L’Acadie en deuil de sa Sagouine historique

Ses proches, dont Antonine Maillet, la savaient en fin de vie depuis plusieurs semaines. Même si sa santé déclinante l’avait contrainte à quitter la scène en 2017, la mort de Viola Léger est durement ressentie en Acadie. Dimanche, de nombreux hommages ont afflué sur les réseaux sociaux.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

« C’est toute l’Acadie qui pleure le départ de Viola Léger », écrit Monique Poirier. « C’est l’Acadie au complet qui est en deuil aujourd’hui », renchérit Luc LeBlanc. « L’Acadie vient de perdre un trésor ; nous avons toutes et tous le cœur gros », souligne Aldéa Landry. Nombreux sont celles et ceux qui ont eu le bonheur de côtoyer de près celle qui donna ses traits à la Sagouine qui, avec Évangéline, trône au panthéon de la mythologie acadienne.

Par la voix de son président, Martin Théberge, la Société Nationale de l’Acadie (SNA) a salué en la défunte une icône du peuple acadien et sa fière porte-parole. La SNA rappelle que Mme Léger, née au Massachussetts dans une famille acadienne expatriée de l’autre côté de la frontière, « incarnait le parcours de l’Acadie moderne ».

« À travers le rôle de la Sagouine, elle a sans cesse rappelé au peuple acadien qu’il pouvait avancer en s’enrichissant du passé et du gros bon sens de ses anciens », déclare M. Théberge.

Pour René Cormier, qui pense à Viola Léger qui l’a précédé dans l’enceinte du Sénat chaque fois qu’il en franchit le seuil, au-delà de l’Acadie, c’est aussi la Francophonie qui est en deuil de cette grande ambassadrice culturelle qui a fait rayonner l’Acadie au-delà des frontières et de l’océan atlantique.

« Viola Léger laisse à l’Acadie et à la Francophonie un legs inestimable constitué de son talent, de sa voix, de son amour de la langue française, du théâtre et du peuple acadien. »

La communauté artistique de la région ne manque certes pas d’anecdotes au sujet de Mme Léger. Monique Poirier, codirectrice générale et artistique du Pays de la Sagouine, rend hommage à celle qui fut, en quelque sorte, son mentor.

« Je sens un grand vide, mais surtout, énormément de gratitude et de reconnaissance. Quelle femme extraordinaire ! Pour moi, c’est l’exemple d’une artiste qui n’a jamais placé de date limite à un rêve. C’est l’exemple du travail, de la discipline et de la rigueur. C’est l’exemple d’une artiste qui s’est dévouée corps et âme à son métier. »

Luc LeBlanc, qui interprète le personnage de Citrouille au Pays de la Sagouine, a mis plusieurs heures à émettre une citation, tant l’émotion l’étreignait.

« Viola était beaucoup plus que la Sagouine pour moi. C’est une femme qui m’a donné le courage et la confiance de faire une carrière artistique. »

Même le député de Kent-Nord, Kevin Arseneau, a confié publiquement un souvenir personnel qui remonte bien avant ses débuts en politique provinciale. Voici le témoignage de celui qui n’a pas peur de prendre la parole en public, et surtout pas au sein de l’Assemblée législative.

« J'ai eu l'honneur de fouler les planches avec cette grande dame une fois, à Memramcook ; j'avais le trac du moment et non de la foule, un de ces moments qui marque et qui reste gravé à tout jamais. Un moment d'humilité où tu as l'impression, de par sa simple présence, de voir et toucher l'Histoire. »

Un cœur généreux

Il y a dix ans, le Pays de la Sagouine avait tenté de planifier la relève de Viola Léger par quatre comédiennes. L’expérience n’a duré qu’une saison. Solange LeBlanc faisait partie des quatre nouvelles Sagouines pressenties. En 2017, elle a assisté à la dernière représentation de Viola Léger dans le rôle qui fit sa gloire.

« On aurait pu entendre une mouche voler, écrit-elle. Même les goélands savaient que quelque chose de spécial était en train de se passer cette journée-là. Tous les yeux étaient rivés sur elle. On aurait pu rester là à l’écouter pendant des heures. »

Denise Bouchard, qui prête ses traits au personnage de Mariaagélas, se sent privilégiée d’avoir travaillé pendant 20 ans au côté de Viola Léger. Elle confie au Moniteur Acadien que la discipline et la rigueur de travail de la grande comédienne ont déteint sur elle.

« Nous prenions un moment tous les matins, dans sa loge, pour parler de la vie et de nos projets. Je garde en mémoire ces moments précieux comme des trésors », exprime-t-elle.

Mme Bouchard signale la grande générosité de Viola Léger, qui fut impliquée pendant des années auprès d’organismes caritatifs, comme la Maison Nazareth, auxquels elle apportait le concours de sa notoriété.

« Elle était très portée sur les autres et tendait la main à ceux qui en avaient besoin, relate Denise. Elle faisait bon usage du statut qui était le sien. »

Le monologue de La Mort

En 2013, Viola Léger avait finalement accepté de jouer le monologue de La Mort. Elle s’en était ouverte au signataire de ces lignes, alors journaliste à l’Acadie Nouvelle.

« Ça fait 21 ans que le Pays de la Sagouine voulait que je le fasse, lui confiait-elle. Je n’avais jamais joué La Mort. Je trouve ce texte très beau. Et le dernier aussi, Le Printemps, qui lui fait écho. »

Viola Léger ne joue plus la mort, mais elle la vit pour l’éternité. Une éternité intemporelle dans laquelle elle rejoint un personnage de légende, toujours pertinent et qui est déjà joué par d’autres comédiennes ailleurs au Canada et dans le monde mais qui, lorsque le temps du deuil sera passé, reviendra peut-être sous d’autres traits dans son pays, à Bouctouche.

« C’est ma Sagouine que je fais, c’est la mienne, ce n’est pas la Sagouine », disait-elle en 2013. « Il y a peut-être d’autres façons de la jouer, mais je n’imagine pas d’essayer. »

Depuis cinq ans, les récits de la Sagouine sont déclinés par d’autres personnages qui gravitent autour du fabuleux personnage dans le monde imaginaire créé par Antonine Maillet. Ces « clins d’œil à la Sagouine » sont des adaptations de ses monologues.

Le Pays de la Sagouine rendra hommage à Viola Léger dans le cadre de sa programmation 2023 qui sera dévoilée au printemps.

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Photos

Titre : Viola Léger

Légende : Une grande comédienne, doté d’un cœur généreux.

Crédit : Rodolphe Caron (gracieuseté)

Titre : Viola et Nazareth

Légende : Viola Léger il y a quelques années avec Luc J. Doucet, alors président du conseil d’administration de la Maison Nazareth, et Déo Chuma, qui était directeur général de l’organisme.

Crédit : Luc J. Doucet (gracieuseté)

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  • Date de création 31 janvier, 2023
  • Dernière mise à jour 31 janvier, 2023
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