Le secteur touristique à l’Île-du-Prince-Édouard dans le brouillard

Y aura-t-il une saison touristique à l’Île-du-Prince-Édouard? Le gouvernement, comme les acteurs de cette industrie majeure, l’espère. Mais pour le moment, c’est le flou, et tous naviguent à vue.

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Laurent Rigaux

Initiative de journalisme local - APF – Atlantique

Angie Cormier, propriétaire des Maisons de bouteilles à Cap-Egmont, doit «tout repenser» avec la crise. Les dépenses et le plan d'exploitation doivent être revus. «Je m'inquiète pour mes employés qui sont des travailleurs saisonniers et pour les étudiants, si la saison est réduite, dit-elle. C'est inquiétant et stressant.»

Arnold Smith, président des Amis de la Banque des fermiers à Rustico, espère de son côté une ouverture «fin juillet». Mais même si le monument ouvre, certaines activités ne pourront pas avoir lieu, comme les conférences du soir. «D’habitude, il y a 35 à 40 personnes, mais nous n’avons pas la place pour les installer en respectant les distances de sécurité, explique le responsable. C’est difficile de planifier des événements où les gens ne sont pas proches les uns des autres».

Plus de 2 600 entreprises touchées

Ces soirées sont parmi les événements clés pour attirer les touristes, qui s’arrêtent rarement en chemin pour visiter la Banque des fermiers. «La culture n’est pas l’activité principale des vacanciers. Ils viennent pour la plage, note Arnold Smith, réaliste. C'est pour cela qu’on organise ces animations.» L’autre élément majeur sont les groupes, qui arrivent principalement par autobus des États-Unis. On en prévoyait environ 70 à  Rustico cet été. La frontière étant fermée, c’est autant de visiteurs en moins.

Le secteur touristique à l’Î.-P-.É. représente plus de 2 600 entreprises et environ 8 600 travailleurs à temps plein, nous disent les données de la province. Selon la «mise à jour économique» publiée au début du mois d’avril, les autorités s’attendent à une perte de 5 300 emplois dans l’hébergement et la restauration au mois de mai. Quelles sont les hypothèses derrière ce chiffre? La province n’en dit mot et se contente de rappeler l’évidence : «Nous vivons une période inédite. Nous espérons cependant avoir une saison touristique et c’est sur ça que nous travaillons».

Des prêts et du marketing

Mi-avril, le gouvernement a annoncé des mesures de soutien. «J’ai le coeur brisé pour l’industrie touristique», avait dit en préambule Matthew MacKay, ministre de la Croissance  économique, du Tourisme et de la Culture. Le secteur s’attendait en effet à une année record en  2020. Un fonds de 50 millions de dollars a donc été créé pour l’aider à traverser les turbulences. L’aide prend la forme de prêts pouvant aller jusqu’à un million de dollars à 4 % d’intérêts et remboursables dans 18 mois. Un autre programme de 10 millions de dollars est dédié aux entreprises pour les aider à rembourser les intérêts de leurs  prêts en cours.

Le président des Amis de la Banque des fermiers exprime des doutes quant à ces mesures. «Si nous empruntons de l’argent, il faudra le rembourser, observe-t-il. Les prêts sont utiles pour les restaurants par exemple, qui peuvent continuer à préparer des mets  à emporter. Je ne vois pas le gouvernement nous donner de l’argent. Il nous faudrait peut-être des subventions ou des aides financières pour apporter des améliorations», propose Arnold Smith.

Un million de dollars sont également mis sur la table pour des activités de marketing et de recherche. «Bien que la reprise semble encore lointaine, nous nous préparons avec des études de marché pour adapter notre offre et développer des campagnes de marketing afin d’inciter les Insulaires et les visiteurs à explorer l'Île-du-Prince-Édouard tout au long de l’année», expliquent les autorités. Le ministre MacKay a confirmé, le 16 avril, que l’objectif est d’étendre la saison à l’automne pour qu’elle dure le plus longtemps possible.

Angèle Barriault, directrice par intérim du Musée acadien de l’Île-du-Prince-Édouard à Miscouche, s’interroge : «Est-ce que les gens auront peur de voyager ou, au contraire, voudront s’évader?» Elle ne se lance pas dans des prédictions, mais estime qu’il y aura «une clientèle plus proche, de l’Île et de la région atlantique.» En temps normal, le musée reçoit des touristes des États-Unis et d’Europe. Comme à la Banque des fermiers, Angèle Barriault ne pourra pas maintenir les causeries organisées par le musée l’été si les rassemblements ne sont pas permis.

«Vous pouvez promouvoir l’Île autant que vous voulez, s’il n’y a pas de saison touristique, ça ne sert à rien», s’inquiète de son côté Arnold Smith. Il considère que si la Banque des fermiers n’ouvre pas du tout, les pertes seront minimes. En revanche, si le monument ouvre et doit fermer à nouveau parce que l’épidémie repart, ce sera bien plus compliqué à gérer selon lui.

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PHOTO :

PHOTO MacKAY : Matthew MacKay, ministre de la Croissance économique, du Tourisme et de la Culture de l'Île-du-Prince-Édouard.

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  • Date de création 25 avril, 2020
  • Dernière mise à jour 25 avril, 2020
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