La ville veut réglementer la location de logements à court terme

Les exploitants d'Airbnb devront obtenir un permis et se soumettre à des inspections

Christian Gammon-Roy

IJL – Réseau.Presse

Tribune : la Voix du Nipissing Ouest

La tendance à la location à court terme a explosé ces dernières années, et le Nipissing Ouest ne fait pas exception, avec plus de 90 annonces locales sur le site web Airbnb. Cette situation a donné lieu à plusieurs plaintes, principalement de la part des voisins des unités de location, de sorte que la ville envisage une réglementation sur les logements de location à court terme (LLCT) et elle a invité le public à donner son avis.

Une quinzaine de personnes ont participé à une consultation publique le jeudi soir, 19 octobre, et une cinquantaine de commentaires ont été envoyés au préalable à la ville. Tous ont donné leur avis sur une ébauche d’arrêté municipal qui imposerait aux exploitants de LLCT l'obligation d'obtenir un permis et de se soumettre à une série de nouvelles règles, d'inspections et de sanctions s'ils ne s'y conforment pas.

La consultation a été présidée par la mairesse de Nipissing Ouest, Kathleen Thorne Rochon, les conseillers Anne Tessier, Dan Gagné, Kris Rivard et Fern Pellerin, ainsi que la greffière municipale et planificatrice urbaine Mélanie Ducharme. La mairesse a insisté sur le fait que le processus ne faisait que commencer et que tous les commentaires seraient apportés au conseil avant qu'une décision officielle ne soit prise. «Il s'agit d'une question qui a été soulevée pour la première fois au cours du dernier mandat du conseil. Nous n'avons pas eu de discussion approfondie (...) à part le fait que de nombreux conseillers ont été contactés à ce sujet (...). D'ici à ce que le conseil ait entendu les résidents et ait discuté avec eux, il pourrait encore y avoir des changements significatifs» a-t-elle expliqué.

Pour ce qui a motivé une telle réglementation, elle a reconnu que les plaintes des voisins étaient à l'origine de cette initiative. «Il y avait également des préoccupations concernant les fosses septiques (…), mais elles étaient également générées par les plaintes des voisins. (...) Il s'agissait de plaintes portant sur toute une série de sujets, de la compatibilité avec le voisinage résidentiel aux limites d'occupation,» a déclaré Mme Thorne Rochon.

Tel qu'il est actuellement rédigé, l’arrêté introduirait une exigence de permis pour toute personne exploitant un LLCT dans le Nipissing Ouest. Trois catégories de permis sont proposées en fonction du zonage et du fait que le propriétaire habite ou non sur place. Les permis de catégories A et C exigent que la location soit également le logement principal du propriétaire. Les permis de catégorie B sont destinés aux logements qui ne sont pas des habitations principales, mais ils sont limités aux zones C1 (commerce de quartier) et C3 (commerce à usage mixte). Cela aurait pour effet de limiter sévèrement les logements secondaires admissibles à être loués à court terme. En outre, les demandes de permis exigeraient des informations détaillées sur les locaux loués, telles que des plans et une preuve de propriété, ainsi qu'une inspection par un agent municipal. Bien que les coûts proposés n'aient pas été présentés dans le document, les permis seraient assujettis à des frais. «Les frais de permis sont destinés à couvrir les coûts de surveillance et d'application de l’arrêté,» a assuré Mme Thorne Rochon, ajoutant qu'«il ne s’agit pas de remplir les coffres de la municipalité.»

Le projet décrit également un système de «points d'inaptitude» qui serait utilisé pour faire respecter les règlements. En cas de violation de certaines parties de l’arrêté, les opérateurs de LLCT pourraient se voir attribuer un point d'inaptitude, l’accumulation de trois points entraînant la suspension du permis d'exploitation pour une durée d'un an. Tout point d'inaptitude supplémentaire accumulé après une suspension entraînerait la révocation permanente du permis.

Certains propriétaires de LLCT ont exprimé leur inquiétude quant à ce système, affirmant qu'un voisin en colère pourrait leur faire accumuler des points d'inaptitude en déposant de multiples plaintes. Toutefois, Mme Ducharme a assuré que, comme pour les plaintes régulières, un agent chargé des arrêtés municipaux mènerait d'abord une enquête avant de recommander l'émission d'un point d'inaptitude. Par ailleurs, le conseiller Kris Rivard a suggéré un seuil plus élevé de points d'inaptitude avant la suspension, et a proposé qu'après avoir atteint le seuil de suspension, le cas d'un opérateur soit examiné par le conseil municipal pour une décision finale.

