«L’éducation à la sexualité dès le plus jeune âge est essentielle»

Catherine Meek-Bouchard, doctorante en psychologie à l’Université du Québec à Montréal, et Lyne Chantal Boudreau, professeure en éducation à l’Université de Moncton, décortiquent le concept de consentement. Censée garantir des relations sexuelles libres et égalitaires, la notion n’est pas exempte d’ambiguïtés.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

 

 

 

Chaque année en septembre, le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard organise la Semaine de sensibilisation aux agressions sexuelles. À cette occasion, deux spécialistes, la doctorante Catherine Meek-Bouchard, membre de la Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur de l’Université du Québec à Montréal, et Lyne Chantal Boudreau, professeure en éducation à l’Université de Moncton, reviennent sur le concept de consentement. Elles évoquent notamment le problème de la zone grise existant entre le consentement et l’agression sexuelle.

Comment définir cette notion de consentement qui est au cœur des discours actuels sur les violences sexuelles ?

Catherine Meek-Bouchard : C’est l’accord à s’engager dans une interaction sexuelle. Le consentement doit être clair, libre et éclairé. Autrement dit, il doit être exprimé explicitement, avec des mots ou par des gestes et des attitudes, car le corps communique aussi certaines choses. S’il y a un rapport d’exploitation, une forme quelconque de manipulation ou d’intimidation entre les deux partenaires, on entre dans le champ de l’agression sexuelle, voire du viol.

Lyne Chantal Boudreau : Une personne doit clairement et volontairement consentir avant de faire quoi que ce soit. Elle doit avoir parfaitement compris en amont dans quoi elle s’engage. Si une personne est endormie ou sous l’influence de drogues ou d’alcool, elle n’est pas apte à donner son consentement. Et surtout une personne a la liberté de retirer son consentement à tout moment. Elle peut accepter dans un premier temps et n’être plus à l’aise pour continuer. C’est sa liberté de choix.

La notion de consentement semble borner la ligne rouge entre le permis et l’interdit. Mais, en pratique, dans l’intimité de la sphère privée, les choses ne s’avèrent-elles pas plus compliquées?

Catherine Meek-Bouchard : Effectivement, on perçoit souvent le consentement comme une limite bien établie entre le bien et le mal, entre la sexualité légitime et l’agression sexuelle ou le viol. Mais il s’agit d’un processus beaucoup plus complexe. Il y a une dynamique de négociations continuelles entre les partenaires impliqués.

Il existe une infinité de scénarios banals où la frontière entre ce qui relève du viol et ce qui relève de la sexualité consentie est difficile à tracer. C’est la fameuse zone grise où l’on consent à un rapport sexuel, mais on ne le désire pas réellement.

Cette situation arrive le plus souvent à des femmes. Elles acceptent un rapport sexuel parce qu’elles veulent faire plaisir à leur partenaire. Elles ont peur que l’autre se fâche, alors pour éviter des tensions et être tranquilles, elles disent oui.

Lyne Chantal Boudreau : Il y a des rapports de pouvoir dans la sphère privée. Une femme peut se sentir obligée d’avoir une relation sexuelle avec son conjoint, car elle est émotionnellement engagée avec lui. Cela peut causer des souffrances et des injustices.

De manière générale, trop d’ambiguïtés perdurent autour de la notion de consentement. Le concept ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. La société a besoin d’urgence d’une définition claire et acceptée par tous.

Vous évoquez des hommes entreprenants et des femmes qui finissent par céder. Le scénario se déroule-t-il toujours ainsi ?

Catherine Meek-Bouchard : Beaucoup de rapports de domination, fondés sur le genre, influencent les raisons pour lesquelles nous avons et nous consentons à des relations sexuelles, influencent notre manière d’interagir sexuellement.

Nous vivons dans une société hétéronormée dans laquelle on attend des hommes qu’ils initient les rapports sexuels et des femmes qu’elles y consentent. Ce sont en quelque sorte les gardiennes du consentement.

Ce scénario repose sur des normes de genre selon lesquelles les filles sont gentilles, sensibles et prennent soin des autres, tandis que les garçons sont forts, affirment leur puissance et leur indépendance.

On doit collectivement reconnaître et remettre en question ces normes de genre et ces attentes sociales autour de la sexualité, offrir d’autres modèles et représentations.

Lyne Chantal Boudreau : À cet égard, l’éducation à la sexualité et au consentement dès le plus jeune âge est essentielle. Les jeunes doivent savoir comment exprimer leur consentement, refuser une relation sexuelle. C’est la meilleure façon de minimiser les risques d’agression et de viol.

Il faut aider les enfants à connaître leurs limites, leur donner confiance en eux et en leur parole. Les aider aussi à mieux identifier les gestes mal intentionnés. Sinon ils vont trouver des moyens de s’éduquer par eux-mêmes sur internet et les réseaux sociaux. C’est là que les risques sont les plus grands.

 

 

 

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Photos

 

Catherine Meek-Bouchard, dont la recherche doctorale porte sur le consentement sexuel, est membre de la Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur de l’Université du Québec à Montréal.  (Photo : Gracieuseté)

 

Lyne Chantal Boudreau est professeure en éducation à l’Université de Moncton.  (Photo : Gracieuseté)

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  • Date de création 26 septembre, 2023
  • Dernière mise à jour 26 septembre, 2023
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