« La Nouvelle-Écosse, c’est ma province »

Après 10 ans à la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, Marie-Claude Rioux quitte ses fonctions. Le Courrier en a profité pour recueillir sa perspective sur l’évolution de la communauté acadienne, ses défis et ses opportunités pour le futur. 

_______________________

Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Les principales évolutions 

L’un des plus grands dossiers à la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANÉ) a été le retour des circonscriptions électorales acadiennes, mentionne Marie-Claude Rioux.

Pour une telle cause, il faut faire preuve de patience, affirme-t-elle, et après huit ans de travail, la lutte n’est pas encore terminée. « Pour moi, ç'a été une grande injustice que Chéticamp n’ait jamais eue un statut de circonscription électorale acadienne. »

De plus, le retour des circonscriptions a permis aux Acadiens, d’une part, de retrouver les députés acadiens à l’Assemblée législative et, d’autre part, de se retrouver avec des ministres acadiens qui connaissent leurs enjeux et font avancer la cause acadienne.

Elle ajoute qu'un autre changement important a été la restructuration de la FANÉ, soit la réduction du conseil d’administration aux régions acadiennes et à une présidence, pour se focaliser davantage sur les enjeux régionaux.

En position de leadership 

Marie-Claude Rioux n’a jamais considéré que le genre fasse une différence dans son travail. Cependant, il lui est arrivé de se demander si le fait d’être un homme aurait changé certaines choses, car « il y a encore énormément de préjugés à l’endroit des femmes », dont l’idée qu’une femme en gestion soit « moins solide qu’un homme ».

Mais elle n’a jamais laissé ces préjugés l’empêcher de réussir. Par exemple, en arrivant bien informée et préparée lors des rencontres, elle arrive à déstabiliser les gens à son avantage.

Dans le domaine de la francophonie en milieu minoritaire, il ne faut pas faire d’erreurs, souligne Mme Rioux, car le courant est tellement fort pour te ramener vers l’arrière. Elle dit qu’il faut être fort puisqu’il y a davantage d’embûches, et un recul peut prendre des années de rattrapage.

Et il faut de la persistance, de la constance et de « l’entêtement » pour gagner ses combats. « C’est de toujours livrer le même message parce que c’est comme ça qu’on va rallier les gens à la cause », commente-t-elle.

Pour les prochains 10 ans

La directrice générale sortante aimerait sentir davantage que les dossiers qui touchent les communautés acadiennes soient portés par la communauté dans son ensemble. « Souvent, quand on occupe un poste comme le mien, on se sent seul, confesse-t-elle. On sent le poids de la communauté sur nos épaules. »

Elle insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une critique de la communauté, mais un rappel que le travail de la FANÉ « est d’abord et avant tout pour la communauté acadienne, et je crois qu’on doit être solidaire ».

Le futur de la communauté

Un grand défi pour la communauté acadienne et francophone sera de travailler fort pour faire venir des francophones en Nouvelle-Écosse, dit Marie-Claude Rioux, car une diminution du pourcentage de la population francophone entraîne souvent une réduction des services en français.

Elle est d’avis qu’il faut accueillir plus de gens de divers horizons avec des perspectives différentes afin d'enrichir le tissu communautaire. « On a du travail à faire collectivement pour sensibiliser à la pluralité de notre francophonie. »

Et la définition d’un Acadien doit être plus large, selon elle, en incluant les alliés de la cause acadienne, même ceux dont le français n’est pas la langue dominante. « On a des batailles à livrer et je pense que les gens qui sont nos alliés et qui veulent faire partie de nos batailles ont plus de forces qu’on en a. »

Questionnée sur les principaux enjeux qui vont se jouer lors du Congrès mondial acadien 2024, Mme Rioux répond que le principal, c’est de laisser un legs à la communauté, un sentiment de fierté envers son histoire commune et un désir de construire son futur.

Trois décennies plus tard

Originaire du Nouveau-Brunswick, Marie-Claude Rioux est en Nouvelle-Écosse depuis plus de 35 ans. Elle a commencé son parcours à titre de professeur pour les premiers finissants de l’école française à Halifax. Elle a ensuite enseigné le français langue seconde aux militaires des Forces armées pendant neuf ans.

Lorsqu’un poste s’est ouvert à la Fédération des parents acadiens de la Nouvelle-Écosse, elle a sauté sur l’occasion. C’était à l’époque où les Acadiens voulaient amener le gouvernement en cours pour obtenir des écoles acadiennes de la maternelle à la 12e année.

Ce poste lui a permis de régler cette injustice qui lui a « incroyablement frappé ». Elle a notamment emmené la cause Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse à la Cour suprême. « Je me suis développé une passion pour le droit linguistique qui ne se dément pas, qui est toujours là. »

Mme Rioux a également été directrice générale de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse et de Réseau Santé Nouvelle-Écosse avant son mandat à la FANÉ.

Elle relèvera d’autres défis, dès avril, en tant que directrice générale du Centre d’orientation pour la prévention des agressions (COPA National). Mais Mme Rioux précise qu’elle ne déménage pas pour exécuter son nouveau travail, car la Nouvelle-Écosse, c’est sa province.

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 24 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 24 mars, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article