Les fournisseurs de soins de santé aussi sont débordés

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Les hôpitaux et les urgences de l’Ontario sont remplis d’enfants malades. En tentant de rassurer les parents, jeudi, la ministre de la Santé Sylvia Jones a insisté sur l’importance de s’assurer que les fournisseurs de soins de santé «voient leurs patients avant qu’ils ne doivent se rendre aux urgences ou à l’hôpital». Le hic, c’est qu’eux aussi ont les mains liées.

Chaque matin, Nancy Bradley dépose ses deux enfants à la garderie avec un pincement au cœur. 

À l’instar d’une hausse sans précédent des maladies virales qui touchent particulièrement les enfants et qui forcent les hôpitaux à se fendre en quatre pour s’assurer de pouvoir en prendre soin, la jeune mère s’inquiète pour la santé de sa famille.

Sa plus jeune, un bambin qui vient de célébrer son premier anniversaire, a attrapé le croup trois fois au cours des trois derniers mois.

« C’est terrifiant, comme parent, de se lever au milieu de la nuit parce que son enfant a du mal à respirer et ne pas savoir si l’attente à l’hôpital sera de 20 heures, comme ils racontent aux nouvelles »

Nancy Bradley, infirmière praticienne

Cette infection du conduit respiratoire causée par un virus dure généralement cinq ou six jours, et les enfants qui en sont atteints font beaucoup de bruit à l’inspiration et éprouvent de la difficulté à respirer. 

En temps normal, le croup circule davantage à cette période de l’année, soit d’octobre à mai. 

Pas normal

Mais il n’y a rien de normal qui se trame dans les hôpitaux et dans les centres de soins pour enfants de la province. 

Le système de santé est mis à rude épreuve cet automne en raison d’une recrudescence du virus respiratoire syncytial (VRS), de la grippe et de la COVID-19.

Jeudi, la ministre de la Santé Sylvia Jones a défendu la gestion du système par son gouvernement en affirmant que la province a récemment augmenté la capacité des unités de soins intensifs pour enfants de 30%.

Elle n’a toutefois pas été en mesure de dire combien d’enfants sont actuellement aux soins intensifs en Ontario, arguant que ces nombres fluctuent constamment. 

Selon l’outil SMPCO (Soins aux malades en phase critique Ontario), il y avait plus d’enfants en soins intensifs à travers la province qu’il n’existe de lits de soins intensifs pédiatriques désignés, la semaine dernière.

Plus tôt cette semaine, le médecin-hygiéniste en chef, le Dr Kieran Moore, a exhorté la population à se masquer à l'intérieur pour protéger son prochain, en particulier les jeunes enfants.

Vendredi, les hôpitaux d’Ottawa ont annoncé faire «front commun» pour pallier la crise qui perdure au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO).

Terrifiant

«C’est terrifiant, comme parent, de se lever au milieu de la nuit parce que son enfant a du mal à respirer et ne pas savoir si l’attente à l’hôpital sera de 20 heures, comme ils racontent aux nouvelles», déplore Nancy Bradley.

À l’autre bout du fil, elle sonne épuisée, essoufflée. Elle est aussi malade. Ce n’est pas la COVID-19. 

«Je ne sais pas comment j’ai attrapé la grippe. Ça peut être via la garderie, ou bien la clinique.»

Nancy Bradley est infirmière praticienne et travaille dans une équipe de santé familiale, à London, qui compte à sa charge 21 000 patients de la région, dit-elle. 

Les équipes de santé familiale sont composées de médecins, d'infirmières praticiennes, d'infirmières, de travailleurs sociaux et d'autres professionnels de la santé et fournissent des services de soins primaires dans leur communauté. 

Fournisseurs débordés

Sylvia Jones a lancé qu’il faut «s’assurer que les fournisseurs de soins primaires voient leurs patients avant qu'ils ne doivent se rendre aux urgences ou à l'hôpital».

«Nous avons un système robuste lorsque tous les acteurs travaillent ensemble. Et nous avons besoin que toutes ces pièces fonctionnent essentiellement à 100 %», a soutenu la ministre.

Les commentaires de Mme Jones n’ont rien fait pour rassurer Nancy Bradley. 

Ils lui ont en fait rappelé le sentiment qu’il existe au sein du public une impression que les fournisseurs de soins primaires ne veulent pas voir leurs patients en personne.

«Pendant la pandémie de COVID-19, le règlement était de ne pas voir le patient en personne si ce n’était pas nécessaire, et depuis, il y a une impression que les fournisseurs de soins primaires et les cliniques de médecine familiale ne font toujours pas tout en leur pouvoir.»

Au contraire, les fournisseurs de soins de santé sont eux aussi débordés, note l’infirmière praticienne, qui s’inquiète pour le système de santé. «Il faut financer le système et augmenter les investissements auprès des fournisseurs de soins primaires.»

«Je dirai à ces parents que je comprends tout à fait votre désarroi, votre inquiétude, a noté Sylvia Jones lors de son point de presse. Mais vous avez un gouvernement qui vous soutient, vous avez un gouvernement qui soutient les investissements dans notre système hospitalier.»

Sylvia Jones a souligné la création d’une deuxième unité de soins intensifs pédiatriques au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO), disant que c’était un exemple des gestes que son gouvernement a pris pour se préparer à la crise.

Bien que le ministère de la Santé ait permis le financement de cette unité, elle n’a pas été ouverte dans le cadre d’un plan de préparation à la crise, mais bien en réponse à celle-ci, contrairement à ce que prétend Mme Jones.

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  • Date de création 21 novembre, 2022
  • Dernière mise à jour 21 novembre, 2022
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