La science pour semer les graines de la réussite

Avec des températures moyennes avoisinant les -5 degrés Celsius à Happy Valley-Goose Bay au début de ce printemps, ces conditions nordiques peuvent poser certains défis pour les agriculteurs du Big Land. Ces derniers, pour penser à des solutions possibles, doivent ainsi se tourner du côté de la science.

Depuis 2020, le centre de recherche Pye, située à Happy Valley-Goose Bay, collabore avec des chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) pour s'attaquer à la courte saison de croissance au Labrador, pour déterminer quelles variétés de cultures y poussent le mieux, pour améliorer la santé des sols et pour prévenir des ravageurs qui y habitent.

Ensemble, ces organismes oeuvrent afin que de plus en plus de Labradoriens disposent des ingrédients les plus frais à ajouter sur leurs tables. Se concentrant principalement sur la culture de pommes de terre, de carottes, de rutabaga et de choux, leur ferme a pu cultiver 600 de ces légumes à l’été 2023.

Alternatives aux pesticides chimiques

Seul entomologiste des cultures de la province, basé principalement à St. John's, Sean McCann participe à de nombreux projets de recherche avec l'AAC. À Happy Valley-Goose Bay, il étudie en particulier les alternatives aux pesticides chimiques pour lutter contre les insectes, comme la mise en place de filets ou l’instauration d’un système de culture intercalaire.

La mouche du chou, par exemple, pond ses œufs sur les légumes et cause des dommages importants aux plantes parce que ses larves mangent les racines. Au lieu d'utiliser des produits chimiques pour repousser ces insectes, il recouvre les cultures d'un filet. Suffisamment serré pour empêcher les insectes d'entrer, le filet doit résister aux rayons ultraviolets, qui «détruisent tout», explique le scientifique.

La culture intercalaire quant à elle est une autre méthode qu'il utilise pour lutter contre ces insectes. Cette alternative consiste à planter deux ou plusieurs plantes non apparentées sur le plan taxonomique en même temps. «L'objectif est d'obtenir une plante de taille à peu près similaire, au moins au début de sa croissance», dit-il, précisant qu’au Centre Pye, l’équipe plante de la laitue avec les choux. «La laitue est récoltée plus tôt, mais ce n'est pas si grave, car la mouche du chou n'est plus à la recherche d'hôtes pendant cette période», ajoute-t-il.

Les alternatives qu'il pratique sont non seulement meilleures pour l'environnement, mais elles ciblent également les insectes qui sont résistants aux pesticides chimiques, comme la teigne des crucifères, un papillon de nuit qui se déplace vers le nord au printemps. Difficiles à prévoir, ces papillons de nuit se rendent dans la région «très tôt» certaines années, alors que d'autres années, ils ne viennent pas du tout.

En dehors de ces espèces, «il y a toute une série d'espèces différentes au Labrador par rapport à l'île de Terre-Neuve, simplement en raison du fait qu'il est connecté au continent», explique monsieur McCann. La région est donc plus susceptible d'invasions spontanées, précise-t-il.

Étrangers à l'île, les vers gris «aiment grignoter tout ce que vous mettez dans le sol», précise le chercheur. Espèce dont on observe la présence ces dernières années à Happy Valley-Goose Bay, l'équipe ne sait pas encore si son arrivée dans la région est régulière ou spontanée.

«Je pense qu'il serait très intéressant de mener des recherches à ce sujet à l'avenir», dit Sean McCann.

Un partenariat fructueux

«Il y a plus d'agriculture dans la région de Happy Valley-Goose Bay que partout ailleurs», explique le chercheur, précisant que le partenariat avec le Centre Pye est «idéal» pour les expériences agricoles. En comparaison avec Terre-Neuve, «il y a beaucoup moins de roches», rigole-t-il.

Les fraises, dit-il, ont déjà tendance à pousser très bien dans les sols de Happy Valley-Goose Bay, par exemple. Frank et Joyce Pye, qui possédaient auparavant le terrain sur lequel se trouve le Centre Pye, cultivaient déjà des fraises avant que le Labrador Institute s'y soit installé.

Cependant, la ville se situe à l'embouchure du fleuve Churchill, où le sol est sablonneux et ne retient pas beaucoup d'éléments nutritifs. Les chercheurs étudient donc de nouvelles techniques pour que le sol en conserve le plus possible.

À travers l’expertise scientifique qui se cultive au Centre, les fraises sont encore plus abondantes. Lorsque l’équipe de huit personnes a planté 4000 plantes en 2021, environ 1300 livres de cette baie ont été recueillis l'année suivante.

Les fraises se multiplient surtout grâce à l'utilisation d'un paillis de pastique noir pour réchauffer le sol, explique le scientifique. Au lieu d'emprisonner la chaleur du soleil par le haut, comme dans une serre, le paillis de plastique noir maintient la chaleur dans le sol par le bas. Cette méthode prolonge la saison de croissance pendant les périodes plus froides du début et de la fin de la saison.

La chercheuse Ulrica McKim mène de son côté des études sur le compost. La méthode éprouvée consiste à mélanger des matières organiques locales telles que du fumier, de la paille, des feuilles de vieilles plantes et du carton déchiqueté, et à ajouter des tuyaux perforés pour permettre à l'air de circuler. Présentée récemment aux agriculteurs de la région, dit monsieur McCann, cette méthode gagne de plus en plus en popularité dans les fermes du Labrador.

Le chercheur fait part d'un plan encore plus ambitieux que l'équipe d'agriculteurs et de chercheurs du Centre Pye a préparé: la culture d'une orchidée pommée. Selon le chercheur, il faut beaucoup de soins et de protection contre les éléments météorologiques pour réussir à faire pousser des pommiers. Mais avec toute une équipe d’experts et de nouvelles expériences qui poussent au Centre, le développement de Happy Valley-Goose Bay en tant que plaque tournante de la culture fruitière n'est pas une simple chimère.

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Photo: insecte-HVGB

Photo: Sean McCann (Courtoisie)

Caption: Photographe dans ses heures perdues, Sean McCann est fasciné par les insectes. Il a aussi passé cinq saisons en Guyane française pour étudier les oiseaux. «La plupart du français que j'ai appris sert à parler des oiseaux», confie-t-il en rigolant.

 

Photo: hvgb-fleuve

Photo: Sean McCann (Courtoisie)

Caption: Happy Valley-Goose Bay est situé à l'embouchure du fleuve Churchill, où le sol est sablonneux et ne retient pas beaucoup d'éléments nutritifs. L'enrichissement du sol avec un maximum de nutriments est donc l'un des principaux axes de recherche du Centre Pye et de l’AAC. 

 

Photo: filets-hvgb

Photo: Sean McCann (Courtoisie)

Caption: Non seulement la Ferme Pye distribue une grande partie de ce qu'il cultive aux banques alimentaires de la région, mais ses portes sont également ouvertes aux gens du coin qui souhaitent découvrir de nouvelles technologies et méthodes pour obtenir de meilleurs résultats de récoltes à même leurs propres cultures, comme en installant des filets pour repousser des pestes.

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 24 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 26 mars, 2024
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