Les épiceries africaines ont la cote en Alberta

Plusieurs marchés typiquement africains ont fleuri à Calgary et à Edmonton au cours des dernières années, offrant du même coup aux immigrants de plus en plus d'options pour s’approvisionner en épices et en produits de leurs terres d’origine. Pour beaucoup, c’est une manière tangible de retrouver un fragment des saveurs de la maison, même de ce côté-ci de l’Atlantique. 


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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Affectueusement connue sous le sobriquet de Mama Aimée par ses clients et intimes, Aimée Mpilidi a ouvert les portes de son épicerie à Edmonton au début de l’été 2020. Depuis, le Wenze Market, avec son comptoir de mets à emporter d’inspiration typiquement africaine et caribéenne, accueille ses visiteurs dans la convivialité et la bonne humeur. La communauté a pris l’habitude de venir y faire ses emplettes et y échanger des brins de conversation.

«On a nos clients habituels, beaucoup d’Africains d’origine, mais aussi des curieux qui entrent, font le tour des allées et achètent», explique la propriétaire. À travers les étagères de la boutique, les visiteurs peuvent trouver des produits congolais, d’où est originaire Aimée, mais aussi des produits importés du Ghana, du Nigéria, de la Côte d’Ivoire et même du Bénin.

Cette variété est «cruciale» puisque l’Afrique comprend après tout cinquante-quatre pays aux cultures et traditions distinctes. La richesse des saveurs est tout aussi vaste, offrant une gamme presque infinie d'options : des œufs de jardin aux feuilles de manioc, des noix dika aux sauces pour poisson, des légumes, des grains, sans oublier la panoplie de jus spécialisés.

«Il y a beaucoup de clients qui viennent aussi acheter leur pondu; comme ça prend du temps à cuire, ce n’est pas tout le monde qui a la patience d’en cuisiner», mentionne la propriétaire francophone. Ce ragoût de légumes réalisé à partir de feuilles de manioc pilées est offert presque en tout temps au comptoir de mets à emporter. D’autres plats typiques, tels que le poisson salé et le riz wolof, font également partie des spécialités d'Aimée.

Aux petits soins de la clientèle

Face à l’inflation qui a entraîné une hausse des tarifs de transport et du prix de certains produits, l’entrepreneure demeure résolue à maintenir les coûts de son épicerie à un niveau raisonnable. Elle est consciente que, même «en ces temps difficiles», les besoins sont «immenses» en matière de nourriture africaine à Edmonton. «On veut prendre soin des clients», précise-t-elle.

Cette dévotion quasi maternelle envers la clientèle se reflète également dans la philosophie de Bukola Ogunsola, propriétaire de la bannière African Choice Market à Calgary. Originaire du Nigéria, cette dernière a inauguré sa première boutique d’aliments africains en 2009. «Je ne me sens pas moi-même quand je ne suis pas à mon magasin. J’aime tellement trouver des produits qui vont rendre mes clients heureux. Leurs besoins, c’est ma priorité», confie-t-elle.

Une approche qui semble avoir porté ses fruits, comme en témoigne l’expansion rapide de l’entreprise au cours des dernières années, avec l’ouverture de deux autres magasins dans la ville. Mais, malgré cette croissance, certains clients fidèles continuent à visiter l’adresse d’origine, dans le nord-ouest de la ville, même si cela équivaut à un long détour. Africains, Haïtiens, Jamaïcains, Sud-Américains, ils sont plusieurs à être restés au poste depuis l’ouverture, il y a quinze ans.

«Ils nous accompagnent depuis le jour J. C’est spécial parce qu’ils ont rencontré mes enfants quand ils étaient encore aux couches. Et, moi aussi, j’ai vu leurs enfants grandir. C’est comme une grande famille», s’exclame l’entrepreneure.

Elle dit surtout tirer une grande satisfaction de l’idée de préserver la culture unique de tous ces clients en leur offrant des produits qui enrichissent leur expérience culinaire.

«Le Canada est une bonne terre d’accueil pour les immigrants, mais ça reste difficile au niveau culturel quand on arrive. Alors, pouvoir offrir un répit avec des produits de la maison, c’est spécial», souligne Bukola.

Elle cherche ainsi à leur éviter les difficultés qu’elle a elle-même rencontrées au début des années 2000 en arrivant au pays. À l’époque, il était beaucoup plus difficile de s'approvisionner en produits typiquement africains à Calgary. L’entrepreneure devait parfois importer certaines épices en passant par les États-Unis.

Évolution du marché d’importation

Le portrait a beaucoup changé depuis. Les enseignes africaines se multiplient d’un bout à l’autre de la province albertaine et il est beaucoup plus facile pour les nouveaux arrivants de trouver chaussure à leur pied. «C’est le jour et la nuit», explique Bukola. Cette tendance s’observe à une échelle encore plus marquée dans l’est du pays, fait-elle remarquer, ce qui a grandement simplifié le processus d’importation pour les commerçants de l’Ouest canadien.

Aimée Mpilidi confirme, elle aussi, que la robustesse du marché de produits typiquement africains à Toronto et Montréal simplifie considérablement le processus d’importation de son entreprise. D’après elle, comme plusieurs entreprises québécoises et ontariennes ont établi des relations solides avec des fournisseurs et des producteurs d’Afrique, elle peut facilement faire acheminer une partie de ces produits dans l’ouest par leur intermédiaire.

«Ça rend la partie logistique beaucoup plus facile parce que le système est déjà mis en place. Quand j’achète des produits dans l’est du pays, ça prend seulement quelques jours avant qu’on reçoive nos livraisons», explique-t-elle.

Et quand elle revient «chez elle», en République démocratique du Congo, elle ne manque jamais d'apporter des produits. «Ça demeure la manière la plus facile de faire les choses», conclut-elle.

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  • Date de création 17 février, 2024
  • Dernière mise à jour 16 février, 2024
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