Le nombre de sans-abris augmente à Whitehorse

La directrice de l’organisme Coalition anti-pauvreté du Yukon, Kristina Craig, a partagé les résultats du décompte des personnes sans domicile à Whitehorse lors d’une conférence de presse le 13 septembre dernier. Dans la nuit du 18 avril 2023, on a dénombré 197 personnes dans cette situation. C’est plus qu’en 2021, où le nombre de sans-abris s’élevait à au moins 151.

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Gwendoline Le Bomin

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

 

Le Reaching Home Community Advisory Board, la Safe at Home Society et 21 bénévoles ont procédé au quatrième dénombrement des sans-abris à Whitehorse les 18 et 19 avril derniers. « On essaye de prendre en une nuit une photo de la situation actuelle de l’itinérance de la ville », explique Anthony Boisvert, coordonnateur à Safe at Home.

Il nuance toutefois : « On a compté 197, mais sur notre liste, on compte plus de gens [250], car en un soir c’est sûr qu’on en manque. Notre liste d’ailleurs est modifiée tous les jours. »

Dans le rapport de l’organisme publié le 13 septembre, on peut lire que sur les 197 sans-abris, « dix personnes n’étaient pas abritées (vivant dans la rue, dans des véhicules ou des tentes) et 65 personnes étaient hébergées d’urgence dans l’un des trois refuges locaux. En outre, 109 personnes étaient provisoirement hébergées dans des logements de transition, à l’hôtel, chez quelqu’un d’autre ou dans un établissement public tel que le Centre correctionnel de Whitehorse, l’Hôpital général de Whitehorse ou dans le cadre d’un programme des Services de bien-être mental et d’utilisation de substances psychoactives. Treize personnes n’étaient pas sûres de l’endroit où elles allaient passer la nuit du comptage ».

Dans le même rapport, on apprend que 58 % des personnes s’identifient comme des hommes, 38 % comme des femmes et 4 % comme un autre genre. Toutefois, Anthony Boisvert nuance : « 60 % des personnes qui ont répondu au sondage s’identifiaient comme des hommes, mais je pense que c’est plus 50-50 le vrai chiffre, ce sont peut-être même plus des femmes, car l’itinérance des femmes est toujours un peu plus invisible. »

La faute au logement, mais pas que…

Anthony Boisvert poursuit : « On remarque que les chiffres augmentent. Il y a une grande insécurité partagée à Whitehorse et au Yukon par rapport au logement. C’est un problème social généralisé. »

Néanmoins, selon le coordonnateur, la cause principale du sans-abrisme à Whitehorse serait « les traumas causés par le colonialisme. En effet, 90 % de la population itinérante s’identifie comme Première Nation, Inuit, ou Métis. »

« Même si 500 maisons sont construites demain, les gens qui ont vécu des traumas ne sont pas prêts à vivre dans une maison. Il se peut aussi que la maison ne soit pas adaptée à leur culture, ou à leur mode de vie », ajoute Anthony Boisvert.

« Depuis deux ans, je constate avec mes collègues que la situation évolue moyennement, car il y a un système en place qui est profondément colonial. On ne promeut pas assez le leadership des Premières Nations pour avoir un regard sur cette situation. »

Quant aux actions de Safe at Home, le coordonnateur admet : « Je pense qu’on est loin d’être parfaits, mais on essaye autant que possible de travailler de manière la plus anticoloniale possible. On essaye de promouvoir des activités des Premières Nations, de faire de la publicité pour leurs événements, on est en contact avec leurs travailleurs tout le temps et ils viennent souvent faire des tours ici. »

Comprendre la situation de l’itinérance

Anthony Boisvert rappelle que « très bientôt, il va être impossible de vivre à l’extérieur à Whitehorse, et ce jusqu’en mars prochain. Donc pendant sept à huit mois de l’année, les gens sont forcés de se mettre dans des positions de vulnérabilité. Les gens doivent chercher un logement d’urgence au shelter du centre-ville alors qu’en ce moment c’est un milieu que les gens cherchent à éviter parce qu’il est reconnu comme un endroit plutôt violent. C’est surtout un dernier recours pour les femmes ».

Il ajoute que « les gens vont avoir des stratégies de survie qui vont les amener à vivre dans des hôtels insalubres, chez des amis, ou d’échanger un loyer contre du sexe. Peu de personnes à Whitehorse font de l’itinérance par choix. La grande majorité des personnes prendrait un logement sécuritaire si elles le pouvaient. »

Anthony Boisvert mentionne aussi la complexité de l’itinérance et fait référence au traitement médiatique de la fermeture de l’Alpine Bakery : « J’ai l’impression qu’on est encore tombé dans la stigmatisation. On sous-entend que c’est leur faute [aux sans-abris] et que ce problème devrait être juste mis ailleurs. Je ne suis pas d’accord, je pense que justement, ça devrait nous faire lever des drapeaux rouges. »

« Je suis conscient qu’il y a des comportements qui rendent le secteur un peu insecure, mais il faut se poser la question pourquoi ces comportements arrivent, de quelle manière on veut gérer ces problèmes et pourquoi on est rendus là. Je pense qu’il y a eu plusieurs étapes de prévention qu’on n’a pas faites avant et qu’on se ramasse alors à avoir tous ces gens dans le besoin aujourd’hui. »

Il conclut que « l’itinérance à Whitehorse est un problème sérieux et grave et qu’il faut y faire face et ne pas essayer de le fuir ou de l’ignorer ». Il souhaiterait que « tout le monde mette un peu du sien pour changer la situation. Le gouvernement ne doit pas être le seul à changer l’itinérance. Ça passe aussi par les citoyens de faire attention, d’arrêter de stigmatiser et d’avoir des préjugés sur cette population ».

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Photos

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Légende : Selon la directrice adjointe de Safe at Home, Kate Mechan, l’organisme dispose d’un financement confirmé jusqu’à la fin du mois de mars pour mener à bien le projet de logement temporaire à l’ancien hôtel High Country Inn, en cours depuis le mois de janvier de cette année.

Photo : Gwendoline Le Bomin

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  • Date de création 13 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 11 octobre, 2023
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