La science au service de l’apprentissage de la lecture en français

L’apprentissage de l’alphabet et de la lecture est crucial pour le développement scolaire des enfants. Deux chercheuses et spécialistes en éducation veulent pallier le manque de ressources en français basés sur la science. Avec l’appui d’un comité consultatif, elles ont créé AlphaGraphe, une série d’outils pour enseignantes et enseignants du primaire.

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Julien Cayouette

IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 

Après une formation en anglais, Michèle Minor-Corriveau a réalisé que les conclusions des recherches scientifiques faites au sujet de l’apprentissage de la langue étaient très peu mises en action. Des recherches ont mis en lumière l’inefficacité de certaines méthodes d’enseignement actuelles; mais sans option alternative, elles restent en place.

Des recherches utilisant des méthodologies différentes ont démontré que l’adoption des principes d’enseignement basés sur la science de la lecture — l'enseignement explicite, structuré, systématique, où on construit les savoirs, où on fournit de la rétroaction, où on considère la langue d’origine comme étant un atout — fait grimper les taux de réussites à 93 %.

Pour la professeure d’orthophonie à l’Université Laurentienne, il est urgent de modifier la façon d’enseigner la lecture. «Le rapport sur le droit de lire nous dit qu’il ne faut pas attendre avant de changer les pratiques, mais il faut s’inspirer de la science», dit Mme Minor-Corriveau.

Ce même rapport a aussi mis en lumière le besoin de modifier la formation fournie aux étudiants en éducation. «Ce que l’on sait maintenant, c’est que ce n’est pas les enseignants qui ont manqué à leur devoir, c’est que ça ne fait pas partie de leur formation. Donc, jusqu’à ce que les facultés d’éducation ajustent le tir et qu’on intègre des fondements en linguistiques suffisantes pour comprendre cet aspect-là de complexité», ils auront besoin d’outils supplémentaires pour le faire.

Une méthode flexible

La psychologue Alex-Andrée Madore explique qu’AlphaGraphe est «comme une feuille de route. La progression des apprentissages garantit que l’instructeur déplacera efficacement ses élèves du point A au point B sans manquer un virage ou élément».

Le personnel enseignant a la liberté de changer l’ordre de présentation des éléments pour l’ajuster au besoin de son groupe. Ils peuvent également seulement utiliser des sections précises.

«On a proposé une séquence, mais on donne vraiment libre choix à l’enseignante ou à l’enseignant de changer l’ordre si elle a besoin de le faire, pourvu que tu saches que si tu vas chercher une correspondance lettre-son qui est quatre étapes plus loin, il faut que tu donnes ce dont ils auront besoin comme connaissances pour y arriver», explique Mme Minor-Corriveau.

Comme exemple sur l’importance d’adapter la séquence d’enseignement à sa classe, Mme Minor-Corriveau explique que les enfants développent un attachement avec les lettres de leur prénom. «Si je décide que j’enseigne seulement 20 lettres en maternelle et que je laisse tomber les lettres les moins fréquentes, les William, les Xavier, les Michèle ne pourront pas écrire leur nom», révèle-t-elle. Elle suggère de présenter les 26 lettres, mais de ne pas s’attendre à ce que les élèves en retiennent plus de 16 ou 18 lettres avant la 1re année.

Les deux chercheuses œuvrant en milieu francophone minoritaire, elles ont porté une attention particulière à cette réalité et ont inclus des éléments spécifiques à l’apprentissage du français en milieu minoritaire. «Pour l’apprenant, qui arrive avec son bagage, comment est-ce qu’on peut l’aider à trouver une approximation» qui rapproche des sons dans les deux langues?

Effets psychologiques

Les troubles d’apprentissages apparaissent très tôt dans le parcours d’un enfant. Le défi, c’est de les détecter rapidement. Si on ne le fait pas, il peut y avoir des impacts psychologiques à long terme.

«On sait que les troubles d’apprentissage ont une incidence sur l’adaptation sociale, affective et comportementale des élèves. C’est assez commun d’entendre un enfant dire qu’il est “stupide” parce qu’il n’arrive pas à lire, malgré que les troubles de lecture n’ont rien à voir avec l’intelligence», explique Alex-Andrée Madore.

Ce que d’autres recherches ont démontré, c’est qu’un enseignement fondé sur la science de la littératie dans les premières années peut prévenir les difficultés de lecture chez les enfants et permettre de détecter rapidement ceux qui ont des problèmes plus graves et qui ont besoin de services spécialisés.

Les délais dans la détection et les listes d’attente pour recevoir des services peuvent être très néfastes pour les enfants : «Par le temps qu’on les voit en évaluation, plusieurs de ces élèves ont déjà développé des symptômes dépressifs et anxieux, caractérisés par une faible estime de soi», dit la psychologue.

Honnêtement gratuit

Les créatrices d’AlphaGraphe ont décidé de donner accès gratuitement à tout le matériel. Il y a avant tout une question d’urgence. Pour Michèle Minor-Corriveau, la situation est pressante et elle ne voulait pas attendre que tout le matériel — parce qu’elles ont l’intention de continuer à en produire — soit prêt pour le soumettre à une maison d’édition.

Il n’y a aucune garantie non plus que leur matériel intéresserait une maison d’édition, qui doit évaluer la rentabilité d’un produit avant d’aller de l’avant.

«Comment puis-je dire que je suis là pour l’élève et l’enseignant si je suis en train de dire : “Mais si tu veux savoir comment faire, il faut que tu me payes”», lance Michèle Minor-Corrieau.

Elle croit que de l’offrir sans frais démontre clairement leur désir de mettre les besoins des élèves à l’avant-plan. Mme Madore ajoute que le droit de lire de l’élève dépend aussi de l’accès au savoir de l’enseignant.e.

 

+++Encadré+++

AlphaGraphe donne accès à

Un guide pour l’enseignant

Un alphabet intégré imagé

Des cartes à découper pour la classe

Des feuilles pour pratiquer le tracé

Document de références scientifiques

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Michèle Minor-Corriveau est professeure au département d’orthophonie de l’Université Laurentienne. — Photo : Courtoisie

 

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Alex-Andrée Madore est psychologue au Conseil scolaire catholique Nouvelon — Photo : Courtoisie

 

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Michèle Minor-Corriveau et Alex-Andrée Madore ont été très méticuleuses dans le choix des mots dans leur alphabet intégré, créé avec l’aide Sacha Corriveau. Par exemple, même si «chat» et «chien» sont des mots courants qui commencent par la lettre «C» chez les enfants, elles ne les ont pas choisis en raison du son des lettres «ch». — Image : Capture d’écran du matériel d’AlphaGraphe

 

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AlphaGraphe est une série d’outils pour enseignantes et enseignants du primaire qui s’inspire des dernières recherches sur l’enseignement de la langue.

• Nombre de fichiers 5
• Date de création 1 février, 2023
• Dernière mise à jour 1 février, 2023