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Le racisme systémique au Canada : le gazon est-il plus vert que chez nos voisins?

Le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd par un policier à Minneapolis a placé la question du racisme systémique au centre de la conversation nationale en l'Amérique du Nord. Au Canada, cet événement a fait ressortir les inégalités économiques et sociales sous-jacentes qui minent la qualité de vie des communautés racialisées et des peuples autochtones. Suite à des incidents entre la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des membres des peuples autochtones et un an après la fin de l’enquête sur les femmes autochtones disparues, peut-on affirmer qu’au Canada, les peuples autochtones ont la place des Noirs aux États-Unis?

Geneviève Bousquet

Initiative de journalisme local – APF - Ouest

Des inégalités bien enracinées

 Selon la professeure adjointe au programme de Common Law français à l’Université d’Ottawa et avocate en droits de la personne, Anne Levesque, , il est possible de faire un parallèle entre la situation des Afro-Américains aux États-Unis et les Premières Nations au Canada. «En fait, la situation du racisme envers les Autochtones en général au Canada serait même plus grave, car on a un historique de colonialisme et les politiques du gouvernement sont carrément discriminatoires, dit-elle. Il y a un écart entre les services offerts aux non-Autochtones et aux Autochtones. Il y a l’héritage des écoles résidentielles et du colonialisme, mais s’est amplifié par des inégalités encore aujourd’hui dans les services, dans l’éducation, les soins de santé, l’aide à l’enfance, tous les services». Malgré des rapports annuels du vérificateur général du Canada qui jettent la lumière sur ces inégalités, le gouvernement n’a pas mis de plan en place pour y remédier.

Pour la vice-doyenne de la Faculté des Études Autochtones, professeur titulaire et directrice du centre de recherche Rupertsland sur les Métis de l’Université de l’Alberta, Nathalie Kermoal, , il est important de faire un retour en arrière dans l’histoire de notre pays pour comprendre d’où viennent ces attitudes discriminatoires envers les peuples autochtones. «Au Canada, par exemple, la Loi sur les Indiens qui enlevait et enlève encore beaucoup de droits aux individus gère toute la vie quotidienne, de la vie à la mort, des Autochtones, affirme-t-elle. Il n’y aucun autre groupe au Canada qui soit tombé sur une loi équivalente. Ça en dit long ». Cela démontre que le racisme envers les Premières Nations a des racines bien profondes. «Même si les gens ne connaissent pas les Autochtones, n’ont pas de contact avec les Autochtones, ils ont déjà une idée de qui sont les Autochtones, poursuit-elle. On va se référer à des stéréotypes. C’est très difficile d’essayer de déconstruire ces images-là.»

Crise sanitaire et discrimination

En temps de pandémie, ces inégalités sont encore plus visibles. «Dans la réponse à la COVID-19, si on regarde le budget de ce qui a été donné par le gouvernement aux Canadiens non-autochtones et aux Autochtones, les Autochtones ont reçu 1% du budget COVID alors qu’ils représentent 5% de la population», explique Anne Levesque. Ils sont plus à risque parce qu’ils n’ont souvent pas accès à de l’eau potable pour se laver les mains dans les réserves. De plus, en raison d’une pénurie de logements, il est quasi impossible de pratiquer la distanciation sociale. Donc, il est plus difficile pour eux de mettre en place des pratiques saines pour éviter une éclosion, mais ils ne reçoivent pas le financement nécessaire pour pallier à ces difficultés.

Des chiffres qui ne mentent pas

 Selon Nathalie Kermoal, il est important de regarder les statistiques qui portent sur la population autochtone en milieu carcéral. Bien qu’ils ne forment que 6% de la population en Alberta, les individus issus des communautés autochtones représentent 41% de la population incarcérée de la province. Des nombres qui démontrent une surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel albertain. Cette proportion a augmenté de 6% en dix ans dans la province, selon le ministère de la Justice du Canada. «Il faut se demander à quoi ça renvoie, déclare-t-elle. Il y a le fait aussi qu’on a des cas de meurtres ou de violence régulièrement à l’égard des Autochtones au Canada, soit aux mains de la police ou de citoyens canadiens qui ont l’air de penser que la vie d’un Autochtone, ça ne compte pas.»

En ce qui concerne la situation des enfants autochtones, les statistiques sont alarmantes. Anne Levesque rapporte qu’il y a présentement environ trois fois plus d’enfants placés dans des familles d’accueil hors des réserves qu’à l’époque des écoles résidentielles. «Donc, toute une autre génération d’enfants sont privés de leur langue, de leur culture, de leur communauté et ce sont nos enfants qui devront s’excuser pour ça», constate-t-elle.

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  • Date de création 22 juin, 2020
  • Dernière mise à jour 22 juin, 2020
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