Cette dernière suggestion a reçu un accueil très positif de la part des opérateurs de LLCT présents dans la salle, mais d'autres ont estimé que les mesures n'étaient pas assez strictes. C’était le cas de Debbie Joly, résidente de Verner et voisine d’un logement de location à court terme. «Je trouve qu'un seul point, pour certaines de ces infractions, c’est un peu léger. Par exemple, «exploiter une location de courte durée sans permis,» je pense plutôt que l'on devrait vous refuser carrément un permis après avoir exploité un LLCT sans permis,» a-t-elle déclaré. Dora Hoffman, une autre résidente de Verner, était du même avis. «Lorsque vous vivez à côté de cela et que cela affecte votre vie à la maison de manière répétitive, ce n'est pas amusant et cela doit être traité et réglementé,» a-t-elle déclaré, ajoutant que tout propriétaire responsable ne devrait pas avoir peur d'obtenir un point d'inaptitude.

Mesdames Joly et Hoffman habitent toutes deux le même chemin à Verner où, pendant deux ans, elles ont dû faire face à une foule de problèmes occasionnés par une location Airbnb. Mme Joly a même écrit une lettre à l’ancien conseiller municipal Rolly Larabie en septembre 2021, cosignée par plusieurs résidents du même quartier, demandant à la ville de réglementer les locations à court terme. La lettre mentionnait des problèmes d'intrusion, de caméras sur la propriété qui empiétaient sur leur vie privée, de risques environnementaux en raison de l'eau puisée du lac, de bruit et de nuisances générales. Mme Joly a également noté le nombre d'invités présents à différentes dates, qui atteignait parfois jusqu'à dix personnes, ainsi que des problèmes spécifiques et des appels à la police. Lorsqu'elle a envoyé sa lettre, on lui a dit que la question serait reportée jusqu'à l'élection d'un nouveau conseil municipal – et nous voici deux ans plus tard.

Mélanie Ducharme a expliqué l'objectif du système de points d'inaptitude en tant que moyen de dissuasion, d’après ses recherches auprès d'autres municipalités. «La vaste majorité a indiqué que les amendes ne sont pas particulièrement efficaces. (...) Le risque de perdre son permis en raison des points d'inaptitude est plus dissuasif qu'une simple amende de 100 $,» a-t-elle affirmé, ajoutant que les amendes sont fixées par le gouvernement provincial et que la municipalité ne peut donc pas en déterminer le montant.

Le système de points d'inaptitude est manifestement une source d'inquiétude pour les propriétaires de LLCT, qui pourraient perdre des points en raison du comportement de leurs locataires. On leur a demandé si les mécanismes en place pour éjecter un mauvais locataire étaient suffisamment robustes. Les propriétaires ont indiqué qu'il existe des ressources dans l'application Airbnb pour la protection des hôtes et un système d'évaluation pour éliminer les mauvais locataires, et qu'ils peuvent également installer des caméras de sécurité à l'extérieur pour contrôler le respect des règles. Ils ont aussi la possibilité d'éjecter un mauvais locataire à volonté en cas de problème.

Regan Thompson, opérateur d’un LLCT, a déclaré qu’il compte sur les revenus de sa propriété et qu’il se considère un propriétaire responsable. Il a souligné les avantages économiques des LLCT pour la région, tout en reconnaissant les critiques auxquelles les LLCT sont confrontées dans d'autres endroits comme Toronto «où elles consomment des biens immobiliers utilisables (…) comme logements familiaux» alors qu’il manque de logements. «Au Nipissing Ouest, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense qu'il s'agit de chalets, et nous parlons de cols bleus ordinaires qui, pour s'offrir un chalet, doivent compter sur ce revenu locatif dans de nombreux cas,» a-t-il nuancé.

La mairesse Thorne Rochon a souligné que les LLCT au Nipissing Ouest ne se limitent pas seulement à des chalets. «Il y a des Airbnbs qui sont clairement des maisons à l'année, 4 saisons (…). À mon avis, lorsque ces maisons sont utilisées à des fins commerciales dans un quartier résidentiel, une famille pourrait y vivre à plein temps, et il s'agit donc d'une unité d'habitation qui n'est pas utilisée pour le logement.» Cela dit, elle a reconnu que le petit nombre de LLCT dans le Nipissing Ouest n'est pas la cause de la pénurie de logements. «Pour 80 ménages ou résidences sur 7000 environ, est-ce que c'est une grosse ponction sur le logement? Non. Si tous les (...) Airbnbs qui conviendraient à l'hébergement à l'année retournaient dans l’inventaire du logement à long terme, cela ne résoudrait pas le problème du logement.»

