La période de questions en péril à Russell

La période de questions qui a lieu à la fin de chaque réunion du conseil municipal du canton de Russell pourrait bien disparaître. Les conseillers soulignent que les interventions du public relèvent davantage du commentaire que de questions en lien avec l’ordre du jour. Cette proposition a soulevé des inquiétudes chez bien des résidents.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

La semaine dernière, la majorité des maisons du canton de Russell ont reçu la même invitation anonyme dans leur boîte aux lettres.

«Le conseil de la municipalité de Russell ne veut pas répondre à nos questions. Pourquoi ?», lit-on en grand titre.

«Ces actions violent nos droits démocratiques !» «Ceci est un drapeau rouge», poursuit-on.

Suivant cette invitation inconnue, la réunion ordinaire du 26 février a attiré un bien plus grand nombre de citoyens qu’à l’habitude.

Ces préoccupations découlent de la proposition du conseiller Mike Tarnowski à la réunion du 12 février d’enlever la période de question de l’ordre du jour des réunions ordinaires.

«Par le passé, cette période a été davantage utilisée pour émettre des commentaires qu’afin d’améliorer la vie en communauté», dit-il.

Ses collègues du conseil étaient tous d’accord avec lui.

«Lorsque je dis aux maires des autres municipalités de la province que nous avons une période de questions, ils sont surpris et trouvent ça aberrant», ajoute la conseillère Lisa Deacon.

«Les questions sont la plupart du temps précédées d’un commentaire et l’intégrité du conseil est mise en cause avant la question, renchérit le conseiller Marc Lalonde. Ces remarques n’ont pas de place ici.»

Autres manières de communiquer

Durant la période de questions de la réunion du 26 février, la majorité des interventions du public portaient sur la possible disparition de cette dernière. La population semble inquiète et ne veut pas perdre son droit de parole.

Comme ses collègues, le maire Pierre Leroux ne voit plus l’utilité d’une période de questions, où le sujet porte rarement sur un point à l’ordre du jour, dit-il.

«Souvent, les gens nous posent des questions mal formulées ou sans contexte, donc il est difficile de leur répondre», explique le maire Leroux.

Il préfère la formule de la délégation, où les citoyens doivent annoncer leur allocution au conseil en prévision de la réunion. Cette forme d’exposé est plus longue et permet au conseil de connaître le sujet à l’avance et de poser des questions au citoyen.

M. Leroux voit la réunion du conseil comme une rencontre entre l’administration et le conseil pour faire avancer des dossiers, plutôt qu’une occasion pour la communauté de s’exprimer.

«Les questions dans les dernières années portent davantage du côté administratif et ne touchent pas directement le conseil, souligne-t-il. Des fois, les citoyens vont contourner leur question pour que ça ait un lien avec l’ordre du jour. Ça devient une discussion et non une question. Certains racontent une longue histoire avant de poser une question, ça prend beaucoup de temps.»

Commentaire désobligeant

Il ajoute que les commentaires peuvent parfois viser l’intégrité personnelle des employés.

«En tant qu’employeur, on a une responsabilité d’offrir un environnement de travail sain et sécuritaire», mentionne M. Leroux.

Cela colle à sa sortie de la semaine dernière où il dénonçait l’intimidation de certains citoyens par l’entremise des réseaux sociaux.

Outre la foule qui s’est rassemblée à la réunion de lundi, les réunions n’attirent que très peu de personnes du public, note le maire. Il cherche une nouvelle manière de fonctionner pour améliorer l’engagement communautaire, tout en prenant le pouls de la population.

«Souvent, les questions peuvent se répondre par un simple courriel», remarque Pierre Leroux.

«Les conseillers sont accessibles, faites juste les appeler si vous voulez poser une question», disait le conseiller Jamie Laurin lors de la réunion du 12 février.

La décision quant à la proposition de M. Tarnowski devrait être prise au cours des prochains mois. Pour l’instant, le règlement stipule que chaque question ne doit pas excéder trois minutes et que cette portion de la réunion ne dépasse pas 15 minutes. Or, lors de la dernière réunion qui a attiré bon nombre de citoyens, la période de questions a duré près de 35 minutes.

Exemple de Clarence-Rockland

Depuis plus d’un an, la Cité de Clarence-Rockland a éliminé la période de questions traditionnelle pour miser sur les délégations, accessibles aux citoyens. C’est la formule que semble vouloir adopter le canton de Russell.

Le maire de Clarence-Rockland, Mario Zanth, rappelle que la plupart des interventions lors de la période de questions étaient d’ordre personnel et n’étaient pas en lien avec l’ordre du jour. Les questions étaient donc posées en public et les réponses données en privé.

À la suite de ce changement, une partie de la population craignait pour sa liberté démocratique, se souvient M. Zanth.

«Aucun accès n’est bloqué aux citoyens, soutient le maire. Avec deux périodes par réunion où les citoyens s’exprimaient, ça engendrait un dédoublement. C’est simplement un réalignement. Tout le monde peut me contacter, ainsi que les conseillers et les employés de la Cité s’il y a un problème.»

Pour faire une demande de délégation, les citoyens doivent remplir un formulaire avant la réunion et se prononcer sur un sujet qui est à l’ordre du jour.

«En sachant la question à l’avance, la direction est mieux outillée pour répondre à la question», explique le maire.

Il y a une dizaine d’années, la Cité avait tenté d’enlever la période de questions au conseil, ce qui avait créé un tollé dans la communauté. Mario Zanth confirme toutefois qu’il n’a pas eu de problème chez la population avec cette formule depuis qu’elle est en place.

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Photos

Le canton de Russell vise à enlever la période de questions lors des réunions du conseil. (Archives Le Droit, Patrick Woodbury)

Le maire de Russell, Pierre Leroux, mentionne que les questions du public portent rarement sur un point à l'ordre du jour, comme le stipule le règlement. (Le Droit, Simon Séguin-Bertrand)

Le maire de la Cité de Clarence-Rockland, Mario Zanth, préconise la formule d'une délégation, où les questions du public sont annoncées avant la réunion. (Le Droit, Simon Séguin-Bertrand)

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 1 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 1 mars, 2024
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