Les enseignants ont manifesté à Moncton pour une nouvelle convention collective

Ils ne veulent plus être pressés comme des citrons. Répondant à un appel intersyndical, le personnel enseignant a manifesté mercredi 19 avril pour demander au gouvernement de conclure une nouvelle convention collective.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

Les manifestations au Canada ont de quoi faire rêver certains Français, et laisser les autres dubitatifs. Alors que l’opposition à la réforme des retraites a laissé des traces à Paris, aucun débordement n’était à craindre à Moncton tandis que les enseignants envoyaient un message clair au gouvernement.

Rue Saint George, il y avait pourtant presque autant de monde que sur la rue Main durant la parade de Noël ! De fait, il s’agissait de la plus grosse manifestation de l’histoire récente de la ville depuis la marche pour le climat qui, en 2019, avait rassemblé près de 2500 participants. La foule s’était d’abord rassemblée non loin de là, au parc Victoria, où les organisateurs ont harangué les personnes présentes. Parents, enfants et retraités : toute la pyramide des âges y figurait.

Soutenues par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), la présidente de l’Association des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB), Nathalie Brideau, était à la barre avec son homologue de la New Brunswick Teachers’ Association, Connie Keating. Toutes deux ont remercié les gens d’avoir si rapidement répondu à l’appel. Les membres du corps professoral venaient de Moncton, Dieppe, Memramcook ou Shediac. Mme Brideau en a reconnu certains qui venaient d’aussi loin que Bouctouche.

« On va faire du bruit, on va se faire entendre. On peut plus endurer ça dans les salles de classe. Ça se détériore et là c’est le temps de se faire entendre et de dire c’est assez! It’s enough ! On a fini de se faire presser le citron. On va avoir du plaisir même si on n’est pas contents, on va aller avec le sourire parce que c’est ce qu’on fait dans nos classes même si ça va mal », a lancé Mme Brideau au micro avant que le cortège ne se mette en mouvement.

De vieilles pelures ratatinées

La présidente de l’AEFNB déplore que, à la table des négociations, le gouvernement ne fasse aucun geste pour atténuer l’impact de l’inflation. Elle dénonce aussi la pénurie d’enseignants qui n’est pas résorbée. Selon elle, le gouvernement ne propose aucun incitatif significatif pour faciliter le recrutement, ni de solution pour valoriser la profession enseignante.

Le cortège s’est déployé sur la rue Saint George, et les chefs de file se sont arrêtés devant le bureau de circonscription du député de Moncton-Sud, Greg Turner. Ce dernier, que les organisateurs ont dans un premier temps supposé absent, était quand même là pour les accueillir et écouter leur harangue. Ceux-ci n’y sont pas allés de main morte.

« Pour votre gouvernement, l’école semble être une aire de débarquement où laisser nos enfants », a dit Mme Brideau en déclarant dans le même temps que le gouvernement progressiste-conservateur n’avait aucune vision pour améliorer l’éducation publique.

Nathalie Brideau a offert à Greg Turner un panier contenant des citrons et des petites bouteilles de limonade d’une marque connue. Le député a pris ce cadeau insolite avec grâce. La présidente de l’AEFNB en a expliqué la symbolique.

« Si vous vous demandez pourquoi les citrons, la raison est simple : les offres sur la table nous font grimacer ! Vous nous demandez de faire de la limonade avec de vieilles pelures de citron ratatinées. »

Mme Keating a exprimé la même chose en anglais. Enfin, elles ont interpellé le député.

« Êtes-vous au nombre des leaders politiques à la recherche de solutions ? »

Travailler ensemble

Greg Turner, qui participait à une réunion à Fredericton, a réorganisé in extremis son emploi du temps pour rencontrer les manifestants. Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne s’est pas dérobé devant l’enjeu. À la question de Mmes Brideau et Keating, il a donné l’impression de répondre positivement.

« Les enseignants sont très importants pour moi, a-t-il dit en anglais (1). La circonscription compte de nombreuses écoles. Le travail que vous faites est très important. Des personnes comme vous ont un impact sur les jeunes, les futurs dirigeants de notre province. Vous faites vraiment une différence dans la vie des Néo-Brunswickois. »

Après avoir tenu ces propos flatteurs, M. Turner a indiqué qu’il avait rencontré le ministre de l’Éducation deux jours auparavant, et qu’il s’était entretenu plus tôt avec Blaine Higgs.

« J'ai cru comprendre que nous, en tant que gouvernement, devions retourner à la table des négociations dès que possible. Je ne suis pas là pour négocier et vous non plus. Nous sommes ici pour travailler ensemble et retourner à la table des négociations afin de trouver une solution et de l'obtenir rapidement. Il est temps d'agir et nous allons nous en assurer », a-t-il garanti avant d’être applaudi.

