Les francophones se réjouissent des milliards pour les langues officielles

JEAN-FRANÇOIS DUGAS

Le Droit

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

OTTAWA -- Le gouvernement fédéral s’engage à accorder plus d’un milliard de dollars en nouvel argent pour les langues officielles au cours des cinq prochaines années dans son budget annuel présenté mardi, au grand plaisir d'organismes francophones oeuvrant en milieu minoritaire. 

Ottawa prévoit des investissements totaux de plus de 3,8 milliards pour le financement des nouvelles initiatives prévues au Plan d’action pour les langues officielles de 2023 à 2028.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a salué cet «engagement substantiel envers la francophonie», particulièrement le milliard additionnel pour le prochain Plan d’action. 

«Il faut vraiment se réjouir parce que nous avons vraiment été entendus, a réagi la présidente de la FCFA, Liane Roy. C’est assez rare qu’un budget consacre trois pages à la question de la francophonie. C’est inédit. Un autre élément inédit est de dire que les deux langues officielles ne sont pas sur un pied d’égalité au pays. Nous avons vu cela dans des discours du Trône ou encore dans d’autres documents, mais rarement dans un budget. Cela indique beaucoup de bonne volonté de reconnaître le besoin d’en faire plus pour les communautés en situation minoritaire.»

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario accueille tout aussi favorablement le budget fédéral, elle qui demandait de plus grands investissements pour les Franco-Ontariens qu’elle représente.

«Nous sommes heureux de voir les investissements annoncés pour les langues officielles. Nous les accueillons favorablement et avec enthousiasme», a commenté le président Fabien Hébert.   

La patience est une vertu, et celle des francophones avait été mise à rude épreuve lorsque la francophonie avait été presque complètement omise du budget fédéral, en mars 2022.

Les organismes francophones du pays, notamment, attendaient déjà de pied ferme le dévoilement du budget de 2023 parce qu’ils savaient que les détails liés aux investissements du Plan d’action y seraient révélés.

«Ça fait quand même un certain temps, avec nos membres, avec notre réseau, que nous avions émis quatre piliers (immigration francophone, appuis aux organismes, éducation et services publics) que nous voulions voir dans le nouveau Plan d’action. Nous les retrouvons presque intégralement dans le budget. Nous sommes contents. Nous sommes vraiment contents», renchérit Mme Roy. 

Le gouvernement de Justin Trudeau s’est assuré de s’adresser à eux en promettant un financement supplémentaire de 373,7 millions sur cinq ans dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles – 2023-2028, à compter de 2023-2024.

Ces investissements serviront à répondre à certaines priorités clés établies dans ce plan.

L’immigration francophone est ciblée

D’abord, l’immigration francophone. Les libéraux prévoient un financement de 123,2 millions pour la stimuler. L’enveloppe «englobe le soutien aux employeurs canadiens pour recruter des travailleurs étrangers francophones et l’augmentation de l’aide fournie à ces immigrants après leur arrivée au Canada», écrit la ministre des Finances Chrystia Freeland dans son plan budgétaire.

Pour la FCFA, ce montant additionnel accordé à l’immigration francophone est une mesure importante pour contrer le déclin du poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire.  

«Le gouvernement fait le lien entre l’immigration francophone et le poids démographique. On sent qu’il prend ce déclin au sérieux et fait l’effort de s’adresser à nos enjeux prioritaires», a indiqué Mme Roy. 

Le gouvernement libéral a aussi l’intention d’appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire, par l’entremise d’un investissement de 117 millions pour appuyer les organismes sans but lucratif, la formation des infirmières et des préposés aux bénéficiaires bilingues et la promotion de la recherche en français.

Après le dépôt du budget 2022, la FCFA a demandé un financement de 300 millions supplémentaires réservé aux organismes francophones. Même si à première vue, le gouvernement fédéral n’a donné que le tiers des fonds souhaités pour les organismes francophones, Mme Roy rappelle que certaines sommes pourraient provenir d’autres enveloppes.

«Il faut attendre les détails pour avoir le portrait exact de la situation. Certains organismes qui chercheront des fonds ailleurs.»

Ces détails pourraient être dévoilés dans la deuxième quinzaine d’avril, avance-t-elle.

L’AFO, qui milite pour de plus grandes sommes pour les organismes franco-ontariens, attend aussi ces détails, mais indique qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction.

«Très clairement, nous sommes heureux de ces investissements. Au cours des deux dernières années, nous avons appuyé des organismes sans but lucratif et nous espérons que ces sommes leur sont destinés et qu’ils se retrouveront avec une majoration de budget qui leur permettra d’être autonomes.»

Autres investissements

L’accès à la Justice dans les deux langues fait aussi partie des secteurs qui recevront des millions. Précisément, ce sont 111,4 millions qui seront infusés dans la traduction de jugements d’intérêt national. Une partie de ces fonds sera réservée à l’appui des activités culturelles et éducatives, «y compris la formation d’éducatrices et d’éducateurs de la petite enfance dans les communautés de langue minoritaire à l’extérieur du Québec».

Le gouvernement Trudeau veut créer un «centre d’expertise» qui s’assurerait que les institutions fédérales respectent leurs obligations liées à la Loi sur les langues officielles (LLO), comme celle de «favoriser l’épanouissement des minorités de langue officielle en situation minoritaire». Ce projet, qui représente un investissement de 22,1 millions, devrait aussi permettre «d’appuyer les données et la recherche sur le nombre d’enfants ayant le droit d’être instruits dans la langue de la minorité».

Pour l’heure toutefois, très peu de détails ont été dévoilés sur cette initiative.

Par ailleurs, Ottawa entend verser près de 680 millions à Patrimoine canadien au cours des cinq prochaines années pour qu’il soutienne les provinces et les territoires dans leur offre d’accès égal à l’enseignement dans la langue de la minorité, aux possibilités d’apprendre dans la langue seconde et aux services publics.

Pour la modernisation de la LLO, Ottawa avait réservé 16 millions, lors de la mise à jour économique de l’automne 2021, pour la mise en œuvre du projet de loi C-13. Ces fonds sont toujours maintenus pour atteindre cet objectif.

L’année dernière, la FCFA avait déclaré que le budget 2023 devait être déterminant pour les francophones.

«Il a été déterminant, avoue Mme Roy. Maintenant, nous sommes fébriles quant aux détails du Plan d’action sur les langues officielles pour nos communautés francophones et acadienne. Nous demandions un plan de relance pour la francophonie canadienne et nous avons les bons éléments, une base solide.»

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  • Date de création 29 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 29 mars, 2023
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