La nuit de Mama Afrique

Le 25 juin 2022, pour le lancement du Centre culturel et des arts africains, Kazir Coulibaly, son fondateur et directeur général, a su réunir toute une Afrique. Celle des natifs, mais aussi celle des passionnés. Ils étaient plus de trois cents à se presser pour profiter d’une ambiance aux rythmes du kwasa kwasa, du makossa, du mapouka, du coupé-décalé ou du reggae. Plus qu’une vitrine de la culture africaine, cet évènement a aussi été l’occasion de confirmer la mission de ce nouvel acteur de la culture africaine : «devenir le berceau du savoir africain en Alberta».
_____________________________

Arnaud Barbet

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Kazir Coulibaly le répète, «amour, inclusion et diversité». Les trois mots qui le font avancer dans la vie et qui lui permettent d’offrir à la population albertaine ce moment exceptionnel. S’il a choisi Mama Afrique comme nom à cette soirée de lancement, c’est d’abord pour nous rappeler que l’Afrique est le berceau de l’humanité.

Malgré un horaire chargé, tous ont pris le temps de s’installer confortablement après un passage obligé vers le buffet. La culture se vit bien mieux les papilles en émoi, semble-t-il. Au menu, des spécialités éthiopiennes, égyptiennes et ivoiriennes. Il y en avait pour tous les goûts.

De l’injera, galette traditionnelle accompagnée d’un ragoût de bœuf, de lentilles, de légumes et d’épices, aux falafels, boulettes de pois chiche relevées, étaient accompagnés, entre autres, de hawawshi, un pita garni de viande hachée et d’un mélange d’épices et d’oignon, et finalement de l’attiéké, semoule de manioc accompagnée de bananes plantains, de poulet et de cette fameuse sauce tomate pimentée… très pimentée.

Les langues se délient, les sourires aussi, et le groupe d’Ibrahima Diallo & MALALA Production lance les festivités. S'ensuit un programme bouillonnant de musique, de danse, interrompu parfois par certains invités, dont Salamane Yameogo bien connu, notamment à Edmonton, pour mettre de l’avant les compétences des entrepreneurs.

Un message d’amour, d’inclusion et de connaissances

Salamane Yameogo est ici pour «célébrer l’Afrique ensemble et la diversité au Canada. Ici, il y a des personnes fabuleuses qui nous ouvrent des portes et c’est l’opportunité d’apprendre des autres». Il reconnaît aussi que la diversité, ce n’est pas seulement une histoire de couleur de peau ou de race. Si le thème de son allocution concerne l’Afrique au-delà de la négativité des médias, il apporte un message d’espoir, mais aussi réaliste, sur son peuple. «Les messages des médias sont tellement profonds que les Africains ne croient plus en eux-mêmes.» Difficile alors de semer la confiance autour de soi.

«C’est plus facile de montrer du doigt l’autre côté. Il faut aujourd’hui que les Africains travaillent pour eux-mêmes et créer un changement de paradigme sur leur propre perception.» Il admet néanmoins que le peuple africain est résilient : un grand nombre d’hommes et de femmes «se tiennent debout». Malheureusement, il évoque aussi ceux qui acceptent leur situation de passivité, invoquant la responsabilité des autres, et qui «oublient qu’ils peuvent être des acteurs du changement».

C’est peut-être pour cela aussi que Kazir Coulibaly tient à déployer toutes ses forces dans le partage des connaissances avec les adultes, mais aussi les jeunes. «J’espère offrir, grâce à des ateliers, des conférences, mais aussi à des moments de partage autour d’un café, la possibilité aux non-Africains, aux Africains, mais aussi aux jeunes, originaires du continent, nés Canadiens, d’en connaître plus sur leur culture, leurs racines et d’en être fiers.» Il insiste sur ces nombreuses futures occasions de débattre, de partager des ressentis, d’apprendre des autres pour mieux se comprendre ensemble.

La soirée Mama Afrique, première d’une longue série

Pour une première, autant dire que la bonne humeur était sur toutes les lèvres. Tout au long de la soirée, le djembé de Ibrahima Diallo a résonné, accompagnant les nombreuses communautés présentes sur la piste de danse.