Greg Turner a assuré aux manifestants qu’il allait relayer leur message à Fredericton. Il a également remercié le service de sécurité assuré par la GRC, et salué la bonne organisation respectueuse de cette manifestation pacifique.

Une grève serait un aveu d’échec

Le directeur général de l’AEFNB, Alain Boisvert, espère que la démarche va aboutir sur une issue positive et concrète.

« Présentement à la table des négociations, on veut nous mélanger avec toutes sortes de choses et on oublie de parler de ce qui est important : le recrutement, la rétention du personnel enseignant, les conditions de travail, l’inflation. On ignore complètement ça. »

M. Boisvert a constaté qu’au cours des 12 dernières années, les salaires n’avaient été revalorisés que de 10%. Un pourcentage bien insuffisant pour contrebalancer la hausse du coût de la vie. Selon ses calculs, il estime que le personnel enseignant a perdu 15% de pouvoir d’achat au cours de cette période. Soulignant que les enseignants veulent se consacrer aux élèves et non aux questions administratives, il implore le gouvernement d’être à leur écoute.

Alors que les fonctionnaires fédéraux viennent de déclencher une grève, les enseignants du Nouveau-Brunswick pourraient-ils suivre le mouvement ? Alain Boisvert rappelle qu’ils ont toujours été raisonnables et n’ont fait grève qu’une seule journée en 50 ans d’histoire. Pourtant, il ne saurait exclure cette option.

« Pour le milieu syndical, une grève demeure toujours un instrument important ; mais il faut se rappeler qu’une grève est un aveu d’échec », a-t-il conclu.

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Photos

Titre : Parc Victoria

Légende : Les manifestants se sont rassemblés au Parc Victoria avant de se rendre rue Saint-George.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Harangue

Légende : Nathalie Brideau harangue la foule avant le départ de la manifestation vers le bureau du député Greg Turner.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Cortège

Légende : Comme un air de joyeux tintamarre pour ces manifestants peu après que le cortège se soit mis en mouvement.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Alain Boisvert

Légende : La bonne humeur du directeur général de l’AEFNB, Alain Boisvert, malgré le sérieux de la situation.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Citrons

Légende : Le panier de citrons et de limonades, cadeau insolite et symbolique des manifestants au député de Moncton-Sud.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Turner citrons

Légende : Greg Turner n’a pas ri jaune en recevant son panier citronné.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Turner parle

Légende : Greg Turner a encouragé les manifestants et leur a assuré qu’il allait relayer leur message à Fredericton.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Les représentants du Parti libéral solidaires (D.D.)

Leur présence parmi la foule fut signalée par les organisateurs. Rob McKee, chef de l’opposition officielle, Robert Gauvin, bras droit de Susan Holt et Richard Losier, candidat à l’élection partielle dans Dieppe, se sont mêlés aux manifestants.

« Comme opposition, nous sommes ici pour écouter les enseignants et les appuyer. Le bilan du gouvernement Higgs en ce qui concerne les négociations des conventions collectives avec les syndicats au cours des 5-6 dernières années est épouvantable », a dit Rob McKee, député de Moncton-Centre.

Les trois libéraux ont dit qu’ils étaient des pères de famille dont les enfants étaient scolarisés. Ils se sentent donc concernés à double titre par le ras-le-bol du personnel enseignant.

« Il ne faut pas oublier qu’on a surplus proche d’un milliard alors que les gens souffrent. Il n’y a pas d’excuse. Nos enfants, c’est le futur de la province. Ça commence avec l’éducation. Il faut payer une partie de la dette, personne ne va à l’encontre de ça. Mais il faut investir dans le système de l’éducation, ainsi qu’en santé, avec nos aînés et dans le logement abordable », a dit le candidat Losier.

M. McKee a fait observer que si son parti formait le gouvernement, il négocierait de bonne foi et de façon respectueuse avec les enseignants. M. Gauvin, qui a claqué la porte d’un gouvernement dont il était le vice-premier ministre, a tenu à rappeler certains faits.

« Le Parti libéral a réglé 23 conventions collectives sur 24 avant l’élection de 2018. Il faut savoir discuter avec les syndicats. Ce n’est pas toujours facile, mais l’important est d’avoir du respect. »

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Photo

Titre : Libéraux

Légende : Rob McKee, Richard Losier et Robert Gauvin sont venus écouter et soutenir les manifestants.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

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  • Date de création 28 avril, 2023
  • Dernière mise à jour 28 avril, 2023
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