L'Alberta célèbre la poésie de demain lors de son concours national de récitation

Des moments forts en émotion ont animé la grande finale 2023 des Voix de la poésie qui s’est tenue à Calgary le 20 avril dernier, alors que deux récitateurs albertains ont remporté des prix dans les catégories francophone et bilingue. Les prestations de ces jeunes ont mis en évidence la vitalité de la culture franco-albertaine et l’engagement de la jeunesse à faire rayonner la langue des Molière, Hugo et Desbiens dans un contexte minoritaire.

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Ce sont neuf élèves de la neuvième à la douzième année, d’un peu partout au Canada, qui se sont partagé les quelque 18 000$ remis en prix lors de la compétition tenue à la bibliothèque centrale de Calgary. «Ce fut très difficile de juger, car les candidats et les candidates étaient excellents, chacun à leur manière. Ils ont tous réussi à nous émouvoir, à nous bouleverser et à nous transporter dans l’univers des poèmes», explique Evelyne Gagnon, poétesse et essayiste qui siégeait comme jury.

D’après elle, quelques «petites nuances» ont cependant permis aux trois vainqueurs de se démarquer. Maia Cassie, de l’école Queen Margaret située à Duncan en Colombie-Britannique, ainsi que les Albertains Aaronsaul Negre et Hope Anaky ont su «faire vivre la langue et le souffle de leurs poèmes», tout en montrant leur propre «humanité» à travers leur récitation, analyse notamment la professeure en études littéraires de langue française à l’Université Athabasca.

Notons que plusieurs autres personnalités du milieu littéraire et des arts étaient présents lors de la soirée, dont le poète officiel de la ville de Calgary, Wakefield Brewster, mais aussi Bertrand Bickersteth, Rita Wong et Tamara Lee-Anne Cardinal.

En troquant son chapeau de juge pour celui de pédagogue passionnée, Evelyne Gagnon dit aussi se réjouir de voir deux jeunes Albertains se démarquer en français lors d'un concours national les opposant à des Québécois et des Franco-Ontariens. Elle souligne l'importance cruciale de continuer à donner vie au français à travers l'art. «Justement, l'interprétation permet de rendre une langue vivante et de la faire vivre au niveau culturel. Dans un milieu comme l’Alberta, où [le français] est normalement moins accessible, ce n’est pas rien», s'enthousiasme-t-elle.

D’ailleurs, mentionne-t-elle, la victoire d'Aaronsaul Negre est particulièrement remarquable parce qu’elle transcende de multiples barrières culturelles. Né à Winnipeg de parents philippins, ce jeune élève de douzième année à l'école All Saints à Calgary a appris le français entièrement à l'école. «Ça démontre que les programmes d'immersion sont des lieux absolument fertiles pour permettre à des élèves de toutes cultures de découvrir la langue française», rappelle la professeure.

Le français, source de fierté

Bien qu’il n’ait pas souvent l’occasion de parler français à l'extérieur des salles de classe, Aaronsol mentionne qu’il voulait participer à la compétition bilingue (français et anglais) pour s’imprégner de la culture francophone dans un contexte agréable. «Je me suis dit : “je parle français et anglais, alors pourquoi pas participer dans les deux langues”. Ça me rendait fier de pouvoir faire les deux», raconte-t-il avec une certaine insouciance.

D'ailleurs, le défi que s'était donné l’adolescent était loin d’être facile, lui qui a notamment récité Ô jeunes gens, un poème de Victor Hugo. Son expérience de la scène et du théâtre lui a toutefois permis de se sentir en confiance tout au long de la soirée. «Quand je récite un poème, je pense que je deviens comme une autre personne, je joue un personnage», mentionne-t-il.

Outre sa victoire personnelle, Aaronsaul exprime sa joie d’avoir tissé des liens autour de l’art avec des jeunes issus de différents milieux et de partout au Canada. «La poésie, c’est une excuse pour connecter avec les gens. C’est ça le plus important pour moi : la connexion», argumente-t-il.

De son côté, Hope Anaky, cette élève de onzième année de l’école Alexandre-Taché à Saint-Albert qui a remporté le prix dans la catégorie francophone, voit dans sa victoire le rappel que la langue française demeure toujours ancrée dans la culture albertaine. Elle se sent aussi encouragée à poursuivre sa découverte de la poésie tant dans l’interprétation que par l’écriture. «Après avoir entendu tous les bons commentaires, je me dis que peut-être que j’ai vraiment du talent», dit-elle.

Evelyne Gagnon invite, quant à elle, les enseignants à continuer d’intégrer la poésie dans leurs classes, que ce soit au primaire ou au secondaire. «On sait jamais, ça peut créer des vocations», mentionne-t-elle. La professeure rappelle aussi que le programme Poètes à l’école des Voix de la poésie permet aux enseignants d'organiser la visite d’un poète sans aucuns frais encourus par leur école.

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  • Date de création 8 mai, 2023
  • Dernière mise à jour 8 mai, 2023
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