L’adoption d’un arrêté sur les logements de location à court terme s’avère très laborieux

Isabel Mosseler

IJL – Réseau.Presse - Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

La réunion du conseil municipal du 19 mars a été presqu’entièrement consacrée à la réglementation des logements de location à court terme (LLCT), car le conseil avait opté pour débattre chaque élément de l’arrêté proposé avant de passer à un vote sur l’adoption.

Certaines questions ont été réglées rapidement. Le conseil a vite convenu qu'une caravane ne serait pas autorisée en tant que LLCT, à moins qu'elle ne soit située dans un parc de caravanes reconnu. Tous étaient d’accord, aussi, pour limiter l'occupation à 2 chambres à coucher et d’imposer une limite de 2 personnes dans tout espace avec un lit-canapé, par crainte que la capacité des systèmes septiques soit mise à l’épreuve en cas d’occupation trop nombreuse. La greffière Mélanie Ducharme a précisé que chaque LLCT devra faire l'objet d'un examen de la fosse septique. Les règles sur le stationnement ont été acceptées, le conseil les estimant compatibles avec les règlements de zonage existants, visant à garantir le maintien du caractère paisible des zones résidentielles.

Les questions entourant l’utilisation de chemins privés ont donné lieu à des discussions plus vives. Selon le règlement proposé, aucun LLCT ne serait autorisé sur un chemin privé sans la permission des propriétaires voisins pour accorder un droit de passage aux locataires. Le conseiller Jérôme Courchesne a voulu savoir comment la ville gère actuellement les conflits entre voisins sur les chemins privés, et l’administrateur municipal Jean-Pierre Barbeau lui a répondu, «très mal.» Il a précisé que ces différends entre particuliers sont parfois portés devant les tribunaux civils, ajoutant que «les municipalités n'ont pas leur mot à dire dans le cas d'un chemin privé habituellement. La raison pour laquelle nous aurions un rôle à jouer dans ce cas, c’est que nous accordons un permis (...) nous autorisons quelque chose. (...) Nous entrons donc dans le débat et c'est pourquoi nous voulons nous assurer que tout le monde soit d'accord avant d’accorder un permis.»

Le conseiller Fern Pellerin a soulevé des objections, citant plusieurs scénarios où les voisins pourraient contrecarrer des LLCT existants ou potentiels. Le conseiller Courchesne a également fait remarquer le nombre de chemins privés dans les quartiers 7 et 8 (Verner, Lavigne, Monetville Nord). La conseillère Anne Tessier voulait savoir si le propriétaire d’un LLCT serait tenu d’obtenir la permission unanime de tous les habitants du chemin. La greffière Ducharme a répondu qu’effectivement, l’arrêté tel que rédigé exigerait la permission de tous les voisins. Après de nombreuses objections, cet élément a été retiré du règlement.

Le conseil s’est penché sur la distinction entre un LLCT de catégorie A, résidence principale des propriétaires, et un LLCT de catégorie B, résidence secondaire. Le conseiller Pellerin voulait savoir, «Comment vérifiez-vous qu'il s'agit bien d’une résidence principale?» On a expliqué qu'une résidence principale «est l'endroit où vous recevez votre facture d'impôt, l'adresse sur votre permis de conduire.» M. Pellerin s'est dit inquiet de voir des personnes de l'extérieur prétendre résider dans la municipalité afin d'exploiter une entreprise. M. Barbeau a répondu qu'aucun système n'est infaillible, mais que la loi exige que la résidence principale soit indiquée sur le permis de conduire de tout propriétaire.

Le conseil semblait moins préoccupé par les LLCT de catégorie A, où les propriétaires seraient présents pour maitriser toute situation malencontreuse, mais plus sévère à l’égard des LLCT de catégorie B, que l’arrêté propose de limiter à 100 dans toute la municipalité. Selon le conseiller Roch St-Louis, la discussion était prématurée car la ville ne sait pas combien de ces LLCT existent actuellement. La mairesse Kathleen Thorne Rochon a suggéré une approche tentative. «Je préférerais commencer avec un nombre plus bas car cela encouragera les gens à obtenir leur permis s'il y en a un nombre limité.» Une fois les chiffres connus, la ville pourra toujours augmenter la limite s’il y a une forte demande, a-t-elle ajouté. Cette section du règlement proposé demeure inchangée.

Le point le plus épineux, c’était la restriction interdisant plus d’un seul LLCT dans un rayon d'un kilomètre, visant à éviter une agglomération de LLCT qui perturberait un quartier résidentiel. M. Pellerin a rappelé que les règlements municipaux actuels protègent déjà les quartiers et qu'il n'est donc pas nécessaire d'imposer des restrictions supplémentaires. Il a fait remarquer que dans son propre quartier, «il y en a déjà quatre dans un rayon d'un demi-kilomètre. Cela me convient parce que (...) avec toutes les précautions qui sont en place, les gens surveillent (...) et ne louent pas à n’importe qui. (...) Ça n'a pas été un problème.»

Le conseiller Courchesne a de nouveau appuyé les commentaires de M. Pellerin, soulignant l’inflation galopante qui motive les gens à louer leur résidence d'été pour quelques semaines afin de compenser leurs coûts. «Je ne serais pas en faveur d'un rayon d'un kilomètre. Encore une fois, il y a toujours des pommes pourries. (...) J'ai reçu très tôt des plaintes concernant certaines propriétés. (...) Nous avons quelques propriétés qui posent problème. Mais si nous imposons un rayon d'un kilomètre (...) cela n'a aucun sens lorsqu’on l’applique au bord du lac dans le village de Lavigne, car un kilomètre, ça englobe tout le village! Je voudrais supprimer cette clause,» a déclaré M. Courchesne.

