La résistance n’est pas finie, selon Edmond Vautour

La voie était rouverte mercredi sur la route 117 traversant le parc national Kouchibouguac, mais il ne restait plus rien des installations de Jackie Vautour.

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Mario Tardif

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle

 Le paysage semblait nu sans l’habitation du rebelle acadien, et sans tipi, cabanes et autres, sur une terre fraîchement aplatie par un bulldozer.

Selon Edmond Vautour, fils de Jackie, la lutte n’est pas terminée.

«On va mettre des tentes, des tipis, de nouveau sur nos terres. On va continuer notre résistance, parce que ce sont nos terres», a-t-il fait savoir mercredi, près des cendres de son père et devant son ancienne demeure.

«Une place historique comme ici, ils ont fait une poubelle avec. Le mess qu’ils ont fait, incroyable», a-t-il mentionné.

«Quand je suis arrivé ici, j’ai tombé à nouveau à 16 ans, quand ils ont écrasé la maison», a-t-il raconté.

Il affirme n’avoir jamais rêvé à son père depuis son décès.

«C’est bizarre parce que deux jours avant, j’ai rêvé deux nuits d’affilée à lui et dans les rêves, il était vraiment fâché. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi. Là je le comprends.»

Selon lui, des gens ont passé toute la nuit devant la barricade qui avait été érigée la veille, sur une section de la route 117. L’épouse de Jackie Vautour âgée de 90 ans, Yvonne Vautour, est allée faire son tour mardi soir à la barricade.

«Lorsque les polices sont parties, des membres de ma famille sont venus dans la nuit et ils ont pu voir que c’était tout écrasé, tout parti», a-t-il indiqué en rapport aux installations où habitait son défunt père.

«Regarde le terrain, il y a plus de matériel qui a été détruit que ramassé, a-t-il affirmé. Les deux petits camps qui étaient là, en les touchant, ça se brise, ça tombe à terre. C’est la même chose pour la roulotte à mon père. Si tu déplaces ça, c’était assez magané. L’autre cabane à côté, pleine de matériel, tu ne peux pas lever et haler ça.»

À son avis, ils ont pu conserver ce qui avait à l’intérieur de l’habitation, mais le reste a été détruit, selon lui.

Son frère Rocky, qui habitait l’endroit, a été secoué en retournant à son ancienne demeure mercredi.

«J’ai pris sur moi-même. Il y a ma perche à truite qu’ils n’ont pas trouvée. J’ai ramassé ma perche et j’ai été pêcher», a avoué celui qui a dormi seulement quelques heures.

Il n’a pas donné plus de détails sur la suite des choses, mais a mentionné que c’était «loin d’être fini.»

Pour Elzéar Hébert, un exproprié de l’époque, la situation lui a fait penser à l’expropriation de 1976.

«J’ai tout vu ça», a-t-il confié en parlant de la résidence de Jackie Vautour.

Un peu d’histoire

Dans une fiche d’information envoyée aux médias, Parcs Canada reconnaît que de nombreuses familles et personnes ont été grandement touchées par la pratique passée de l’expropriation lors de l’établissement des lieux historiques nationaux et des parcs nationaux.

Selon l’information, le 13 octobre 1969, le Canada et le gouvernement du Nouveau-Brunswick ont conclu une entente pour la création du parc national Kouchibouguac. Cette entente comprenait l’expropriation des terres de 228 ménages par la province du Nouveau-Brunswick. La Cour du Banc du Roi du Nouveau-Brunswick a depuis déterminé que cette expropriation était légale et un appel à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick par M. Jackie Vautour a été rejeté.

Entre 1969-1972, les familles expropriées ont été indemnisées pour leurs maisons et leurs propriétés par la province du Nouveau-Brunswick. Éventuellement, tous les anciens résidents ont quitté le parc national à l’exception de M. Vautour et sa famille. Après que la maison de M. Vautour ait été démolie en 1976, la famille est retournée vivre dans le parc.

Après plusieurs années de négociations infructueuses avec M. Vautour, la province du Nouveau-Brunswick était sous l’obligation légale de transférer les terres au gouvernement fédéral, ce qu’elle a fait en 1978.

M. Vautour a été indemnisé par le gouvernement du Nouveau-Brunswick pour les terres expropriées en 1987. L’indemnisation comprenait deux parcelles de terre (d’une superficie de 110 acres) à l’extérieur du parc national Kouchibouguac, ainsi qu’une somme de 228 000$. D’après l’agence gouvernementale, ce montant serait équivalent à approximativement 480 000$ en dollars d’aujourd’hui – «un montant considérablement supérieur à la moyenne des montants reçus par les autres personnes expropriées», précise Parcs Canada.

Bien qu’il ait accepté l’argent et les terrains et qu’il ait signé une entente renonçant à ses droits sur le territoire, M. Vautour est retourné occuper des terres dans le parc.

 

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 Photos :

Légende : Au centre, Edmond Vautour lors de la rencontre avec les médias, le 12 avril, devant l’ancienne résidence de son père.

Crédit  Photo : - Acadie Nouvelle: Mario Tardif

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  • Date de création 18 avril, 2023
  • Dernière mise à jour 18 avril, 2023
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