Le gouvernement Ford veut donner plus de pouvoirs aux maires d’Ottawa et de Toronto

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Les maires d’Ottawa et de Toronto pourraient bientôt devenir des «maires forts»; le gouvernement Ford a l’intention d’accroître leurs pouvoirs.

Le premier ministre ontarien Doug Ford veut accorder aux maires des capitales fédérale et provinciale – Ottawa et Toronto – les pouvoirs dont bénéficient les «maires forts», un concept populaire aux États-Unis, qui leur confère une plus grande autorité. 

Le système actuel fait en sorte qu’un maire peut guider l’ordre du jour et nommer les présidents de comités, mais il ne bénéficie que d’un seul vote au sein du conseil, qui vaut sensiblement autant que ceux des conseillers municipaux autour de la table.

Il peut toutefois survenir que le vote du maire soit pourvu de la plus haute importance: celle de briser l’égalité. 

«Les maires de Toronto ou d’Ottawa sont redevables pour tout, mais leur vote compte pour une voix seulement au conseil», a d’ailleurs souligné Doug Ford en mêlée de presse, mercredi. 

Diffèrent d’un endroit à l’autre

Les droits conférés aux maires des villes où le concept de «maires forts» est en place diffèrent d’un endroit à l’autre.

Ils peuvent inclure des pouvoirs comme le droit de veto sur les votes du conseil, l’embauche et le licenciement des chefs de départements et la supervision du fonctionnement quotidien de la ville avec une branche exécutive, selon la National League of Cities, un organisme qui représente des municipalités américaines. 

Doug Ford a indiqué que les détails de son plan ne sont pas encore complets, mais que les pouvoirs qu’il veut attribuer aux maires, qui pourraient comprendre le droit de veto, ne pourront être annulés que par un vote des deux tiers du conseil municipal.

Le premier ministre souhaite que les changements entrent en vigueur à temps pour le prochain mandat des deux conseils municipaux.

Il a aussi fait savoir qu’il s’agira d’un projet-pilote pour les villes d’Ottawa et de Toronto qui serait ensuite étendu aux maires d’autres municipalités.

Crise du logement

Le ministère des Affaires municipales et du Logement a indiqué au Droit que cette mesure serait motivée par la crise du logement, qui persiste en Ontario, y compris dans les deux plus grandes villes de la province.

Le Parti progressiste-conservateur a promis de construire 1,5 million de logements au cours des dix prochaines années, mais les candidats n’ont jamais fait mention d’une mesure visant à faire des maires des «maires forts» pendant la campagne électorale, en mai dernier. 

Personne, parmi ceux qui se sont montrés en faveur de ce concept, n’a encore été en mesure d’expliquer comment des pouvoirs accrus conférés aux maires pourraient permettre d’augmenter l’offre de logements dans ces municipalités. 

Pas la première fois

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement Ford prévoit apporter d’importants changements au sein de conseils municipaux à la suite d’une élection provinciale sans en avoir parlé au préalable. 

Rappelons qu’en 2018, juste après avoir été élu et en pleine campagne électorale municipale, Doug Ford avait unilatéralement réduit de moitié la taille du conseil municipal de Toronto.

Il avait justifié sa décision en affirmant que le conseil était dysfonctionnel en raison d’un trop grand nombre d’élus (44 conseillers municipaux) et qu’il fallait le réduire à 25.  

Il disait aussi que cette reconfiguration allait permettre d’épargner 25 millions aux électeurs.

Même si Doug Ford avait assuré qu’il n’avait pas l’intention de toucher au conseil municipal d’Ottawa, le maire de la capitale fédérale Jim Watson s’était vivement opposé à cette décision prise dans la ville reine. 

Jim Watson, qui ne se représentera pas aux élections municipales du 24 octobre, n’a pas encore commenté le nouveau plan du gouvernement Ford.

À Toronto

Le maire de Toronto John Tory défend quant à lui depuis plusieurs années le concept de «maire fort», et juge qu’il a besoin de plus que des pouvoirs «symboliques».

Il a affirmé, mercredi, qu’il avait glissé un mot à cet effet au premier ministre lors de leur rencontre, au mois de juin.

«En fin de compte, quoi qu’il arrive, mon travail reste le même, soit de travailler avec le conseil municipal et chaque élu qui veut travailler avec moi pour faire avancer les choses pour les Torontois», a assuré le maire Tory, dans une déclaration publiée mercredi.

Le NPD réagit

Le porte-parole du NPD ontarien en matière d’affaires municipales Jeff Burch se demande pour sa part «pourquoi le premier ministre Doug Ford a gardé secret son plan de “maire fort” tout au long de la campagne».

«Pourquoi ne consulte-t-il pas les municipalités ou les gens qu’elles représentent? Il est déconcertant que Ford se concentre sur le fait de donner plus de pouvoir à deux maires, au lieu de travailler à donner aux municipalités un soutien qui aiderait réellement les gens — comme un meilleur financement pour le logement, la santé publique, les soins de longue durée et le transport en commun», a réagi le député néo-démocrate.

«Il s’agit d’un geste antidémocratique qui éloigne la prise de décisions des résidents et de leur représentant au conseil», a regretté Catherine McKenney, qui représente actuellement le quartier Somerset et qui se présente à la Mairie d’Ottawa.

«Responsabiliser les gens»

Catherine McKenney est d’avis qu’il ne faut pas «centraliser le pouvoir», mais bien «responsabiliser les gens». 

«En tant que maire, ma priorité absolue sera de travailler en collaboration avec tous les membres du conseil pour rendre la vie sûre, fiable et abordable à tous les Ottaviens, a quant à lui déclaré le candidat Mark Sutcliffe, sur les réseaux sociaux. Je suis prêt à travailler au sein du système actuel pour établir le consensus dont notre ville a besoin.»

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  • Date de création 20 juillet, 2022
  • Dernière mise à jour 20 juillet, 2022
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