L'entrepreneuriat : la réponse créative des jeunes pour réinventer le marché du travail

La jeunesse albertaine francophone se distingue de plus en plus dans le monde de l'entrepreneuriat. En mai 2022, l'équipe derrière l'application mobile ELEV Homes a remporté un concours lors de la conférence Inventure$, à Calgary. Le 1er mars dernier, c'était au tour de Hanan Salem d’être couronnée championne de la première finale Ouest du concours Pitchd'entreprises Junior. Ces succès surviennent à point nommé, alors que les jeunes albertains sont encouragés à trouver des solutions innovantes et créatives pour faire face aux défis économiques actuels.
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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

À l'occasion du concours Pitch d'entreprises Junior, l’adolescente de treize ans, Hanan Salem, a présenté son projet Pink Health, une entreprise qui vend des boîtes cadeaux conçues pour aider les femmes à se sentir «chouchoutées» lorsqu'elles traversent des moments difficiles.

La présentation d’Hanan a conquis les membres du jury qui s'étaient réunis sur Zoom pour l'occasion. «Son entreprise est un bijou, tout le monde a adoré», témoigne Chantal Côté, agente de développement économique pour le secteur jeunesse du Conseil de développement économique de l'Alberta (CDÉA).

Chantal, qui siégeait également comme membre du jury, s’est dite impressionnée par la qualité de l’ensemble des pitchs qui ont été présentés lors de cette première édition du concours organisé en collaboration avec la Société de développement économique de la Colombie-Britannique (SDECB), le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), le Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest (CDÉTNO) et grâce à la contribution financière du Réseau de développement économique et d'employabilité (RDÉE). «Disons que la délibération a été très serrée», commente-t-elle.

De son côté, la jeune entrepreneure voit cette victoire comme une étape clé vers la réalisation de son objectif qui est de contribuer «positivement» à sa communauté et «d'améliorer la santé mentale des femmes». Dans les mois à venir, ainsi que pendant l'été 2023, Hanan compte redoubler d'efforts pour accroître les ventes de Pink Health grâce à ses plateformes Instagram et TikTok.

Toutefois, elle admet qu'il est difficile de se consacrer à son entreprise pendant l'année scolaire. En ce moment, elle essaie de trouver du temps «dans la journée pour être un peu active sur les réseaux sociaux de Pink Health, mais ce n'est pas toujours facile. En même temps, je viens juste de commencer, alors il faut que je sois patiente avant de voir mon progrès», explique-t-elle.

Sa mentore du CDÉA se tient toujours disponible pour aider la jeune fille au besoin. «Je vulgarise certains concepts quand elle me pose des questions et je lui envoie un message de temps en temps pour savoir comment ça se passe», élabore Chantal Côté.

D’ailleurs, l’agente de développement ne cache pas son optimisme et ses ambitions quant à Pink Health. Elle estime que Hanan pourrait éventuellement «étendre le mandat» de son entreprise pour offrir ses boîtes cadeaux aux hommes.

Le CDÉA s’invite dans les écoles

D’autres jeunes à travers la province ont développé un intérêt pour l’entrepreneuriat, surtout depuis que le CDÉA se déplace dans les écoles pour donner des ateliers et aider les élèves «à monter des projets d’entreprise», mentionne Chantal Côté. «Je pense qu’on réveille de plus en plus d’entrepreneurs francophones, et ce, dès la quatrième année», se réjouit-elle. En outre, l’agente de développement dit adorer travailler avec les enfants du primaire puisqu’ils ont beaucoup d’imagination et n’ont pas encore atteint le stade du jugement personnel. «Ils sont dans le “go, je le fais” et non pas dans la peur», précise-t-elle.

Cette initiative du CDÉA est très positive, mentionne Jean Bruce Koua, le jeune cofondateur d’ELEV Homes, une application mobile qui facilite la recherche de logements pour les étudiants vivant à Edmonton. Il estime que «semer une graine entrepreneuriale» dès le primaire peut inciter les jeunes à rester à l'affût des occasions d'affaires et envisager des métiers moins traditionnels une fois qu’ils seront à l’université. «Qui sait, cela peut les amener à se lancer comme entrepreneur à leur tour», explique-t-il.

