Les enfants ont un petit aperçu de ce que vivent les sans-abris

Christian Gammon-Roy

IJL – Réseau.Presse - Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

 

Après avoir écouté des présentations et parlé de l’itinérance au cours des derniers mois, les élèves des 7e et 8eannées de l’École élémentaire catholique Saint-Joseph sont passés de la parole aux actes pour mieux comprendre ce fléau et venir en aide aux sans-abris. Le jeudi 7 décembre, ils ont passé une partie de la nuit dans des tentes et des abris de fortune à l’extérieur de l’école, simulant ce que vivent les personnes sans abri prises au froid l’hiver. Un groupe 21 élèves a participé à l’exercice, coordonné par l’école en partenariat avec le groupe d’aide aux sans-abris No More Tears de Nipissing Ouest. Heureusement pour eux, la température était plutôt douce, n’atteignant jamais moins de 3 degrés Celsius.

Avant la soirée, les élèves de Nina Perreault, enseignante qui a initié le projet, ont également recueilli des dons de sacs de couchage, de couvertures et de vêtements chauds. Ces articles ont été remis à No More Tears, qui effectue un travail de proximité auprès des sans-abris de la région. «Il y avait (...) des bottes d'hiver, des manteaux presque neufs, de grands manteaux aussi, tant de choses formidables ont été données,» décrit Mme Perreault.

Juste avant l’activité, les élèves ont assisté à une présentation de Raymond Landry, coordonnateur du Réseau des sans-abris/Homelessness Network. M. Landry s'est joint à la classe virtuellement depuis son bureau de Sudbury et il a parlé de la pénurie de logement comme l'une des principales causes de l'itinérance. Mme Perreault était heureuse d'avoir cette perspective supplémentaire, pour faire comprendre qu’il y a tout un éventail de causes et de problèmes sociaux sous-jacents. «Ce ne sont pas seulement les personnes qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie qui sont sans abri. Il y a des familles qui sont sans abri simplement parce que le coût de la vie est trop élevé et qu'elles n'arrivent pas à joindre les deux bouts,» de souligner l’enseignante.

Bien que la soirée de camping commençait à 20 heures, les jeunes sont sortis tôt pour monter leurs tentes et leurs abris. «On a pu voir leur esprit d'initiative, leur collaboration et leur sens des responsabilités. C'était vraiment agréable de voir cela dans un contexte en dehors de la salle de classe,» commente Mme Perreault à propos de la volonté de ses élèves de mener à bien le projet. L’activité s'est officiellement terminée à 8 heures le lendemain matin, mais les élèves ont bravé le froid jusqu'à 2 heures du matin seulement, puis ils ont passé le reste de la nuit dans le gymnase.

Les bénévoles de No More Tears étaient également heureux de constater la motivation des enfants. «Ce que j'ai vu pendant le camp était tout à fait étonnant : les enfants travaillaient ensemble pour trouver des solutions aux problèmes auxquels beaucoup de personnes vulnérables sont confrontées tous les jours (…). Un couple d'élèves a créé son propre abri avec des boîtes et d'autres matériaux parce qu'il voulait vraiment vivre cette expérience de manière authentique. Les activités prévues pour eux étaient d'excellents moyens de leur montrer certaines des difficultés rencontrées. Dans chaque activité, les enfants étaient impatients d'apprendre et de participer,» déclare Amanda Wells de No More Tears.

Les tâches confiées aux élèves visaient à leur faire mieux comprendre ce que traversent les sans-abris. Par exemple, Kathleen Toland-Descoteaux, bénévole de No More Tears, a fait entrer les élèves dans l'école et leur a expliqué que pendant l'été, certaines personnes sans abri de la région marchaient de Cache Bay jusqu’au parc Goulard à Sturgeon Falls pour recueillir de l'eau. «Ils revenaient dans l'école et devaient parcourir cinq fois la longueur du couloir, portant un sac contenant des bouteilles d'eau vides. Ensuite, ils sont allés à la fontaine pour les remplir, et ont dû marcher cinq fois de plus,» tout en gardant leurs manteaux et leurs vêtements chauds pour vraiment sentir la chaleur. Ils ont ensuite dû se réchauffer après avoir transpiré dans le froid, une fois rentrés dans leur tente.