Du Congo, de la Guinée, du Burundi, du Cameroun, du Togo, de la Tanzanie, du Burkina Faso, d’Algérie, du Kenya, de Mauritanie, d’Érythrée, de Jamaïque, mais aussi du Québec ou de France, tous ont pu rivaliser d’habileté et d’élégance. Car l’Afrique, c’est aussi des costumes traditionnels, faits d’étoffes colorées, de matière noble comme le coton ou la soie, de chapeaux, d’accessoires et de bijoux.

Alors lorsque l’Égyptienne Radwa entame le shamadan, appelé aussi la danse du chandelier, dans son habit aux mille reflets, la salle exulte. Il est évident qu’en plus d’être harmonieuse, cette danse demande une grande concentration pour préserver sur le haut de la tête un chandelier imposant.

Mais elle n’est pas la seule à avoir fait preuve de dextérité. Sonia Thibault, de son nom de scène, originaire du Québec et vivant en Alberta depuis quelques années, a fait elle aussi forte impression lors de ses démonstrations solos de danses mandingue et ndombolo.

C’est finalement Naxx Bitota, la chanteuse du Congo-Kinshasa installée à Montréal, qui a réuni tout le monde sur la scène pour une rumba et un mutuashi endiablé. Ce dernier est un rythme et une danse de l'ancien royaume de Luba, dont la traduction littérale est «mettez-le à l’épreuve». Autrefois invoquant les esprits maléfiques, il est aujourd’hui un symbole de séduction par ses déhanchements subjectifs. Et autant dire que l’amour n’est jamais loin.

Une Afrique surprenante en Alberta

Naxx n’en revient pas. «Sincèrement, je ne m’attendais pas à cela! Tant d’Africains et autant de costumes traditionnels, quelle surprise!» Elle insiste d’ailleurs sur l’accueil chaleureux qu’elle a reçu de la part des Africains, mais aussi des Albertains de souche et des Québécois. Elle avoue, avec le sourire, que c’est plutôt le genre de soirée que l’on retrouve à Montréal.

Alors, elle en est convaincue, «ce genre d’évènement va aider à l’inclusion». Elle a senti dans le public un besoin, une envie de découvrir la grandeur de l’Afrique. «On n’a pas les mêmes coutumes, les mêmes langues, les mêmes accoutrements, l’Afrique est très riche!»

Une affirmation que l’entrepreneur Salamane Yameogo ne peut que confirmer. Il indique d’ailleurs qu’ici comme en Afrique, le peuple africain a besoin de cette inclusion. «Nos différences intellectuelles, linguistiques, nos origines géographiques et historiques» forment, comme il le dit, cette «diversité invisible» qui devrait les unir.

Et si l’on ne doit retenir qu’un instant de cette soirée, c’est certainement celui où la jeune ivoirienne Scheckina a pris la parole. Arrivée en Alberta à l'âge de trois ans, elle impose, du haut de ses neuf ans et de sa petite voix timide, un silence religieux à toute l’assemblée lors de la récitation du poème de David Mandessi Diop, Afrique mon Afrique. Un hommage à ce continent si attachant et à son peuple résilient, même dans les pires moments de son histoire.

++++++++

Parmi les invités, de nombreux membres de la francophonie ont fait le déplacement : Marie-Thérèse Nickel, directrice de l’ACFA régionale de Calgary, Georges Pigoué, président de l’Association du Cameroun, Raphaël Oulaï, président de l’Association ivoirienne de Calgary, Zinha Muabi du Portail de l’Immigrant Association, Carol Offi de la Francophonie Albertaine Plurielle, Giscard Kodiane, directeur de l’ACFA régionale d’Edmonton, Bruno Dal du CANAVUA, Sandrine Sea du Pont Cultural Bridge et Saba Teklu de BWC in Action. D’autres étaient évidemment présents à titre personnel.

+++++++++

  • Nombre de fichiers 18
  • Date de création 10 juillet, 2022
  • Dernière mise à jour 10 juillet, 2022
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article