La Société généalogique du Nord-Ouest en quête de francophones

Depuis 1991, à Edmonton, la Société généalogique du Nord-Ouest propose aux francophones d’Amérique du Nord de retracer la vie de leurs ancêtres pour connaître leurs origines. Une dizaine de bénévoles s’affairent avec passion à remonter les arbres généalogiques, à commencer par le leur.

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Justine Leblond

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Dès que l’on passe la porte de la Société généalogique du Nord-Ouest, dans La Cité francophone à Edmonton, des dizaines de livres disposés sur des étagères, parfois avec des noms de famille sur les couvertures, attirent le regard des curieux.

Tout de suite, l’envie de savoir d’où l’on vient s'empare du visiteur. C’est cette même envie qui a réuni la dizaine de bénévoles présents dans les locaux en ce jeudi matin. Parmi eux, le vice-président de l'organisme, Jean-Yves Vanier, et Michèle Fortin, une généalogiste amatrice.

«La première étape de tout généalogiste amateur, c’est de poser des questions à nos parents et à nos grands-parents», explique avec passion Jean-Yves Vanier investi à la Société généalogique depuis plus de 18 ans. Et puis, il y a ceux qui s’arrêtent là et ceux qui veulent continuer…

«C’est là qu’on devient une ressource utile pour les gens : on les aide à trouver l’arrière-grand-père et on peut remonter facilement jusque dans les années 1500.» Depuis 1991, les bénévoles sont là pour aider gratuitement les francophones et anglophones de l’Alberta à trouver leurs origines. Jean-Yves a même lancé sa propre entreprise, Vos Aïeux, pour faire lui-même les recherches sur demande.

Les bénévoles passent des heures à fouiller dans les recensements québécois, acadiens ou canadiens. L’équipe s’appuie sur les actes originaux et les archives départementales, précise Jean-Yves. «On cherche les actes de baptême, de mariage, de sépulture… et sur des actes, on peut voir le nom des parents, du parrain, de la marraine, des mariés et, de cette façon, on peut retracer avec certitude la filiation de chaque personne.»

Sur Internet, le plus fiable est d’utiliser des bases de données spécialisées dans les ressources sur les ancêtres francophones, comme Généalogie Québec, où les registres originaux ont été numérisés.

Cousine éloignée de Justin Trudeau

La majorité des ancêtres des Canadiens francophones présents sur le territoire depuis plusieurs générations viennent du nord-ouest de la France. Jean-Yves et Michèle n’échappent pas à la règle. «Du côté de ma mère, on vient de Rouen! Et du côté de mon père, c’est Mortagne-au-Perche», sourit la descendante de Normands.

«De mon côté, c’est la Normandie et La Rochelle, ajoute Jean-Yves, mes lignées directes viennent d’Honfleur.» Plusieurs arrivants venaient aussi de Paris, notamment les Filles du Roy, de jeunes femmes envoyées par Louis XIV en Nouvelle-France pour combler l'écart des sexes qui s'y creusait.

En Alberta, le français a été la première langue européenne parlée dans la province grâce aux voyageurs et au commerce du bois et de la fourrure. La majorité des francophones arrivés à l’ouest du pays sont d’abord passés par le Québec, complète Jean-Yves. «Que ce soit Québec, Trois-Rivières, Montréal… ou alors l’Acadie. Puis, début 1700, les voyageurs ont commencé à explorer l’Ouest, notamment La Vérendrye et d’autres. Pour l’installation des premiers colons, on parle davantage des années 1850-1860.»

S'établissent ensuite des hameaux francophones comme Lamoureux, Plamondon ou Saint-Isidore. Certains francophones arrivent aussi par les États-Unis. «J’ai un oncle qui a fait ça, commente Michèle, il est parti du Québec pour aller en Nouvelle-Angleterre avant de décider de retourner au Québec. Il travaillait dans des usines textiles, mais il y a eu un moment où les Américains ne voulaient plus des francophones qu'ils accusaient de voler leurs jobs

Plus on se renseigne sur sa famille, plus on a des chances de découvrir des liens avec d’autres francophones vivant au Canada. «On se trouve des ancêtres communs entre nous facilement, au Québec, l’endogamie est très importante! Si je fais une recherche, là, pendant une heure, je suis capable de nous trouver des cousins de 7, 8, 9, 10ᵉ génération », s’amuse Jean-Yves.

En faisant ses propres recherches, Michèle a découvert que Justin Trudeau est son cousin éloigné de quatre générations. «Ce n’est pas si loin! Mon ancêtre est arrivé en 1550. À cette époque, il y avait quoi… quelques centaines, milliers de francophones maximum», note-t-elle, tout sourire.

Raconter des histoires

Michèle et Jean-Yves sont devenus de vrais chasseurs d’anecdotes. «À travers les registres et les recensements, on trouve les histoires des personnes. Ce n’est pas juste des dates et des noms, c’est ça qui est intéressant et que les gens veulent savoir», dépeint Jean-Yves qui passe beaucoup de temps à fouiller dans des articles de journaux.

Certains francophones restreignent leurs recherches à leur ligne directe, un travail qui peut être achevé en trois ou quatre heures. Michèle, elle, a passé trois années à retracer ses origines, recensant plus de 4 000 ancêtres. «J'ai un client qui veut savoir tous ses ancêtres, sur douze générations. On parle de presque 10 000 personnes! Il veut savoir toutes les histoires, donc il m'a engagé pour cinq ans», illustre Jean-Yves.

Ces quêtes historiques et personnelles donnent souvent lieu à des histoires touchantes, dont une qui a particulièrement marqué le généalogiste. «J'avais notamment retracé l'histoire de deux Acadiens déportés en France, à Saint-Malo, et qui étaient morts, l'une durant la traversée et l'autre peu de temps après, laissant derrière eux des orphelins. C’était très émouvant.»

Chaque visiteur qui franchit la porte de la Société Généalogique vient chercher une histoire différente, la sienne. Alors que les Québécois se demandent quelle est leur ville d’origine en France, les Acadiens, eux, cherchent généralement à savoir ce que leurs ancêtres ont vécu durant la déportation.

  • Nombre de fichiers 6
  • Date de création 4 février, 2024
  • Dernière mise à jour 31 janvier, 2024
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