La Ville d’Ottawa avait «le dos au mur» durant l’occupation

ANTOINE TRÉPANIER

Le Droit

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

La réticence du gouvernement de l’Ontario à s’engager activement pour mettre fin à l'occupation d'Ottawa en février dernier a «frustré» le premier ministre du Canada et le maire d’Ottawa. Durant cette crise, Jim Watson sentait que sa ville avait «le dos au mur» et qu’elle ne pouvait agir seule.

Dans un appel téléphonique avec le maire Watson le 8 février, le premier ministre Justin Trudeau aurait déclaré que «Doug Ford s'est caché de sa responsabilité pour des raisons politiques [...] et il est important que nous ne les laissions pas s'en échapper, et nous avons l'intention de vous soutenir à cet égard».

Le compte-rendu de cet appel a été présenté devant la Commission sur l’état d’urgence mardi.

À ce moment-là, le premier ministre semble admettre au maire d’Ottawa qu’il était difficile pour le gouvernement fédéral d’identifier les ressources policières qu’il devait déployer durant l’occupation de la capitale «jusqu'à ce que nous ayons une meilleure idée de ce que fait la province».

De passage devant la Commission sur l’état d’urgence, le maire Jim Watson a déclaré que la Ville d’Ottawa a eu du mal à convaincre le gouvernement Ford de l’urgence d’agir pour faire quitter les manifestants du «Convoi de la liberté».

Le refus du gouvernement provincial de participer à la table de concertation tripartite sur l’occupation à Ottawa pour coordonner les efforts politiques a frustré et déçu le maire Watson.

«Nous ne pouvions agir seul», a-t-il plaidé.

Ce dernier concède que Doug Ford lui a souvent offert son appui, mais que cela s’est rarement transformé en gestes concrets.

Idem pour l’ex-Solliciteure générale Sylvia Jones, qui «a été malhonnête» lorsqu’elle a exprimé un nombre gonflé d’agents de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) déployés à Ottawa, a martelé le maire.

Celle-ci avait initialement indiqué que 1500 agents de la PPO avaient été déployés dans la capitale fédérale pour ensuite préciser qu’il s’agissait en fait d’une moyenne de 150 agents par jour.

Jim Watson parle plutôt d’une cinquantaine d’agents, tout au plus.

N’empêche, le maire d’Ottawa affirme que malgré des difficultés à convaincre la province de s’engager, «ultimement, le gouvernement de l’Ontario a bien géré la situation, mais ils ont mis beaucoup de temps pour y arriver».

Aux côtés de Justin Trudeau durant une conférence de presse lundi, Doug Ford s'est dit d’accord avec l’utilisation des mesures d’urgence par le gouvernement fédéral et a assuré avoir collaboré étroitement avec les autres gouvernements.

« Nous avons vu, via les médias, qu’il y avait une présence importante de la PPO à Windsor. Je me souviens avoir pensé, à ce moment, que j’aurais aimé que ces policiers soient chez nous. »

Jim Watson

La manif à Windsor prioritaire

Mais cette collaboration ne semble s’être exprimée uniquement dans la foulée des perturbations dans le sud de l’Ontario.

Le maire Watson affirme avoir eu l’impression que la présence des manifestants au pont Ambassador, qui relie Windsor et Detroit, représentait une situation plus urgente pour la province, étant donné les conséquences pour les échanges commerciaux.

«Nous avons vu, via les médias, qu’il y avait une présence importante de la PPO à Windsor. Je me souviens avoir pensé, à ce moment, que j’aurais aimé que ces policiers soient chez nous», a admis Jim Watson. 

Le bureau du premier ministre Doug Ford a refusé de répondre à nos questions.

«Comme nous l'avons répété tout au long, les politiciens ne dirigent pas et ne devraient pas diriger des opérations policières spécifiques», a indiqué le bureau du Solliciteur général, disant parler au nom du gouvernement ontarien.

Le gouvernement fédéral a décrété la Loi sur les mesures d’urgence du 14 au 23 février 2022, une première dans l’histoire du pays. 

Le premier ministre Justin Trudeau disait alors que cette loi donnerait des pouvoirs importants aux policiers, obligerait des remorqueurs à libérer le centre-ville des camions qui y étaient stationnés et permettrait de geler les comptes bancaires de ceux qui y participaient. 

La Commission sur l’état d’urgence est obligatoire en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence et doit remettre ses conclusions d’ici la mi-février 2023. 

Plusieurs ministres fédéraux et le premier ministre Justin Trudeau témoigneront dans les cinq prochaines semaines. 

Le premier ministre Ford et ses ministres impliqués n’ont pas été appelés à témoigner à la Commission, mais deux hauts fonctionnaires du gouvernement sont attendus. 

«L'Ontario s'est entièrement conformé à l'enquête publique sur l'utilisation de la Loi sur les mesures d'urgence, en fournissant des centaines de documents», a précisé le ministère du Solliciteur général.

Watson voulait d’un médiateur

En décrétant la Loi sur les mesures d’urgence le 14 février, le premier ministre Justin Trudeau affirmait que «la réalité, c’est que la [Loi] n’est pas quelque chose à prendre à la légère et ce n’est pas le premier outil qu’on prend, même le deuxième ou le troisième».

Or, le gouvernement a toujours refusé de négocier avec les manifestants. Les conservateurs ont réclamé à répétition que le fédéral les rencontre. 

Même le maire Jim Watson dit avoir interpellé directement les ministres fédéraux de la Sécurité publique et de la Protection civile pour qu’un «distingué Canadien» pilote une médiation entre le fédéral et les manifestants. 

Impossible. Le fédéral a rejeté l’idée du revers de la main. Pourquoi?

«Il faudrait leur demander», a rétorqué M. Watson, qui dit ne pas se souvenir exactement pourquoi ils refusaient d’acquiescer à cette demande.

S’il n’a jamais demandé à quiconque que la Loi sur les mesures d’urgence soit invoquée, de fait il n’avait même pas appuyé une motion de son conseil municipal demandant au fédéral de la décréter, le maire Watson reconnaît aujourd’hui le bien-fondé de cette loi. 

«Nous avions besoin de cette loi pour aider nos policiers à faire leur travail et pour forcer le remorquage des camions», a reconnu M. Watson.

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  • Date de création 18 octobre, 2022
  • Dernière mise à jour 18 octobre, 2022
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