D'autres activités étaient axées sur l'insécurité alimentaire. Tout d'abord, les jeunes ont reçu une boîte de conserve sans outil pour l'ouvrir. Ensuite, on leur a demandé de partir à la chasse aux barres de céréales dans la cour de l'école. Ils devaient s’imaginer qu'ils n'avaient pas mangé depuis deux jours. Ils devaient également garder la nourriture trouvée pour eux, sans partager avec leurs camarades qui n’avaient rien.

Après chaque activité, les enfants devaient rédiger un compte rendu de leur expérience. «Ils devaient décrire leurs émotions, ce qu'ils avaient appris et essayer de se mettre un peu dans la peau d'un sans-abri,» explique Mme Perreault. Elle ajoute que cette tâche a dû être réalisée dans les tentes, sans électricité ni lumière. Les élèves se sont partagé des lampes de poche et ont écrit à tour de rôle.

L'activité des barres de céréales a provoqué des sentiments intéressants, révèle Mme Perreault. Alors que certains élèves avaient réussi à trouver plus de cinq barres de céréales, d'autres n'en avaient aucune, ce qui a suscité de la jalousie et de la tristesse. Cependant, les élèves ont insisté sur le fait qu'ils devaient partager leur nourriture, bien qu'on leur ait dit de faire comme s'ils n'avaient pas mangé depuis des jours. Mme Toland-Descoteaux les a rassurés en expliquant que c'est exactement ce que font souvent les sans-abris, qui partagent et veillent les uns sur les autres.

«Il y a eu des choses que je n'avais pas prévues, mais ce sont des choses qui peuvent arriver [dans un campement de sans-abris]. Nous avons profité de tous les moments propices à l'apprentissage,» déclare Mme Perreault. Elle a été impressionnée par le niveau d'empathie chez ses élèves, tout comme les bénévoles de No More Tears. «Les élèves étaient enthousiastes et très ouverts à exprimer leurs réactions et leurs émotions. Ils ont parlé librement entre eux et avec nous de ce qu'ils avaient appris,» déclare Mme Toland-Descoteaux, épatée par «la compassion dont ils ont fait preuve à un si jeune âge.»

Les élèves étaient autorisés à entrer dans l'école pour se réchauffer à tout moment, mais l'ensemble du campement a été démonté à 2 heures pour que les jeunes aient «une bonne nuit de sommeil» dans le gymnase. Après tout, ils avaient cours le lendemain. Mme Perreault leur a préparé un déjeuner aux crêpes le matin, car la plupart des enfants ne sont pas rentrés chez eux pour manger avant le début des cours.

Parmi les 50 élèves des classes de 7e et 8e années, Mme Perreault indique que seuls 21 ont pu participer au camping. Cependant, l'activité a suscité beaucoup d'intérêt et sera sans doute renouvelée. Étant donné qu'il s'agissait du premier essai, elle pense que les parents ont pu avoir quelques craintes. «Je pense que les parents sont plus à l'aise maintenant, sachant comment cela s'est passé et sachant qu'il y avait des gens pour assurer la sécurité,» dit-elle.

Selon Mme Perreault, la collaboration avec No More Tears a également été très fructueuse. «C'était bien qu'ils soient là, parce qu'ils ont apporté une dynamique différente (…), [la connaissance] d'une réalité différente que nous ne connaissons pas,» souligne-t-elle. «Nous sommes déjà en train de réfléchir à ce que nous voulons faire l'année prochaine, au type d'activités et aux personnes à inviter.»

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Photos

Campement1 : Les enseignants de l'École élémentaire catholique Saint-Joseph, Nina Perreault et Luc Dupuis, avec leurs élèves de 7e et 8e années, ont passé la nuit du 7 décembre dehors dans des abris de fortune. Les élèves ont eu un petit aperçu des difficultés auxquelles font face les personnes sans abri en hiver.

Campement2 : Les élèves ont remis plusieurs sacs de dons à No More Tears West Nipissing, qui vient en aide aux sans-abris locaux. Les sacs contenaient des articles de première nécessité pour l'hiver, tels des manteaux, des bottes, des sacs de couchage et des couvertures.

Campement3 : Caleb Lafrance (à gauche) et Atrayu Lachapelle (à droite) ont fabriqué leur propre abri de fortune avec des boîtes en carton, une bâche en plastique et de la mousse pour dormir dessus.

Crédit : Christian Gammon-Roy

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  • Date de création 21 décembre, 2023
  • Dernière mise à jour 1 janvier, 2024
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