Le cannabis médical, une alternative à explorer pour les aînés

La consommation de cannabis a beau être associée à l’usage récréatif de joints ou de vapoteuses, de nombreux autres produits à base de cannabinoïde se révèlent être des solutions efficaces pour soulager les douleurs chroniques et traiter les symptômes d’anxiété et d’insomnie de manière naturelle. De plus en plus d'aînés, qui sont lassés par les effets indésirables de leurs médicaments d’ordonnance, se tournent désormais vers ces alternatives prometteuses. 

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

«La population âgée de plus de 55 ans est l'un des groupes de consommateurs de cannabis médical les plus en croissance. C’est ce que je remarque dans mon travail», lance d’entrée de jeu l’infirmière Kala Sanmartin, propriétaire du cabinet indépendant The Cannabis Nurses + Co, qui offre du soutien et un accompagnement holistique à ceux qui souhaitent essayer ce traitement naturel.

Selon elle, de nombreuses raisons motivent les personnes âgées à explorer les bienfaits du cannabis médical. Certains d'entre eux souffrent de troubles graves du sommeil ou de douleurs chroniques et constatent que leurs somnifères ou narcotiques ne produisent plus les mêmes effets qu'auparavant. D'autres cherchent à atténuer des tremblements ou des symptômes d'anxiété, tout en évitant les effets secondaires indésirables associés à leurs médicaments d’ordonnance.

«Ces personnes âgées sont souvent très vulnérables, elles se tournent vers le cannabis, car tous les autres traitements qu’elles ont essayés ne fonctionnent plus. Elles sont curieuses d’en apprendre davantage, mais il y a encore de la peur et des mythes à défaire. Par exemple, consommer du cannabis médical ne signifie pas nécessairement être intoxiqué», explique l’infirmière.

Des produits topiques comme des lotions ou des crèmes à base de cannabis, d’ailleurs, représentent peu de risques d’intoxication, mais peuvent être très efficaces pour alléger les symptômes de l’arthrite. Les huiles, les capsules et les produits sublinguaux qui se dissolvent rapidement sont aussi très populaires chez les personnes âgées.

Retrouver sa qualité de vie

L’accompagnement offert par l’entreprise de Kala Sanmartin aboutit souvent à des histoires touchantes. Récemment, l’infirmière a travaillé avec un homme âgé contraint de prendre une panoplie de médicaments prescrits, dont de la morphine, en raison de multiples blessures physiques lui provoquant d’intenses souffrances. «Il n'était plus en mesure de sortir prendre un café avec sa femme ou de voir ses amis depuis très longtemps. Il se réveillait cinq ou six fois par nuit à cause de ses douleurs», raconte l'infirmière.

Après avoir bénéficié de quatre mois d'accompagnement, l'aîné a réussi à se sevrer complètement de ses médicaments d'ordonnance et de ses somnifères. Il dort désormais beaucoup mieux et est même capable d'utiliser son tracteur pour tondre la pelouse, ce qui a contribué à lui redonner une «belle qualité de vie». «Sa femme m'a demandé si elle devait le réveiller, tellement il dort profondément. Je lui ai répondu : “Laissez-le dormir, le pauvre, il n'a pas dormi aussi bien que ça depuis trente ans”», raconte Kala Sanmartin en riant.

Un autre homme, âgé de quatre-vingt-dix ans, souffrait, quant à lui, de «terribles cauchemars» et de frayeurs nocturnes depuis la guerre de Corée. Il avait essayé trois sédatifs différents pour améliorer son sommeil, mais aucun d'entre eux ne fonctionnait. Grâce aux petites doses de cannabis que lui a suggérées l’infirmière, ce vétéran a finalement retrouvé un sommeil normal. Kala Sanmartin se remémore, la voix empreinte d'émotion : «Il m’a dit que pour la première fois depuis la guerre, il pouvait dormir sans faire le moindre cauchemar. C’est extraordinaire!»

Soulager les plus gros bobos

Mireille Tessier, anciennement propriétaire de la boutique de cannabis Daikoku à Edmonton, a développé un intérêt pour la plante médicinale au cours d’une période assez sombre de sa vie. «Ma curiosité est venue du fait que mes deux parents sont décédés du cancer du poumon. C’est une alternative que j’aurais beaucoup aimé leur présenter pour soulager leurs souffrances», mentionne-t-elle.

Au moment de la maladie qui a emporté sa mère, l'entrepreneure a cherché à convaincre le pneumologue de lui prescrire du cannabis pour soulager ses symptômes et lui offrir un certain répit. Réfractaire, ce dernier lui a fait savoir qu’il ne pouvait recommander à sa patiente, en toute bonne conscience, «de fumer du pot». Il a finalement «opté pour le fentanyl» administré par voie transdermique «pour traiter sa douleur», déplore-t-elle.

C’est à ce moment-là que Mireille s’est rendu compte qu’il y avait encore beaucoup d'éducation à faire auprès du personnel médical sur les différents produits à base de cannabinoïde qui sont disponibles sur le marché. «On a beau penser aux joints quand on parle de cannabis, pour les soins médicaux, au contraire, la meilleure approche de procéder, c’est l’ingestion d’huile ou d’autres produits que l’on consomme de manière orale et ça soigne réellement la douleur. Le fentanyl, ce n’était pas nécessaire», souligne-t-elle.

Mireille ajoute que certains micro-cannabinoïdes tels que le CBD et le CBC peuvent traiter les symptômes de la dépression, fréquemment observés chez les personnes atteintes de cancer, et stimuler l'appétit pour aider les patients sous chimiothérapie à maintenir leurs habitudes alimentaires.

Loin d’elle l’intention de présenter le cannabis comme une panacée, l'entrepreneure rappelle cependant qu'il existe des contre-indications pour les produits à base de cannabis et les personnes âgées doivent consulter un professionnel de la santé avant d'en consommer. «Les contre-indications sont beaucoup moins élevées que celles pour les narcotiques ou les opioïdes, mais le cannabis peut interagir avec certains médicaments», mentionne-t-elle.

En outre, certains médicaments d’ordonnance utilisés pour traiter des maladies cardiaques, le cholestérol élevé, de même que l'hypertension peuvent avoir des interactions négatives avec les dérivés de la plante.

Même son de cloche du côté de Kala Sanmartin qui encourage les aînés à faire appel à des professionnels plutôt que de se lancer dans des recherches par eux-mêmes ou de se rendre dans n'importe quel dispensaire de la province. «Ça peut être dangereux si on ne sait pas comment procéder. Par exemple, pour les personnes âgées, on pourrait penser que le THC a le plus d’interactions avec les médicaments, mais en réalité, c’est le CBD qui en a le plus», appuie-t-elle.

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  • Date de création 18 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 18 novembre, 2023
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