Le premier et le dernier exemplaire de l’Évangéline en exposition permanente au Cercle des journalistes

L’Évangéline est encore bien présente dans les mémoires. Anciennes et anciens employés du journal, disparu il y a quarante ans, ont assisté samedi au Cercle des journalistes à une cérémonie en hommage à la publication acadienne.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

  

Évangéline : un nom qui appartient à la mythologie acadienne à plus d’un titre. Le prénom de l’héroïne du poème épique de Henry Wadsworth Longfellow fut choisi, il y a de cela 135 ans, par Valentin Landry pour devenir celui d’un journal grâce auquel il voulait éduquer le peuple acadien et lui « ouvrir les sentiers de l’avenir ». Le premier numéro sortit des presses le 23 novembre 1887 à Digby (Nouvele-Écosse). Deux ans plus tard, le journal déménagea à une bonne trentaine de kilomètres de là pour s’installer à Weymouth. Ce n’est qu’en 1905 que l’Évangéline se fixa pour de bon à Moncton.

«Journal de combat qui a appuyé toutes les démarches sociétales chères au peuple acadien, l’Évangéline a eu comme mission la défense et l’avancement de la cause acadienne », a évoqué samedi dernier Normand A. Léger, journaliste sportif au Moniteur Acadien, en donnant un aperçu historique de la publication au début de la cérémonie de reconnaissance. « Les hommes et les femmes qui ont œuvré à l’Évangéline et à l’Imprimerie acadienne ont toujours eu cette cause à cœur, même au prix de grands sacrifices personnels.»

«Les différentes générations de rédacteurs en chef, éditorialistes, de chef de pupitre et de journalistes ont tous maintenu cet idéal. Ils et elles exercèrent des choix : choix de cause à appuyer, de reportages, de suivis, de titres, de grands titres à la une et d’éditoriaux aux prises de position fermes», a-t-il poursuivi, soulignant au passage que ces choix n’ont pas toujours fait l’unanimité. Des paroles qui résonnent certainement dans le cœur et l’âme des successeurs de ces pionniers.

Au cours de son histoire presque centenaire, le journal connut à plusieurs reprises des difficultés financières. L’épiscopat l’avait même pris en main pendant plusieurs décennies, de 1910 jusqu’aux années 60. La visite d’une délégation acadienne à Paris en 1968 eut pour effet de sensibiliser le général de Gaulle, alors président en exercice, à la cause acadienne. La France fit don à l’Évangéline de généreux équipements, dont une presse rotative. Louise Imbeault, qui y commença sa carrière au sortir de ses études, s’en souvient. Elle évoque les locaux situés 567-569 rue Main à Moncton, dans un édifice classé au patrimoine de la ville depuis 1996.

«La vieille presse était dans le sous-sol et je pense qu’elle est encore là. Quand la France a donné une nouvelle presse rotative, le journal a déménagé sur la rue Church dans ce qu’on appelait l’Académie», raconte celle qui était cheffe des nouvelles en 1974 lorsque l’Évangéline a fêté son 25e anniversaire comme quotidien. Avant 1949, le journal était un hebdomadaire.

Récipiendaire d’une bourse France-Acadie, Louise Imbeault a suivi des études à l’École supérieure de journalisme de Lille. «J’avais eu une bourse parce que l’Évangéline avait besoin de journalistes. Il y avait un élément de cause à effet, alors quand je suis revenue de Lille je suis allée proposer mes services au journal, qui m’a embauchée. À ce moment-là, il y avait trois coopérants français qui travaillaient au journal.»

Une disparition regrettée

L’Évangéline a connu une fin brutale en septembre 1982, peu avant son 95e anniversaire, terrassée par une querelle interne entre la direction et le syndicat. La publication suspendue, les contrats publicitaires ont été progressivement annulés et le journal ne s’est jamais relevé. Une perte ressentie dramatiquement par son lectorat pour la continuité de l’histoire du peuple acadien et de la langue française, d’après un ancien fidèle lecteur.

«Une étude du gouvernement Hatfield suggérait de recommencer à neuf. Ensuite il y a eu Le Matin, qui a duré environ deux ans, puis l’Acadie Nouvelle a pris le relais. Là-bas, à Caraquet et dans la Péninsule, les gens ont décidé de supporter financièrement leur journal. D’après moi, c’est ce qui a fait la différence», mentionne Bernard Poirier, qui fut éditorialiste en 1959 puis rédacteur en chef de l’Évangéline de 1964 à 1967.

Initialement appelée à desservir les trois Provinces maritimes, l’Évangéline se concentra finalement sur les territoires du Sud-Est et du Nord-Est du Nouveau-Brunswick. De nos jours, ces régions abritent respectivement les sièges sociaux du Moniteur Acadien (hebdomadaire) et de l’Acadie Nouvelle (quotidien).

«Je pense que la presse écrite et les autres médias ont toujours leur place dans le monde des communications», confie Louise Imbeault qui n’éprouve pas de nostalgie pour la belle époque des journaux. «C’est important de pouvoir compter sur des personnes qui surveillent l’actualité, choisissent les éléments importants et nous indiquent où sont, au-delà de nos intérêts personnels, nos intérêts de citoyens et citoyennes pour savoir prendre des décisions en démocratie.»

Les premières pages du premier et du dernier numéro de l’Évangéline sont exposées de façon permanente dans un salon du Cercle des journalistes, boulevard Assomption à Moncton.

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Photos

Titre : Anciens

Légende : Anciennes et anciens employés de l’Évangéline. De gauche aa1 droite : Emery Melanson, Louise Imbeault, Anne LeBlanc, Bernard Poirier, Paul-Émile Thériault, Laurie LeBlanc et Normand Léger.

Crédit : Gracieuseté

Titre : Dévoilement

Légende : Louise Imbault, ancienne directrice de la rédaction du journal l‘Évangéline, Léo-Paul Léger, membre cercle des journalistes de Moncton et instigateur du projet de placer deux encadrés de l’Évangéline dans la collection du club; Bernard Poirier, président du comité des anciennes et anciens employés pour l’installation des encadrés et Ross MacKay, président par intérim du Cercle des Journalistes.

Crédit : Normand A. Léger

Titre : Première édition

Légende : L’encadrement de la première édition, publiée à Digby (N.-É.) en 1887.

Crédit : Normand A. Léger

Titre : Évangéline Louise

Légende : Louise Imbeault devant la première page de la dernière édition de l’Évangéline, parue en 1982.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

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  • Date de création 18 mai, 2023
  • Dernière mise à jour 18 mai, 2023
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