Les francophones de l’Atlantique: Une voix égale, mais pas toujours entendue!

En Atlantique, les francophones n’ont pas le même poids démographique selon la province où ils se trouvent. Pourtant, les organismes chargés de les représenter l’assurent: chaque voix compte et chaque voix est égale au sein des instances nationale et régionale.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle - Atl

En Atlantique, les francophones n’ont pas le même poids démographique selon la province où ils se trouvent. Pourtant, les organismes chargés de les représenter l’assurent: chaque voix compte et chaque voix est égale au sein des instances nationale et régionale.

Quand il s’agit de s’affirmer et de défendre leurs droits, les francophones de l’Île-du-Prince-Édouard arrivent-ils à exister face au Nouveau-Brunswick, officiellement bilingue?

Émile Gallant l’affirme fermement: les organismes représentant les communautés francophones et acadiennes du Canada atlantique portent d’une seule et même voix leurs revendications à Ottawa.

«On se bat ensemble pour prendre notre place, être vus et entendus. Chacun peut amener ses points et passer ses messages au fédéral», insiste le président de la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (SAF’Île).

La SAF’Île, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTL) et la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) accordent leurs violons au sein de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), qui regroupe 21 organisations au total.

Tous ces organismes n’ont cependant pas la même envergure. Selon les données du dernier recensement, près de 29,5% de la population a le français pour langue maternelle au Nouveau-Brunswick. Ce pourcentage tombe à 3,0% à l’Île-du-Prince-Édouard, 2,9% en Nouvelle-Écosse et à 0,4% à Terre-Neuve.

«Chaque organisation porte-parole est membre à part entière avec le même droit de vote, le même poids politique, et ce, quel que soit le poids démographique de la population qu’elle représente», assure Liane Roy, la présidente de la FCFA.

Les mêmes enjeux à des échelles différentes

«Compte tenu de ce déséquilibre démographique, les communautés francophones hors du Nouveau-Brunswick peuvent bénéficier de moins d’attention», estime quant à elle Michelle Landry, professeure de sociologie à l’Université de Moncton et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les minorités francophones canadiennes et le pouvoir. Dit autrement, même si chaque voix compte, celle du Nouveau-Brunswick porte plus.

«Que ce soit à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse ou à Terre-Neuve, on vit les mêmes choses à des échelles de tailles différentes, réagit Émile Gallant. On doit tous travailler fort pour réussir à vivre en français dans un océan anglophone.»

Le président de la SAF’Île cite pêle-mêle les dossiers de l’immigration, de la santé, ou encore de l’éducation en français, communs aux populations francophones de l’Atlantique.

«On est tous pris dans les mêmes combats, à savoir le respect des droits linguistiques et la pérennité de la présence des francophones en milieu minoritaire», abonde Liane Roy.

Le mode de fonctionnement pratique de la FCFA tend à responsabiliser chaque province à part égale. Les 21 adhérents se rencontrent quatre fois par an à Ottawa. Ils discutent notamment de l’état d’avancement de leurs dossiers provinciaux à l’occasion d’une table stratégique annuelle.

Chaque automne, ils se rendent sur la Colline parlementaire à Ottawa. Pendant une journée, ils défendent leurs intérêts auprès des députés et des sénateurs.

«Ça leur donne la chance de contribuer et d’influencer nos priorités, souligne Liane Roy. Mais en tant qu’organisme national, nous parlons pour l’ensemble de nos membres à part si l’un d’eux vit une situation de crise.»

La FCFA s’autorise alors à aborder des enjeux locaux, et seulement à ce moment-là.

La SNA plus sur le volet culturel

Les associations francophones de l’Atlantique se retrouvent également au sein d’une autre table de discussion régionale: la Société nationale de l’Acadie (SNA).

«On a les outils pour mieux se connaître et avoir conscience des réalités des uns des autres. On a plus d’occasions de parler ensemble que d’autres régions du pays», salue Émile Gallant.

«Il y a moins de joueurs autour de la table, mais la SNA a perdu son rôle politique depuis les années 1960, nuance Michelle Landry. Elle fait surtout la promotion culturelle de l’Acadie, à l’international notamment.»

