s’est rendu compte que, dans notre communauté scolaire, il y avait des gens qui avaient de grands besoins. On voulait les appuyer à notre façon», affirme Monique Landry, enseignante ressource.

À Edmundston, la friperie de la Cité des Jeunes A.-M.-Sormany (CDJ) a été fondée il y a environ sept ans. Elle a été affectée par la pandémie, mais elle a ouvert de nouveau ses portes, de façon plus normale, il y a quelques semaines.

Selon l’enseignante responsable de la friperie CDJ, Nathalie Landry, cette renaissance a permis d’apporter certains changements.

«On a aménagé un nouveau local, avec un nouveau comité. On essaie de faire un peu de promotion avec ça.»

Un magasin éco-boutique a ouvert ses portes, il y a près d’un an, à Cap-Pelé. Même si elle n’est pas située dans les murs de l’établissement, la boutique a un lien étroit avec l’école Donat-Robichaud.

Selon Lynn LeBlanc, l’une des instigatrices du projet, les objectifs qui avaient été fixés avant d’ouvrir la friperie ont été surpassés. De mai à décembre 2022, 50 000$ ont été remis à la communauté.

Ce succès est évidemment bien reçu puisque les profits vont à des organismes de bienfaisance. De l’argent a évidemment été remis à l’école pour financer divers projets.

Peu importe l’objectif des friperies scolaires, elles peuvent toutes profiter de l’aide de la communauté.

«C’est un travail de la communauté avec l’école, car (en plus des dons) on a des bénévoles, souvent des personnes à la retraite, qui travaillent là. On a même des adolescents de la polyvalente qui font du bénévolat», se réjouit Lynn LeBlanc.

Une clientèle diversifiée

La clientèle des friperies scolaires varie quelque peu d’une école à une autre. À la Cité des Jeunes A.-M.-Sormany, elle n’est disponible que pour les élèves, car, pour une école de cette taille, la rendre disponible à l’ensemble de la communauté pourrait être un défi, selon Nathalie Landry.

«On nous pose souvent cette question-là, mais c’est difficile, car on ne peut pas laisser entrer n’importe qui dans l’école. Notre friperie est dans un local qui n’est pas près de l’entrée. L’un de nos premiers critères, quand on reçoit des vêtements, est de se demander si les élèves de la CDJ porteraient ça.»

Tous les articles sont vendus pour 1$, mis à part les robes de bal qui sont louées à prix modique.

Amélie Grondin, élève de 11e année à la CDJ, croit que le rôle de la friperie est de permettre aux élèves de dénicher certains vêtements qui leur permettent d’économiser de l’argent au bout du compte. Il s’agit aussi d’une façon écologique de disposer de certains articles.

À l’école Marie-Esther, elle est essentiellement réservée aux jeunes et aux membres du personnel. Les vêtements sont en principe gratuits, mais les adultes qui magasinent à la friperie peuvent laisser un don pour contribuer au bon fonctionnement de la boutique.

«On ne l’a pas ouvert à la communauté dans son ensemble, car il y a un service du genre qui existe dans notre coin, mais dans une situation où l’on aurait une famille dans le besoin et qu’un élève nous demandait s’il pouvait apporter un morceau de vêtement pour un membre de la famille, il y a de la flexibilité», a expliqué Monique Landry.

Comme elle profite d’un local à l’extérieur de l’école, la friperie de l’école Donat-Robichaud sert une clientèle composée de gens en provenance d’un peu partout dans le Sud-Est.

Le travail des élèves mis à profit

Dans la majorité des cas, les projets de friperie servent aussi à développer les compétences des élèves. Des comités de jeunes sont formés afin d’assurer la gestion de ces endroits.

«On a des élèves qui veulent apprendre la couture, alors si on a des vêtements qui sont un peu usés, on peut les raccommoder et les vendre», a mentionné Renée Rioux-Marquis, en parlant de la future friperie de l’école Mgr-Matthieu-Mazerolle.

À Shippagan, des élèves faisant partie d’un cours d’apprentissage à l’autonomie peuvent se servir de la friperie pour apprendre certaines tâches.

«On reçoit les dons, on lave le linge, on fait le tirage, on le classe. Les jeunes des cours d’autonomie apprennent des compétences que l’on verrait dans un milieu de travail comme une friperie, un magasin de linge ou une œuvre de charité», a expliqué Monique Landry.

Pour leur part, des élèves de 8e année de l’école Donat-Robichaud travaillent également à l’éco-boutique de Cap-Pelé.

«Leur temps de bénévolat, c’est leur contribution à la communauté», a ajouté Lynn LeBlanc.

Éliminer les stéréotypes

À la Cité des jeunes, le grand défi des gestionnaires de la friperie est de convaincre les jeunes qu’il n’y a rien de honteux à magasiner dans une boutique du genre.

Avec la réouverture de la friperie CDJ, Nathalie Landry s’est aperçue que bien des élèves n’étaient même pas au courant qu’elle existait.

«On a des vêtements usagés, mais ce sont souvent des vêtements presque neufs qui sont accessibles à tous les élèves. Malheureusement, c’est encore vu comme étant pour les élèves dans le besoin (…) Les jeunes sont encore un peu gênés. Tu vois qu’il y en a qui essaient de se convaincre que c’est correct d’acheter dans une friperie.»

Selon Isabelle Quimper, élève à la CDJ, les gens seraient surpris de ce que l’on peut retrouver dans une friperie.

«Souvent, quand on entend le mot friperie, on pense que c’est du linge qui n’est pas intéressant, mais, on voit vraiment passer de beaux vêtements qui se vendent assez cher.»

Heureusement, les efforts de sensibilisation semblent avoir amélioré la situation.

«Dernièrement, on a eu un peu plus de vêtements qui viennent des élèves. J’ai été agréablement surprise, car, avant, c’était surtout des adultes qui nous apportaient des vêtements», a indiqué Nathalie Landry.

Selon Monique Landry, la mise en place de la friperie de l’école Marie-Esther a également dû être accompagnée d’un changement de culture.

«Les jeunes n’étaient pas habitués à voir ça dans l’école au début (…) On a dû normaliser tout ça. Dans les premières années, on a fait des défilés de mode pour montrer les “kits” de linge que l’on trouvait à la friperie. On a fait une campagne où l’on avait des collants que les personnes pouvaient mettre sur leurs vêtements s’ils provenaient de la friperie. On voulait leur dire que c’était pour tout le monde.»

Mme Landry croit toutefois que la friperie demeure nécessaire pour certaines personnes.

«On voit qu’il y a des gens qui l’utilisent fréquemment.»

 

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Photos :

 

Légende : En plus de la vente de vêtements, la friperie de la CDJ offre aussi la possibilité aux élèves de louer des robes de bal.

Crédit  Photo : - Acadie Nouvelle: Bobby Therri

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  • Date de création 24 avril, 2023
  • Dernière mise à jour 24 avril, 2023
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