L’Église affirme que la « Doctrine de la découverte » n’a jamais été catholique
Une Note commune sur la « doctrine de la découverte » des dicastères de la culture et de l’éducation et du Service du développement humain intégral, publiée le 30 mars 2023, affirme le rejet par l’Église catholique de la mentalité colonisatrice que sous-tend cette théorie utilisée pour justifier l’expropriation des peuples autochtones par les nations colonisatrices européennes.
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Nelly Guidici
IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon – Arctique
Cette théorie, apparue au XVe siècle « ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique » selon le Vatican. En revanche, cette Note commune reconnait que les bulles pontificales « ne reflétaient pas correctement l’égalité de dignité et de droit des peuples autochtones ». Ces déclarations émises par les papes Nicolas V en 1452 et Alexandre VI en 1455 ont autorisé les souverains du Portugal et de l’Espagne à s’approprier « les terres colonisées en soumettant les populations d’origine. » Ces documents pontificaux reconnaissaient donc le droit à tout monarque chrétien de s’emparer d’un territoire non chrétien sous prétexte qu’il n’appartenait à personne.
Dans une déclaration du 30 mars 2023, la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a souligné que la Note commune reconnait que ces bulles pontificales exprimaient l’idée implicite de la supériorité d’une culture sur une autre et que ces textes « ont été manipulés à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes et que les peuples autochtones ont subi les terribles effets des politiques d’assimilation des nations colonisatrices. »
Une déclaration pas totalement satisfaisante
Pour Bruce McIvor, fondateur et partenaire de First Peoples Law, un cabinet juridique canadien spécialisé dans les droits des peuples autochtones, il est exagéré de la part du Vatican d’affirmer aujourd’hui que les bulles papales ont été manipulées à des fins politiques, car l’Église catholique connait depuis des centaines d’années l’effet de ces textes et en a directement bénéficié. Selon lui, cette annonce ne fait que désigner un autre coupable et permet à l’Église de ne pas endosser la pleine responsabilité de ces documents.
Même si le rejet de cette théorie est un pas vers la voie de la réconciliation, Duane Gastant’ Aucoin, citoyen du Conseil Tlingit de Teslin au Yukon estime que ce n’est pas suffisant.
« [En 2022, les excuses du pape] n’étaient pas complètes et nous sommes maintenant dans la même situation, car ce n’est pas une annulation complète et la raison invoquée est une mauvaise interprétation des textes. C’est un pas dans la bonne direction, mais encore une fois [cette déclaration] est très loin de ce dont nous avons besoin et de ce que l’Église doit faire », regrette-t-il.
Par ailleurs, M. McIvor estime qu’une telle déclaration aurait eu beaucoup plus d’impact si elle avait été faite par le pape lui-même aux survivants des pensionnats lors de sa visite en juillet 2022.
« Bien que l’annonce d’aujourd’hui soit la bienvenue, elle aurait eu plus d’autorité morale si elle avait été prononcée par le pape en personne aux peuples autochtones lors de sa visite au Canada l’année dernière. »
Une action demandée depuis 2015
Dans l’appel à l’action 54 du rapport de la Commission de vérité et réconciliation publié en 2015, il est demandé « aux gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux de rejeter les concepts ayant servi à justifier la souveraineté européenne sur les peuples et les territoires autochtones, comme la doctrine de la découverte et celle de la terra nullius, et de réformer les lois, les politiques gouvernementales et les stratégies d’instance qui continuent de s’appuyer sur de tels concepts. »
En 2018, l’Assemblée des Premières Nations demandait expressément au gouvernement de renoncer à cette doctrine.
« Bien que cela ne change pas les injustices passées, le gouvernement fédéral devrait officiellement renoncer à la doctrine de la découverte. Cela lui permettrait de reconnaitre sa responsabilité et ses obligations actuelles envers les Premières Nations. Ce serait plus qu’un geste purement symbolique, car il mettrait fin à une justification juridique offensante fondée sur la supériorité raciale pour assujettir les Premières Nations et les autres peuples autochtones, » peut-on lire dans un document de l’assemblée de janvier 2018. À ce jour, rien n’a été dit ou fait dans ce sens par le gouvernement fédéral.
Une bonne nouvelle pour les survivants inuits
De son côté, Piita Irniq, ancien homme politique et commissaire du Nunavut de 2000 à 2005, a accueilli cette annonce avec joie. Non seulement cette déclaration montre une volonté d’agir de la part de l’Église, mais elle concrétise aussi un rapprochement entre le peuple inuit et l’Église catholique dans le contexte de la réconciliation.
« Il était temps ! En tant que victime du colonialisme dans les années 1950 et 1960, et en tant qu’Inuit, nous sommes heureux de voir que le pape fait enfin quelque chose pour se débarrasser de cette doctrine, » indique-t-il dans un courriel.
Cependant, le travail est loin d’être terminé selon lui. Alors que l’ensemble des survivants inuits des pensionnats sont maintenant âgés de plus de 70 ans, M. Irniq rappelle que le temps est compté et que la CECC devrait contacter rapidement les survivants afin de travailler de concert sur la guérison et la réconciliation.
Sans donner d’informations sur la concrétisation de la réconciliation, la CECC indique « soutenir les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dont la mise en œuvre contribuerait à améliorer les conditions de vie de ces derniers, à protéger leurs droits, et à soutenir leur autodéveloppement dans le respect de leur identité, de leur langue, de leur histoire et de leur culture. »
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Titre : 2023.04.14_AA_L’Église affirme que la “Doctrine de la découverte” n’a jamais été catholique_NG_000
Légende : (Photo: Piita Irniq)
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Légende : (Photo: Duane Gastant' Aucoin)
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- Date de création 23 février, 2024
- Dernière mise à jour 23 février, 2024