Le raid sur Dieppe exploré par un cinéaste français

La première canadienne du documentaire « Dieppe 42, la mémoire tourmentée » a eu lieu dimanche 30 octobre au Centre des arts et de la culture de Dieppe. Ce moyen métrage de 52 minutes lève un coin de voile sur des traumatismes pouvant traverser les générations.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

  

L’opération Jubilée s’est déroulée il y a 80 ans et fut commémorée en grand, l’été dernier, des deux côtés de l’Atlantique. Au bord des plages de Normandie, le souvenir est vif. Celles et ceux qui, enfants, ont vécu l’événement aux premières loges, maintiennent la flamme du souvenir contre vents et marées. Il n’est pas surprenant qu’un natif de ce pays, imprégné des histoires qu’on lui a racontées, ait voulu creuser le sujet pour en extraire la substantifique moelle.

Cet homme, c’est Laurent Mathieu. Dans un documentaire qui dure un peu moins d’une heure, il revient sur ce fait d’armes relativement méconnu. Ce déficit de notoriété est lié au fait qu’il s’agit d’un échec sur le plan militaire. Un échec dont les leçons ont toutefois contribué au succès de l’Opération Overlord le 6 juin 1944, et qui fut, en quelque sorte, transcendé en Acadie par la fondation de la ville de Dieppe il y a 70 ans. Les galets du cénotaphe de Dieppe (N.-B.) proviennent de la plage de Dieppe en France.

Le cinéaste fait un retour sur le raid que les alliés ont tenté le 19 août 1942. Pour le Canada, le raid manqué constitua la bataille la plus meurtrière pour nos soldats. Plus de 900 d’entre eux tombèrent sur les côtes normandes. De nos jours, les principaux acteurs de ce drame épique ont tous disparus, mais il reste des souvenirs conservés par les familles, comme ces lettres qu’envoyait Robert Boulanger (1924-1942) à ses parents. Le jeune homme, à peine âgé de dix-huit ans, était la plus jeune recrue enrôlée pour cette mission. Il en fut aussi la plus jeune victime.

Un été 42, ce n’est pas seulement un film romantique avec Jennifer O’Neill. Cet été-là, le passage à l’âge adulte prit une tournure dramatique pour bien de nos jeunes, fauchés comme les blés lors de la moisson. Nombreux furent les survivants qui, de retour au pays, se murèrent dans un long silence qu’on identifie de nos jours comme l’un des symptômes du syndrome du stress post-traumatique.

Certains survivants de cette épopée dramatique ont quitté ce monde en emportant les souvenirs qui hantaient leur âme, refusant d’évoquer ce qu’il s’était passé ; mais leur souffrance a fait tache d’huile et, malgré eux, ils l’ont communiquée à leur entourage. La mémoire cellulaire du traumatisme vécu par les défunts circule dans l’ADN des membres de leurs familles.

Avec « Dieppe 42, la Mémoire Tourmentée », Laurent Mathieu a abordé plusieurs thématiques qui résonnent fortement en lui. Entre autres, la question de l’engagement à l’épreuve du réel, le poids de l’individu face au collectif, les origines des traumatismes, l’ouverture vers d’autres cultures. Le tout en relation avec le territoire, avec les espaces vécus qui portent les stigmates de toute présence humaine.

« Passeurs » de mémoire

La projection fut suivie d’une séance de questions/réponses avec le public présent. La nécessité de transmettre la mémoire aux jeunes générations y fut plusieurs fois abordée. Le maire de Dieppe, Yvon Lapierre, figure dans le film. On le voit discuter avec Nicolas Langlois, son homologue de la ville éponyme.

L’été dernier, M. Lapierre a revu des jeunes français autrefois en situation d’échec scolaire. Lorsqu’ils sont venus en Acadie, ils étaient fermés comme des huîtres. Depuis, ils se sont ouverts sur le monde. Il regrette que la pandémie ne lui ait pas permis d’emmener de jeunes acadiens dans sa délégation en août dernier.

« A chaque fois qu’on amenait des jeunes en France, après ça il y en avait toujours un ou une qui rejoignait les Forces armées canadiennes », révèle-t-il.

La jeunesse est le cœur de cible d’une campagne de sensibilisation dans le cadre de la transmission de la mémoire, pour ne jamais oublier.

« Ce film devrait être montré aux élèves de la province, dont les ancêtres ont combattu sur les plages de Normandie, dit le consul général de France, Johan Schitterer. Nous avons le projet de le faire diffuser dans les écoles des districts scolaires du Nouveau-Brunswick. »

 

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Photos

 

Titre : Ronald Cormier

Légende : Ronald Cormier devant le cénotaphe de la Place 1604 à Dieppe, sur lequel on distingue des galets en provenance de la plage française.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

 

Titre : Maires de Dieppe

Légende : Yvon Lapierre et son homologue de Dieppe en France, Nicolas Langlois, en pleine conversation par visioconférence.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

 

Titre :  Consul

Légende : Le consul général de France ambitionne de diffuser le film dans les écoles de la province pour sensibiliser la jeunesse.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

 

 

Un bisou coquelicot pour les enfants et leurs grands-parents

La séance fut précédé de la présentation d’une bande-dessinée intitulée « Un bisou coquelicot » et publiée chez Bouton d’or Acadie. Écrit par Marie-France Comeau et illustré par Jean-Luc Trudel, il est paru le 7 septembre 2022.

Il raconte l’histoire d’une petite fille, Aly, qui passe le jour du Souvenir avec son arrière-grand-père. Béret sur la tête et médailles bien alignées sur sa poitrine, l’aïeul est la personnification du vétéran. Une médaille à la fois, Aly découvre ce que son ancêtre a vécu en Normandie, mais aussi l’origine et la signification du coquelicot et l’importance que revêt cette journée.

Dans le livre, des images d’archives côtoient les illustrations dessinées. Au nom de Bouton d’or Acadie, Marie Cadieux a révélé au public un échange culturel important. En partenariat avec une maison d’édition française, « Un bisou coquelicot » est diffusé en France.

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Photos :

Titre : Coquelicot

Légende : Le présentoir utilisé par Marie-France Comeau contient de nombreux artefacts de la guerre, mais aussi de nombreux coquelicots.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

 

Titre : Coquelicot 2

Légende : Marie-France Comeau a interprété le récit de son livre en faisant notamment défiler les images que l’on voyait en même temps sur le grand écran de La Caserne.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

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  • Date de création 9 novembre, 2022
  • Dernière mise à jour 9 novembre, 2022
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