La SANB appuie la demande de changement de nom de l'Université de Moncton

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) tenait sa 50e assemblée générale annuelle les 16 et 17 juin à Caraquet. Porte-parole du comité citoyen, Lise Ouellette et Jean-Marie Nadeau, qui tous deux ont occupé autrefois la présidence de l’organisme, ont déposé une proposition pour que l’organisme soutienne formellement la demande de changement de nom de l’Université de Moncton.

_______________________

Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

   «Quand on fera le bilan dans cinquante ans, on parlera de notre université avec un nom qui nous ressemble et qui nous appartient. Nous sommes résolument tournés vers l’avenir. Pour paraphraser l’expression du chef Terry Richardson de la Première Nation de Pabineau, le comité travaille pour les sept prochaines générations», a dit d’entrée de jeu Mme Ouellette.

   «Le comité citoyen pilote ce dossier et va continuer à le faire. On assume également nos frais financiers. On ne demande pas d’argent à la SANB, mais un appui moral et politique», a-t-elle ajouté.

   Elle a expliqué aux membres de l’assemblée qu’il s’agissait d’une démarche d’affirmation identitaire, et que celle-ci était importante comme outil de développement social, culturel et économique. Mme Ouellette a également accueilli d’un bon œil les récentes nominations de la politologue Stéphanie Chouinard et de l’historien Maurice Basque pour réaliser un «état des lieux». L’Université de Moncton fonctionnant en réseau, Lise Ouellette a évoqué le caractère bizarre, pour les deux campus du Nord, de porter le nom de la métropole du Sud-Est.

   Cofondatrice du Parti Acadien et actuelle conseillère municipale de Caraquet, Louise Blanchard y a fait écho en signalant un détail historique. Lors de l’AGA de 1990, Martin J. Légère avait formulé une proposition énonçant que le nom de l’Université de Moncton n’était pas représentatif de la collectivité acadienne et qu’il ne reflétait pas l’appartenance des régions francophones et de ses constituantes.

   Chroniqueur au Moniteur Acadien dans lequel il a relancé la question au début du mois de février, Jean-Marie Nadeau a fait savoir que le soutien populaire en faisait l’un des plus beaux dossiers sur lesquels il a travaillé. Il estime que, de la travailleuse d’usine au député provincial, en passant par les magistrats et les artistes, les quelque 1400 signataires de la pétition représentent un échantillonnage extraordinaire de la société acadienne.

   «Ce dossier va nous faire grandir. Comme nous nous définissons, individuellement, fièrement comme Acadiennes et Acadiens, je pense qu’on doit donner le droit à nos institutions de s’afficher elles aussi fièrement acadiennes et francophones», indique le militant.

   Récemment élu à la présidence de l’Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick (AAAPNB), Jean-Philippe Raîche a affirmé que son organisme était résolument favorable au changement de nom. Le poète de Moncton a donné lecture d’un extrait de Cri de terre, recueil de poèmes que le défunt Raymond-Guy LeBlanc a publié il y a 50 ans, et qui résonne avec la problématique actuelle.

Un amendement à forte valeur symbolique

   Citoyens de Belle-Baie, Pierre et Vivianne Boudreau ont ensuite proposé comme amendement que la SANB «exige» du conseil des gouverneurs de l’UdeM que le nom de l’institution soit modifié. «Il faut que nous soyons affirmatifs et pas que nous donnions l’impression, encore une fois, de quémander des faveurs», a soutenu Pierre Boudreau.

   Toutefois, le président d’assemblée, Gilles Belleau, a fait observer que le libellé de la modification aboutissait à la formulation d’une nouvelle proposition. M. Boudreau a donc demandé qu’à tout le moins, le verbe «exiger» soit ajouté à la proposition initiale. Suite à cela, un débat d’une vingtaine de minutes s’est ouvert autour de la sémantique des mots envisagés pour traduire l’intensité de la revendication.

   «Il faut que les gens qui sont en position de pouvoir décisionnel sur ce sujet sentent que c’est un point de non-retour. Les Autochtones n’ont pas fait que demander à l’université Ryerson de changer de nom : ils l’ont exigé. Ce n’est pas pour donner un ordre à l’Université de Moncton, mais pour sensibiliser les décideurs à ce que cela représente pour la société acadienne», a ajouté M. Boudreau.

   Ancien propriétaire du Moniteur Acadien, Bernard Richard, qui réside à Cap-Acadie, a donné son appui à l’amendement. L’avocat est d’avis que l’assemblée générale a la possibilité de formuler de la sorte une telle réclamation.

Les temps ont changé

   Au moment de passer au vote, le soutien à la proposition telle que reformulée (voir photo) était presque unanime. Quelques personnes ont cependant voté contre, dont Yves Doucet, représentant du Sud-Est. L’éducateur, qui a déjà fait état de son opposition en avril dernier dans une lettre ouverte aux médias, a pris la parole pour exprimer son point de vue.

   «Je m’en voudrais de ne pas avoir le courage de mes convictions. Je tenais simplement à dire que je ne pense pas que le changement de nom soit nécessaire. Pour moi, le nom de l’Université de Moncton représente un référent culturel de ma francophonie. Je ne l’ai jamais associé au nom d’une personne ni à celui de la ville.»

   Déclarant qu’elle respectait son opinion divergente, Lise Ouellette a salué l’intervention de M. Doucet. Elle a ajouté que tous les membres du comité citoyen éprouvaient une grande admiration pour Louis Robichaud et le père Clément Cormier, mais que nous n’étions plus en 1963 et que les temps avaient changé. Selon le comité, les défis de la francophonie en Amérique du Nord imposent de prendre des moyens forts pour s’affirmer et ne pas disparaître.

   «Changer le nom d’une université n’est pas difficile. Cela s’est déjà fait ailleurs et les universités en tirent profit. Ce qui est difficile, c’est de prendre la décision de le faire», a-t-elle dit sous les applaudissements du public.

   La proposition a été adoptée à très une forte majorité. Jusqu’à présent très prudente dans ses communications sur le sujet, la SANB peut dès maintenant peser de tout son poids afin de faire aboutir ce dossier identitaire. Elle devrait le faire par la voix de son président, Alexandre Cédric Doucet. Le jeune avocat de Dieppe, admis au barreau du Nouveau-Brunswick plus tôt dans la semaine, y a fait allusion dans son discours de clôture.

   «L’égalité réelle des deux langues officielles de la province n’est pas encore atteinte. Ça prend une brève révision de la loi sur les langues officielles (…) et ça prend un changement de nom de l’Université de Moncton!»

-30-

 

 

Photos

Titre : Vote (photo pour la une)

Légende : Seulement trois personnes ont voté contre la proposition 7. À la une, on reconnaît de gauche à droite Jean-Marie Nadeau, Ghislaine Foulem, Phil Comeau et Nancy Juneau.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Porte-parole

Légende : Jean-Marie Nadeau et Lise Ouellette ont présenté la proposition qui a tenu l’assemblée générale en haleine.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Boudreau Blanchard

Légende : Pierre et Vivianne Boudreau ont déposé un amendement qui a fait l’objet d’un débat et a reçu le soutien de plusieurs personnalités, dont la militante acadienne Louise Blanchard (à droite).

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Proposition 7

Légende : Le texte final de la proposition amendée a fait la quasi-unanimité, moins trois votes contre.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Alex

Légende : Alexandre Cédric Doucet a reçu mandat de l’assemblée générale de faire pression en faveur du changement de nom de l’UdeM.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

  • Nombre de fichiers 6
  • Date de création 4 juillet, 2023
  • Dernière mise à jour 4 juillet, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article