La crise de logement amplifie le danger des femmes

Le manque de logement abordable est souvent traité comme un enjeu général, sans distinction de genres. Toutefois, ce problème a des répercussions sérieuses pour les femmes qui ont des besoins urgents et qui cherchent à quitter des situations dangereuses.
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Alexandra Snider
IJL – Réseau.Presse – Le Goût de vivre

Jo-Anne David, directrice générale de Colibri, Centre des femmes francophones du comté de Simcoe, croit que pendant la pandémie le manque de logement pour les femmes a empiré dû aux pertes d’emplois, à l’augmentation du coût de vie et à l’augmentation des coûts d’hypothèques et de loyers. Elle ajoute que « les maisons d’hébergement ont réduit leur capacité à cause de la pandémie. Cependant, il y a certainement une augmentation des victimes de violence intime par rapport à celles qui ont eu besoin des services de ces maisons d’hébergement auparavant. ».

Selon Haily MacDonald, directrice générale par intérim de Huronia Transition Homes, trouver un logement abordable est le plus grand obstacle à la transition d’une femme qui quitte leur maison d’hébergement. La maison Rosewood à Midland, une maison d’hébergement bilingue pour les femmes et leurs enfants fuyant la violence, a changé la durée d’hébergement qui est passée de huit à 12 semaines il y a trois ans. Mme MacDonald explique que « c’était impossible d’aider une femme à trouver du logement en huit semaines. Pourtant, même avec 12 semaines, c’est tellement difficile de trouver un logement abordable pour une femme dans le comté de Simcoe. »

Jo-Anne David note que, selon le Couchiching Jubilee House, il y a « 715 familles avec personnes à charge sur la liste d’attente pour un logement abordable dans le comté de Simcoe, et 4 400 personnes en tout sur la liste. Le temps d’attente pour une famille avec personnes à charge pour avoir un logement abordable est de 3 ans. »

Des situations dangereuses pour les femmes

Dans les maisons d’hébergement, Haily MacDonald remarque que la difficulté à trouver un logement est démoralisant pour les femmes. « Elles peuvent visiter dix logements ou plus et elles ne l’obtiennent pas parce qu’il y a de la compétition dans le marché locatif de la région, et quand il n’y a pas de compétition, le loyer est tellement élevé que c’est toujours difficile. »

Le manque de logement abordable crée également un effet dissuasif à quitter son agresseur et « une incapacité de se sortir d’une situation dangereuse et potentiellement fatale », prévient Jo-Anne David. Mme MacDonald confirme avoir entendu des femmes dire qu’elles devront retourner habiter avec leur agresseur, car elles n’ont aucune autre option. Mme David signale que sans logement, les femmes « peuvent se retrouver dans des situations plus difficiles, telles que la prostitution et la traite humaine, la dépendance, les troubles de la santé mentale, l’itinérance, la perte de ses enfants et l’isolement quant à sa famille et ses amies. »

Selon Statistiques Canada, le taux d’itinérance est plus élevé chez les femmes, notamment chez les femmes vulnérables, telles que les femmes autochtones et les femmes de minorité sexuelle et de genre. « Les femmes itinérantes sont beaucoup plus vulnérables à la violence dans la rue – ce à quoi elle tente d’échapper au départ. Donc, finalement, le manque de logement abordable peut conduire jusqu’au féminicide », rapporte Jo-Anne David.

Défis supplémentaires pour les mères

Les mères peuvent faire face à des obstacles en cherchant un logement qui conviendra à leurs enfants. Mme David explique que « parfois c’est plus difficile de trouver du logement abordable avec le montant de chambres à coucher nécessaires pour une mère et ses enfants. Donc, la famille peut se trouver dans une situation où ils couchent tous dans la même chambre, sur un divan ou un matelas gonflable. »

De plus, dans certaines situations, les enfants choisissent de rester avec le parent qui est l’agresseur, car il habite dans la maison familiale ou encore il peut se permettre un autre logement. La directrice générale de Colibri maintient que cela « peut contribuer à l’aliénation de la mère chez ses enfants ».

Appuyer la recherche du logement

Jo-Anne David avoue qu’accéder au logement abordable est difficile dans le Comté de Simcoe. Toutefois, le Colibri et autres services tels que les centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) et les maisons d’hébergement sont là pour appuyer les femmes dans ce processus. À Huronia Transition Homes, une travailleuse de soutien appuie les femmes dans leur transition lorsqu’elles quittent la maison d’hébergement. Elle les aide à prendre des rendez-vous pour visiter des logements et à naviguer les services et ressources disponibles.

« C’est une situation difficile », maintient Haily MacDonald. « La solution est qu’on a besoin de plus de logement dans la région et ça ne peut pas être motivé par les profits. On doit se sortir de notre mentalité capitaliste. » Selon Mme MacDonald, le manque de logement abordable ainsi que les faibles montants venant de l’aide sociale créent, ensemble, une barrière qui empêche les femmes de pouvoir quitter définitivement leur agresseur.

La ville de Midland est en voie de créer une équipe spécialisée en logement abordable et Haily MacDonald souhaite que Huronia Transition Homes fasse partie de cette équipe. « On aimerait participer parce que la crise de logement ne s’opère pas de façon non genrée. » Afin de répondre à cet enjeu, les situations des femmes, parfois urgentes et dangereuses, doivent être prises en compte.

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Photos

Titre : Haily MacDonald
Légende : La directrice générale par intérim de Huronia Transition Homes, Haily MacDonald, explique que cet organisme offre de l’hébergement pour les femmes qui fuient la violence, ainsi que pour les femmes ayant subi la traite de la personne. Ils offrent aussi quelques lits pour des femmes sans abri.
Crédit : Huronia Transition Homes

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  • Date de création 4 août, 2022
  • Dernière mise à jour 5 août, 2022
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