Le gouvernement Ford annulera sa loi 124

La loi du gouvernement de Doug Ford sur le plafonnement des salaires des employés du secteur public était inconstitutionnelle, a tranché la Cour d’appel de l’Ontario, lundi, dans une décision à deux voix contre une. La province a annoncé qu’elle ne contesterait pas ce jugement et qu’elle a l’intention d’abroger la loi.
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Émilie Gougeon-Pelletier
IJL – Réseau.Presse – Le Droit

Adoptée en 2019 par le gouvernement Ford, la loi 124 limitait à 1% les augmentations salariales annuelles, pendant trois ans, de plus d’un million de travailleurs du secteur public, y compris des fonctionnaires, des infirmières et des enseignants.
Des syndicats avaient saisi les tribunaux de l’affaire, soutenant qu’elle contrevenant à leur droit à la négociation collective, et la Cour supérieure leur avait donné raison en la jugeant inconstitutionnelle, en 2022.

Le gouvernement ontarien avait par la suite fait appel de la décision.
«L’Ontario n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi la modération salariale n’aurait pas pu être obtenue grâce à des négociations de bonne foi», peut-on lire dans la déclaration de la Cour d’appel de la province.
Les progressistes-conservateurs, qui voulaient réduire la dette de la province, estimaient que cette mesure était nécessaire pour y arriver.
«En imposant un plafond à toutes les augmentations de rémunération sans aucun mécanisme pratique pour demander des exemptions, les effets néfastes de la loi l’emportent sur ses effets salutaires», indique le tribunal.

Depuis la décision de la Cour supérieure de l’Ontario, plusieurs syndiqués qui avaient été touchés par la loi ont obtenu des hausses salariales rétroactives, en arbitrage.
Par ailleurs, la Cour d’appel a néanmoins conclu que le juge de la Cour supérieure avait commis une erreur en annulant l’intégralité de la loi 124.
Lorsqu’il avait été adopté, ce document législatif était applicable tant pour les syndiqués de l’État que pour ceux qui ne sont pas représentés par une association.
Or, la Cour d’appel a conclu que la loi 124 était anticonstitutionnelle seulement en ce qui concerne les travailleurs syndiqués, puisque ceux-ci ont des droits différents que ceux qui ne négocient pas collectivement.
Contrairement à ce que craignaient plusieurs syndicats, le gouvernement Ford ne tentera pas de faire appel de la décision auprès du plus haut tribunal du pays, et prendra des mesures au cours des prochaines semaines pour abroger la loi.
Il prévoit même d’exempter les travailleurs non syndiqués aux dispositions de la loi.

Ce revirement de situation s’ajoute à la liste grandissante des lois que le gouvernement progressiste-conservateur a dû annuler à la suite de controverses ou de procédures judiciaires.
Les syndicats célèbrent
L’appel du gouvernement Ford dans cette affaire coïncidait avec les négociations pour de nouvelles conventions collectives de plusieurs syndicats en province.
«L’appel irresponsable du gouvernement Ford au milieu des négociations avec la FEEO (Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario) a miné le processus et gaspillé l’argent des contribuables qui aurait dû être consacré à l’éducation du public», a réagi la présidente de la FEEO, Karen Brown.
La FEEO représente environ 83 000 enseignants et travailleurs de l’éducation.
«Leur mépris des droits de nos membres a créé des obstacles au cours du processus de négociation collective, que nous avons réussi à faire avancer et à résoudre par un arbitrage exécutoire. Désormais, d’autres peuvent bénéficier de la décision de la Cour», a-t-elle soutenu.
La FEEO espère que la décision de la Cour d’appel sera une «leçon» pour le gouvernement Ford, «afin qu’il ne contourne plus jamais les négociations ni ne piétine les droits démocratiques des travailleurs».
La présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (AIIO), Erin Ariss, a réitéré que ce projet de loi a contribué au départ de nombreuses infirmières de la profession.
Quand 10 infirmières sont embauchées, six partent, a-t-elle avancé.

«Et je suis une de ces infirmières», a indiqué Erin Ariss, qui dit avoir quitté la profession en 2021 pour obtenir un poste au sein du syndicat.
«Ce projet de loi n’aurait jamais dû être adopté. Avec l’échec de l’appel du gouvernement contre une décision antérieure, il est clair que Doug Ford devrait commencer à écouter les véritables infirmières et professionnels de la santé de première ligne qui offrent des soins dans cette province», a soutenu Eric Ariss.
À la tête du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO), JP Hornick estime à son tour que plus de 90% des quelque 180 000 salariés ont été touchés par la loi 124.
«Il est temps d’admettre que cette législation était erronée depuis le début. Non seulement il s’agissait d’une mauvaise politique publique, mais elle était également extrêmement inéquitable, touchant principalement les femmes et les travailleurs racisés», souligne JP Hornick.
Comme les autres syndicats visés par la loi 124, la présidente de la Fédération du travail de l’Ontario (FTO), Laura Walton, demandait au premier ministre Doug Ford, plus tôt lundi, «de faire ce qui s’impose et de travailler réellement pour les travailleurs afin de garantir que le financement soit en place afin que les travailleurs qui ont été lésés par ce projet de loi puissent désormais voir un remède à leurs chèques de paie, pour leur permettre de continuer à faire leur travail et de vivre dans la dignité».
«Victoire pour les Ontariens»
La cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, Marit Stiles, considère cette décision comme une «victoire pour les Ontariens».
«Cette victoire appartient aux travailleurs, aux syndicats et aux défenseurs de partout dans la province qui ont tenu bon contre l’attaque inconstitutionnelle des conservateurs contre leurs droits», a-t-elle déclaré.
Marit Stiles accuse le gouvernement Ford d’avoir «gaspillé des années et l’argent des contribuables à combattre les travailleurs devant les tribunaux».
«Ce sont eux qui éduquent nos enfants et qui prennent soin d’eux à l’école, ceux qui s’occupent de nous lorsque nous sommes malades et que nous avons besoin de soins, note-t-elle. Le premier ministre a choisi de s’en prendre à ces travailleurs pour réduire leurs salaires en dessous de l’inflation à un moment où les coûts liés au logement et à l’épicerie ne cessent d’augmenter.»
La cheffe libérale Bonnie Crombie a elle aussi qualifié la décision de «victoire immense».
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  • Date de création 14 février, 2024
  • Dernière mise à jour 14 février, 2024
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