En bâtissant un premier projet d’entreprise, les jeunes auront aussi la chance d'acquérir de l’expérience «de terrain», un facteur qui contribuera à leur réussite future dans le domaine entrepreneurial, avance le jeune talent. «Si j’avais fait des projets d’entreprise à un plus jeune âge, j’aurais peut-être développé mes connaissances plus rapidement et évité certaines erreurs», plaisante-t-il. En tant que chef des opérations et responsable financier chez ELEV, il reconnaît que bon nombre de ses compétences ont été acquises au fil du développement de son entreprise.

«J’avais déjà des talents innés comme la débrouillardise, la polyvalence et la capacité à prendre des risques, mais pour le reste, j’ai dû essayer, réussir et échouer pour apprendre», témoigne l’entrepreneur. Hanan Salem partage également cette expérience d'apprentissage constant. Au cours des derniers mois, elle a dû acquérir de nouvelles compétences telles que l'utilisation d'un appareil photo et la gestion des réseaux sociaux pour son entreprise Pink Health.

La jeune fille souligne aussi l'importance d'avoir une personnalité dégourdie et de l'entregent pour réussir dans ce domaine. «J'ai appris qu'il ne faut pas avoir honte ni être gêné(e) de faire la promotion de ses produits. Je me déplace dans l'école et je fais la promotion de mon concours sur Instagram auprès de tout le monde», conclut-elle.

L'entrepreneuriat, une solution à l’instabilité économique? 

Avec un taux de chômage frôlant les 6%, une inflation persistante et des salaires qui «stagnent par rapport au coût de la vie», le professeur en administration des affaires au Campus Saint-Jean, Sadok El Ghoul, estime que de plus en plus de jeunes pourraient se tourner vers l’entrepreneuriat pour générer un deuxième revenu et «joindre les deux bouts».

«Surtout que ça devient de plus en plus facile de partir des petites business en utilisant [les réseaux sociaux]. Ça ne demande pas de ressources significatives ou de sortir beaucoup de la maison», avance-t-il.

Mais ce n’est pas tout : la recherche de liberté et d’horaires flexibles peut aussi motiver le choix de se lancer dans l'entrepreneuriat, ajoute le professeur. «Un emploi de 9h à 5h peut avoir une certaine rigidité pour la jeunesse. Certains trouvent que ce format est trop monotone», note-t-il. Cette explication fait écho à Jean Bruce Koua qui souligne que le mode de travail hybride, mélangeant travail à domicile et au bureau, est devenu très populaire chez les jeunes depuis la pandémie. «On voit les choses différemment maintenant, on veut mieux concilier notre vie personnelle et professionnelle», mentionne-t-il.

Au-delà des considérations pécuniaires et de flexibilité, l'entrepreneuriat est aussi une vocation qui nécessite de la passion et du dévouement, confient Hanan Salem et Jean Bruce Koua. «Pour moi, c’était important de créer une entreprise qui allait permettre de changer quelque chose dans le monde», révèle la jeune fille. «Pour se lancer en affaires, il faut avoir un projet qui nous motive, qui soit aligné à nos passions», ajoute le cofondateur d’ELEV, qui cherche actuellement à étendre les services de son entreprise dans le reste du Canada.

Pour les jeunes qui souhaitent se lancer en affaires, mais craignent l'échec, Jean Bruce suggère de prendre un risque calculé pour tester leur idée. Les étapes de l’étude de marché et de l'identification de la clientèle cible ne sont pas à négliger, rappelle de son côté Sadok El Ghoul. «Il ne faut pas sauter d’étapes», mentionne le professeur.

Plus rêveur, le chef des opérations d’ELEV ajoute, pour sa part, que la «vie est trop courte pour ne pas prendre de risques et de ne pas aller au bout de ses rêves et de ses passions».

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  • Date de création 8 mai, 2023
  • Dernière mise à jour 8 mai, 2023
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