Le logement abordable, une ruée vers l’or pour les personnes âgées

En marge de la pénurie de logements locatifs en Alberta et de la montée en flèche des coûts de chauffage et d’électricité, les personnes âgées qui perçoivent un revenu fixe ou qui sont peu fortunées se trouvent confrontées à des difficultés croissantes. Les résidences à loyer modique sont de plus en plus sollicitées, à la fois par des demandeurs francophones et anglophones, mais offrent une solution viable pour autant qu’il y ait des places disponibles.

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Le tableau d’ensemble semble préoccupant : en Alberta, le taux de croissance annuel des loyers pour les appartements construits à des fins locatives et pour les condominiums a atteint 15,3% en septembre dernier. En outre, le prix moyen d’un loyer pour un appartement s’élève maintenant à 1663$, indique Rentals.ca dans son dernier rapport. Pour mettre ce chiffre en perspective, en septembre 2022, le prix moyen d’un logement affiché était estimé à 1367$.

Cette tendance à la hausse se reflète inévitablement sur les logements destinés spécifiquement aux personnes âgées. Par exemple, l’entreprise sans but lucratif Silvera for Seniors, située dans le sud-ouest de Calgary, a annoncé à ses locataires une augmentation de 46% du coût de leurs appartements abordables en septembre, comme le rapportait le Calgary Herald. Une situation qui est loin d’être unique dans la province et qui accentue la pression sur les aînés, soutient Jean Fournet, trésorier de la Société Franco-Canadienne de Calgary (SFCC).

«Les gens qui ont un revenu fixe à travers le Régime de pensions du Canada et la pension de la Sécurité de la vieillesse ont souvent très peu d’autres actifs à leur nom. Ça cause un énorme problème parce que les loyers continuent à augmenter tout comme le coût de la vie», analyse-t-il.

Assis entre deux chaises

À la villa Jean-Toupin, une résidence dont la SFCC est propriétaire et qui a pour mission d’offrir des appartements abordables à des francophones de 65 ans et plus, les loyers ont connu une augmentation de «seulement» 6,9 % en avril dernier. Cependant, cette hausse ne suffit pas à couvrir les dépenses de la société sans but lucratif. «Nous allons faire une perte», lance Jean Fournet. Il pointe ainsi vers une autre pièce du casse-tête. Certains propriétaires se trouvent face à un dilemme déchirant : ils cherchent tant bien que mal à maintenir des loyers abordables pour leurs locataires, mais doivent aussi faire face à des coûts croissants qui pèsent sur leurs finances.

«Dans notre cas, nous fournissons le logement, mais nous payons aussi pour l’eau, l’électricité, le chauffage, les réparations. Ces services subissent une inflation incroyable depuis un an», témoigne le trésorier de la SFCC. Face à cette situation, la villa Jean-Toupin n’aura d’autres choix que d’augmenter à nouveau le prix de ses loyers. «On peut se permettre de perdre de l’argent pendant un an, mais éventuellement on devra s’ajuster. Nos opérations doivent au moins être au seuil de la rentabilité», ajoute Jean Fournet.

Néanmoins, l'espoir est de maintenir cette prochaine hausse aussi basse que possible puisque les locataires de la résidence n’ont pas les moyens de supporter une augmentation importante. En moyenne, ils perçoivent un revenu annuel de 25 000$, une somme insuffisante pour accéder au marché traditionnel du logement. «Nos loyers sont très bas pour l’industrie, au moins 40 ou 50% moins chers que les bâtiments privés», rappelle le trésorier.

Quand je me compare, je me console

À Edmonton, la situation n’est pas bien différente de celle de Calgary. La Société des Manoirs Saint-Joachim et Saint-Thomas, qui propose deux résidences aux aînés d’expression française, a vu la demande pour ses services augmenter depuis deux ans. «Lorsqu’on est sortis de la pandémie, on a remarqué une recrudescence dans le nombre d’applications autant chez les francophones que chez les anglophones», souligne l’administrateur Roch Labelle.

Ce phénomène est complexe, explique-t-il, et il est dû à plusieurs facteurs dont les «pressions économiques, la hausse des loyers, l'inflation, ainsi que l'augmentation de la demande due à l'arrivée de nouveaux arrivants». Pour décrire la situation, Roch Labelle préfère d’ailleurs utiliser le terme «apocalypse» plutôt que «crise du logement». Il explique que la réalité est plus grave qu'on ne le pense, en particulier pour les personnes âgées à revenu fixe confrontées à une forte concurrence avec d'autres groupes vulnérables et peu nantis, tels que les étudiants et les nouveaux arrivants.

Dans ce contexte, il souligne que le réseau public de logement abordable pour les aînés présente des avantages par rapport au marché locatif traditionnel, surtout grâce aux critères de revenu. «La limite du revenu annuel pour se qualifier frôle presque un revenu de "basse classe moyenne". Je déteste utiliser ce terme, mais mon point, c’est qu’il y a plus de gens qu’on pense qui sont admissibles au logement abordable», note Roch Labelle. À Edmonton, les personnes âgées peuvent être admissibles avec un revenu individuel allant jusqu'à 44 000 $, tandis qu'à Calgary, cette limite s'élève à 49 000 $.

Tout comme à la villa Jean-Toupin, les loyers de la Société des Manoirs sont fixés à 30% des revenus des locataires. Roch Labelle lance d’ailleurs un appel aux aînés francophones en recherche de logements abordables à Edmonton. «Malgré la demande, nous avons des suites qui se libèrent régulièrement dans nos deux immeubles. Et on aimerait avoir encore plus de locataires d’expression française, alors gardez-nous en tête», dit-il.

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  • Date de création 18 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 18 novembre, 2023
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