Gemma Broderick, de Sturgeon Falls, a parlé des retombées économiques des LLCT. «Nous employons un service de nettoyage régulier, une entreprise locale ici à Sturgeon Falls. Ce service de nettoyage s'occupe principalement des locations à court terme dans notre ville. Ce règlement pourrait avoir un impact sur quelqu'un comme ça, par exemple,» a-t-elle décrit. Puis elle a mentionné les touristes qui dépensent de l'argent localement, soulignant qu’il manque d'hébergements pour les visiteurs. «Nous n'avons qu'un seul hôtel, et il ne peut pas répondre à tous les besoins de notre région. Par exemple, il y a eu un tournoi de hockey [récemment] et le Comfort Inn affichait complet,» a-t-elle déclaré. Elle a ajouté que les frais de permis doivent être abordables pour encourager le respect des règles, plutôt que de créer un «marché noir» de LLCT voulant échapper aux coûts élevés.

Une autre exploitante a suggéré une dérogation à l’arrêté pour les LLCT existants, sinon elle serait obligée de vendre une propriété secondaire que sa famille a achetée sur le lac Bain, près de Field. Une dérogation permettrait aux exploitants actuels d’échapper à certaines règles adoptées après l’établissement de leur LLCT. «Le zonage de cette propriété est résidentiel-riverain. Pour moi, il s'agit d'une résidence secondaire. J'ai contacté la municipalité avant de l'acheter pour demander s'il existait un règlement sur la location à court terme, et on m'a assuré que non. (...) Si le règlement entrait en vigueur et que nous n’avions pas une dérogation, nous serions obligés de vendre,» a-t-elle déploré, ajoutant que la conversion en location à long terme impliquerait le paiement de la TVH sur la juste valeur marchande de la maison, ce qui pourrait être difficile à assumer pour sa famille.

Pat Hayward, de Sturgeon Falls, a abordé la question des coûts de surveillance et d'application. «Vous avez mentionné que l'agent actuel s'occupera de cela, mais si vous avez 100 à 200 permis, est-ce que cette personne sera capable d’assumer cela?» La mairesse a expliqué que les frais de permis et les amendes permettraient à la ville de recouvrer ses coûts et d'embaucher davantage d'agents chargés de faire respecter la loi. «Franchement, un seul agent chargé des règlements pour une municipalité de 15 000 habitants et près de 2 000 kilomètres carrés n'est pas suffisant pour commencer. Nous devrions probablement en avoir déjà deux, mais nous devons travailler dans les limites de notre budget,» a-t-elle répondu.

La consultation s'est achevée au bout d'une heure et demie, la mairesse rappelant une nouvelle fois qu'il ne s'agissait que du début du processus. «Je ne pense pas que cette affaire sera réglée au bout d'une discussion ou d’une seule réunion, en raison de sa complexité,» a-t-elle déclaré.

Après la réunion, Mesdames Ducharme et Thorne Rochon étaient satisfaites. «En raison de mon travail et de mon rôle, je n'entends souvent que les plaintes. Ce soir, c'était vraiment bien d'entendre les exploitants parler des aspects positifs et des avantages qu'ils apportent à la communauté,» a déclaré la mairesse. De plus, l’idée d’une réglementation a été généralement bien accueillie. «Il y a eu un consensus général sur la nécessité d'une réglementation. Je n'ai entendu personne ici ce soir dire «non, nous ne devrions pas avoir de réglementation,»» a fait remarquer Mme Ducharme. Même les commentaires en ligne ont reflété ce fait, et bien que tout le monde ne soit pas d'accord sur des points tels que les frais et le zonage, la grande majorité était d'accord avec l'idée d'une réglementation, en particulier en ce qui concerne les inspections des fosses septiques.

Mme Ducharme prépare maintenant les étapes suivantes. «Je vais devoir rassembler tous ces commentaires dans un rapport concis, ce qui va me prendre quelques semaines. Une fois que j'aurai décortiqué les résultats de la consultation, je présenterai cela au conseil, et (…) nous sommes censés fournir une sorte de recommandation,» a-t-elle expliqué, ajoutant que le conseil commencera alors à délibérer sur la proposition d’arrêté.

Légende : Le site web Airbnb propose plus de 90 logements de location à court terme dans le Nipissing Ouest, et la municipalité veut encadrer cette activité en imposant une nouvelle réglementation.

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 30 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 30 octobre, 2023
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