Mme Rochon a reconnu que le Nipissing Ouest a des quartiers avec des caractéristiques très différentes, allant de terrains étroits le long de la Promenade du Lac, par exemple, à d'autres lots riverains de 60 mètres qui bénéficient de zones tampons plus étendues. «J'essaie d'imaginer quelqu'un qui se trouve sur l'un de ces terrains étroits et qui, tout à coup, se retrouve avec une location à court terme de chaque côté, avec la circulation et un taux d'occupation plus élevé (...) Lorsque les gens sont en vacances, ils agissent un peu différemment que dans leur propre quartier ou dans leur propre maison. (...) Je suis un peu tiraillée sur cette question (...) mais je comprends aussi le désir de nos résidents permanents qui vivent dans ces zones, de protéger leur qualité de vie.»

Le conseiller Courchesne a suggéré de supprimer cette section et de la réexaminer dans un an. «Avec le système de points d'inaptitude et les plaintes, (...) cela finirait par régler les problèmes,» a-t-il soutenu, soulignant que les mauvais acteurs pourraient perdre leur permis. Selon lui, un règlement trop sévère pénaliserait les opérateurs responsables. Le conseiller Dan Gagné a suggéré de permettre aux propriétaires actuels de bénéficier d'une clause d'antériorité pour la première année, le temps de laisser le système de points d'inaptitude faire son œuvre, «et s'il n'y a pas de points d'inaptitude et pas de plaintes, tous les propriétaires actuels devraient être satisfaits de ce scénario.» Le conseil a décidé que le rayon d'un kilomètre ne s'appliquerait qu'aux nouveaux LLCT.

La section relative aux appels a été acceptée telle quelle, incluant un frais d'appel de 250$, mais le conseil voulait savoir comment la ville distinguerait les plaintes légitimes des plaintes vexatoires. Le conseiller Courchesne a recommandé de «formuler une clause spécifique qui (...) officialise le processus à suivre pour traiter les plaintes vexatoires.» Il a donné l’exemple d’un voisin qui aurait une dent contre un propriétaire et qui déposerait donc plusieurs plaintes pour lui faire perdre son permis. M. Barbeau a assuré que les agents municipaux chargés de l'application des règlements comprennent rapidement lorsqu’une plainte est vexatoire, frivole ou non fondée, et que toute plainte ferait l’objet d’une enquête.

Le conseiller Pellerin trouvait aussi les frais de permis trop élevés. Un premier permis coutera 750$, avec un renouvellement annuel de 250$. Mme Rochon a rétorqué que les frais ont été comparés à ceux de la Rivière des Français et qu'après le recouvrement des coûts pour la gestion du programme de permis, «je pense en fait que nos frais sont tout à fait raisonnables (...) Nos agents du bâtiment et nos inspecteurs des incendies se déplacent et il y a de la paperasse et de l'administration à faire de ce côté,» a-t-elle précisé. Elle a aussi rappelé les revenus potentiels des LLCT, qu’elle estimait à «probablement entre 1 400$ et 3 000$ par fin de semaine.» Le conseiller Restoule était d'accord, ajoutant «Je ne vois pas de problème avec les taux tels qu'ils sont.» Le barème des frais a été approuvé.

La question des droits acquis a été abordée et le conseil a voulu savoir ce qui constituerait la preuve d'une opération existante. Mme Rochon a dit qu'il serait facile de montrer son inscription sur un site de location avant une date déterminée. Le conseiller Roch St-Louis a rétorqué qu'il n’utilise pas un site de location, «mais j'ai un chalet secondaire que je loue du printemps à l'automne. Comment puis-je prouver que j'ai loué?» Mme Rochon a répondu qu’il pouvait montrer des reçus, et Mme Ducharme a suggéré d'utiliser d'anciens contrats de location. M. Courchesne a recommandé d'utiliser la partie du formulaire T1 qui indique les revenus de location, mais Mme Rochon trouvait cela naïf de supposer que tout le monde déclarait de tels revenus.

Le conseiller Pellerin voulait savoir si un permis protégé par des droits acquis serait transféré avec la propriété lorsqu'elle est vendue. La mairesse estime que c'est le propriétaire qui détient le permis, et non la propriété. Toutefois, M. Barbeau a suggéré que tout acheteur devrait avoir une occasion de renouveler le permis.

Il a été convenu que les opérateurs existants seraient prioritaires pour l’acquisition de permis, par rapport aux nouveaux opérateurs. Ceux qui souhaitent faire valoir leurs droits acquis dans le cadre de l’arrêté auront une date limite après l'entrée en vigueur du règlement.

L’arrêté proposé sera révisé et soumis à nouveau au conseil municipal. On s'attend à une certaine résistance, car une pétition circule actuellement pour s'opposer au règlement, et fera sans doute partie des prochaines discussions.

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Photos :

Fernand Pellerin et Jérôme Courchesne, conseillers municipaux des quartiers 7 et 8 de Nipissing Ouest, où se trouvent de nombreux logements de location à court terme, ont exprimé des inquiétudes par rapport à l’arrêté municipal proposé pour réglementer ces locations.

Crédit photos : Courtoisie, Municipalité de Nipissing Ouest

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  • Date de création 1 avril, 2024
  • Dernière mise à jour 1 avril, 2024
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