La présence d’Éric Lapointe au FFO divise

Le spectacle annoncé d’Éric Lapointe au Festival franco-ontarien (FFO) ne fait pas l’unanimité parmi le public. Une partie se réjouit de pouvoir voir à l'œuvre l’un des meilleurs vendeurs de disques de l’histoire du Québec. L’autre prévoit s’abstenir d’encourager quelqu’un qui a plaidé coupable d'une accusation de voies de fait contre une femme.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Éric Lapointe est une des têtes d’affiche du FFO en compagnie de Radio Radio et de DJ Uniper. L’auteur-compositeur-interprète de 52 ans a plaidé coupable en octobre 2020 d'une accusation de voies de fait contre une femme le lendemain d’une fête organisée pour son 50e anniversaire. Sous l’effet de l’alcool, la vedette a eu une dispute dans sa résidence avec une femme qui n’était pas sous l’effet de l’alcool. Il l’a prise par le cou et l’a adossée au garde-manger. Quelques semaines après l’audience, le chanteur a obtenu une absolution conditionnelle.

Toujours parmi les festivités

Même si l’interprète de N’importe quoi a disparu des grands festivals au Québec, il n’en demeure pas moins qu’il continue d’attirer les foules en région. La star a offert une douzaine de prestations cette année, la dernière étant à Val-des-Bois en musique le 26 août dernier.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs sont heureux de la présence du premier artiste masculin québécois à avoir réussi à vendre plus d'un million d'albums. Par contre, une grande partie de la communauté franco-ontarienne est déçue que le Groupe Simoncic, qui chapeaute l’événement, ait pris cette décision. Le #moiaussi se fait aller dans les commentaires sur les médias sociaux.

«Yark Éric Lapointe... sérieusement. Quelle déception...pour un festival qui se veut rassembleur, on nous propose quelqu'un qui est impliqué dans une affaire de violence conjugale... tu parles d'un retour à grande échelle! Il y a certainement d'autres artistes disponibles plus pertinents!», écrit Éric Barrette sur Facebook.

Le Groupe Simoncic met l’artiste en tête d’affiche en toute connaissance de cause. «C’est vrai qu’il y a une controverse. J’ai autant de commentaires positifs que négatifs. Je ne suis pas là pour faire le juge d’Éric Lapointe. [...] Ce n’est pas la soirée d’Éric Lapointe, c’est une soirée rock et on a invité un des plus grands rockeurs du Québec. On peut se questionner sur la décision et c’est bien correct, mais on assume», déclare Daniel Simoncic.

La décision d'inviter l’artiste a été unanime parmi le conseil d’administration des producteurs. «Je ne peux pas dire qu’on n’était pas conscient qu’on allait avoir une controverse et qu’on allait avoir des gens qui en parlent sur les médias sociaux. [...] C’est le public qui va juger à la fin. Si les gens viennent au spectacle, c’est eux qui jugent. Et je crois que oui avec la manière dont les gens réagissent. Le monde a hâte de le voir.»

La Franco-ontarienne Eugénie Tessier a assisté au FFO par le passé, mais ne prévoit pas s’y rendre cette année. «Je suis profondément déçue de constater qu'une institution culturelle aussi importante pour la collectivité francophone de la région d'Ottawa fasse le choix de taire les violences faites aux femmes en produisant un artiste non seulement retrouvé coupable de voie de fait contre une femme, mais également accusé par plusieurs autres de harcèlement et de violences sexuels», écrit-elle.

«Ça envoie un mauvais message»

«C’est toujours extrêmement gênant, évoque la directrice générale d’Action ontarienne contre la violence faite aux femmes, Maïra Martin. Pour les personnalités publiques, c’est difficile de les voir et d’oublier ce pour quoi ils ont été accusés ou condamnés. Dans le cas d’Éric Lapointe, il y a eu des voies de faits auxquels il a plaidé coupable, mais il y a aussi plusieurs femmes qui ont dénoncé des agressions sexuelles. Le fait que ces personnes-là continuent leurs activités envoie un mauvais message à la société, parce que ça donne l’impression que ce n’est pas si grave que ça et qu’il n’y a pas de conséquences.»

«Pour les femmes et les filles, ça renforce un sentiment d’insécurité, un manque de confiance et le sentiment que les choses ne changent pas et que la société se moque de ce type de violence», poursuit-elle.

Partenaires dérangés

Certains partenaires du festival sont mal à l'aise face à cette décision. C’est le cas pour deux conseils scolaires francophones de la région.

«Le CECCE [Conseil des écoles catholiques du Centre-Est] dénonce toute forme de discrimination et de violence. Ainsi, l'administration a décidé de ne pas ériger son kiosque au festival le vendredi soir lors de la prestation d'Éric Lapointe. Le CECCE sera toutefois bien présent les samedi et dimanche, car le Conseil se doit de demeurer partenaire du FFO en raison de la valeur ajoutée de cette programmation quant à la promotion de la langue et de la culture auprès des familles franco-ontariennes», déclare le CECCE, qui s’associe au FFO depuis huit ans.

Le Conseil des écoles publiques de l'Est de l'Ontario est également dérangé par la présence de cet artiste. «Bien que nous ne soyons aucunement responsables de la programmation du festival, nous prenons acte des critiques que suscite la présence d'Éric Lapointe et prenons celles-ci au sérieux. Nous entendons en discuter avec les organisateurs du FFO», écrit le partenaire de longue date du festival.

Éric Lapointe performera sur la scène du parc Major's Hill le 23 septembre.

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Photos

Éric Lapointe est une des têtes d’affiche du FFO cette année. (Étienne Ranger, Le Droit)

Éric Lapointe sera sur la scène du parc Major's Hill le 23 septembre. (Étienne Ranger, Le Droit)

Maïra Martin, directrice générale d’Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (Courtoisie)

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  • Date de création 31 août, 2022
  • Dernière mise à jour 31 août, 2022
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