Le conseil d’administration de la SNA réunit la FANE, la FFTL, la SAF’Île et la SANB, ainsi que les quatre associations jeunesse provinciales. La gouvernance et les orientations stratégiques de la fédération sont entre les mains de ces huit membres, détenteurs du droit de vote.

Comme Liane Roy à la FCFA, Martin Théberge, président de la SNA, insiste sur sa volonté d’assurer une représentation équitable des quatre provinces: «Chaque membre du conseil d’administration a le même poids. Si on y allait avec un ratio au prorata de la population, ça ne pourrait pas fonctionner.»

«C’est le fameuse devise de l’Acadie (l’union fait la force) et c’est le principe qui a présidé à la fondation de la SNA en 1881», ajoute-t-il.

De fortes disparités provinciales

Cette représentativité qui se veut exemplaire n’enlève rien à la difficulté de défendre les intérêts des Acadiens auprès des gouvernements provinciaux.

«On est assujetti à leur volonté politique, nos priorités ne sont pas forcément les leurs et on peut avoir du mal à obtenir des financements pour des événements culturels et des tournées d’artistes, partage Martin Théberge. C’est un travail de sensibilisation de longue haleine.»

La SNA et la FCFA doivent par ailleurs composer avec de fortes disparités provinciales. À un bout de l’échiquier politique, Terre-Neuve ne dispose d’aucune loi sur les services en français, tandis qu’à l’opposé, le Nouveau-Brunswick est la seule province canadienne officiellement bilingue, dotée d’une loi sur les langues officielles.

«On invite nos membres à faire du lobbying auprès de leur gouvernement respectif, car ce sont eux qui connaissent le mieux leurs réalités, précise Martin Théberge. On ne veut pas marcher sur leurs plates-bandes, on préfère travailler en collaboration et partager de l’information.»

Avec cette même ambition d’améliorer la représentation des communautés francophones en situation minoritaire, la SNA et la FCFA sont en train de négocier un accord pour clarifier leurs liens et leur mandat respectif. L’objectif? Éviter toute compétition qui pourrait nuire aux intérêts de leurs membres.

Faire connaître l’Acadie ici et ailleurs

«L’Acadie n’est pas connue à l’international. Vu de l’étranger, le français au Canada, c’est le Québec, point à la ligne», tranche Michelle Landry, professeure de sociologie à l’Université de Moncton.

«Même au Canada, la population ne sait pas encore qu’il y a des francophones hors Québec», poursuit Liane Roy.

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) est néanmoins convaincue que la modernisation de la loi sur les langues officielles ainsi que le recensement de 2021 ont changé la donne.

«Plus de gens ont entendu parler de nous, tout le monde s’est inquiété de la diminution du poids démographique des francophones», estime-t-elle.

Mais la FCFA et la Société Nationale de l’Acadie (SNA) n’ont pas attendu ces dernières années pour mettre au point des programmes de sensibilisation. Chaque été, la SNA organise des fêtes de l’Acadie partout au pays, de Yellowknife à Ottawa en passant par le Québec.

«Je rencontre régulièrement le Consul de France à Moncton pour le sensibiliser aux réalités des petites communautés à l’extérieur du Nouveau-Brunswick», ajoute Martin Théberge, président de la SNA.

De son coté, le président de la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard, Émile Gallant, est persuadé que les Congrès mondiaux acadiens contribuent à mettre l’Acadie sur la carte du monde : «Ça nous fait connaître à l’extérieur, on rappelle haut et fort qu’on existe.»

Aux yeux de Michelle Landry, ce type d’événement concourt aussi à renforcer les liens culturels entre les Acadiens des provinces de l’Atlantique. «Les élites acadiennes se connaissent, mais la population en général pas énormément», considère la sociologue.

La FANE, la FFTL et la SANB n’ont pas donné suite à nos demandes d’entrevues.

 

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 Photos :

 

Légende : Martin Théberge, président de la SNA.

Crédit : Gracieuseté

 

Légende : Liane Roy

Crédit : Gracieuseté

 

Légende : Émile Gallant

Crédit : Gracieuseté

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 8 août, 2023
  • Dernière mise à jour 8 août, 2023
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