«Le changement climatique accroît les inégalités»
Jillian Kilfoil a mis les droits de la personne au cœur des questions écologiques lors de sa conférence à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard (UPEI), le 5 février dernier. Pour la directrice du Réseau des femmes de l’Î.-P.-É., les changements climatiques sont un enjeu d’équité.
_______________
Marine Ernoult
Initiative de journalisme local - APF - Atlantique
Inégalités, injustices, ces problèmes sont intimement liés au dérèglement climatique, affirme Jillian Kilfoil devant la trentaine de personnes présentes ce soir-là.
Aux yeux de la directrice du Réseau des femmes de l’Î.-P.-É., les crises sociale et environnementale que traversent de nombreux pays sont les deux faces d’une même pièce. «Le changement climatique n’est pas neutre, il accroît les inégalités. Il est injuste, car il affecte surtout les gens les plus pauvres et les pays les plus vulnérables.»
À l’Île, elle prend l’exemple de la Première Nation Mi’kmaq qui vit à Lennox Island. «Ce sont eux qui ont le moins de ressources et qui sont les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques, car ils ont la terre la moins favorable», observe Jillian Kilfoil. Elle note qu’au Canada, les Autochtones sont disproportionnellement exposés aux dérèglements du climat.
Avant d’ajouter sans langue de bois : «On ne peut pas laisser les plus pauvres survivre avec leurs seules ressources tandis que les plus riches se protègent.» La directrice évoque notamment les déplacés climatiques, ces populations contraintes de fuir leur foyer en raison de l’intensification des catastrophes naturelles.
Changer de boussole
Interrogé sur les trois principales causes des changements climatiques, le public mentionne sans hésiter les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. La consommation effrénée et le modèle économique de croissance infinie arrivent aussi dans le trio de tête des responsables. «C’est écologiquement insoutenable, nos ressources sont limitées, lance une étudiante en sciences politiques de UPEI. Le système nous donne l’impression que tout nous est dû, on exploite la Terre avec un sentiment de supériorité.»
Comment sortir d’un modèle qui, si rien ne change, nous conduira dans le mur? «Pour affronter le réchauffement, il faut d’abord réduire les inégalités de revenu entre riches et pauvres, entre hommes et femmes», avance Jillian Kilfoil. La conférencière souligne à quel point la transition écologique est plus difficile si elle ne s’accompagne pas de justice sociale.
Elle propose de changer de boussole : «Cela implique de réformer notre fiscalité et notre système social pour qu’ils soient réellement redistributifs.» Elle préconise d’augmenter les taxes sur les ménages les plus aisés, de mettre fin aux paradis fiscaux et de créer un impôt sur la fortune. Elle recommande également d’instaurer un revenu et un service de garde universels.
Dans l’auditoire, les questions fusent : «Comment agir, par quoi je commence?», «comment modifier nos modes de vie?» Jillian Kilfoil reconnaît que le «changement de mentalité» n’est pas facile, surtout quand tout incite à faire le contraire.
«Nous devons désapprendre ce qu’on nous a appris», insiste-t-elle, appelant à la mobilisation du terrain et citant en exemple l’initiative du New Deal vert canadien. «Les solutions doivent venir de la base, autrement elles ne profiteront qu’à une minorité et recréeront les mêmes inégalités», plaide la directrice du Réseau des femmes de l’Île. Elle reste convaincue que les changements peuvent survenir plus rapidement qu’on ne le croit.
-30-
- Nombre de fichiers 2
- Date de création 7 février, 2020
- Dernière mise à jour 7 février, 2020